Changement de têtes à la Berlinale

Posté par vincy, le 22 juin 2018

C'est un gros chambardement à la tête du Festival International de Berlin. Dieter Kosslick, âgé de 70 ans, ne souhaitait pas renouveler son mandat, qui prend fin en mai 2019. Pour le remplacer, le conseil de surveillance du Kulturveranstaltungen des Bundes in Berlin a décidé de diviser la fonction en deux postes pour 2020. Carlo Chatrian sera directeur artistique de la Berlinale tandis que Mariette Rissenbeek a été choisie comme directrice exécutive.

Carlo Chatrian, italien de 46 ans, est le directeur artistique du Festival de Locarno depuis 2012. Il aura pour tâche de redonner de l'élan à la compétition berlinoise, tout en s'ouvrant à des films plus singuliers. Locarno va devoir partir en quête d'un nouveau directeur. La néerlandaise Mariette Rissenbeek est surtout connue pour avoir dirigé German Films.

Près de 80 cinéastes allemandes, parmi lesquels Fatih Akin, Maren Ade ou encore Volker Schlödorff, avaient demandé en décembre dernier un profond renouvellement du Festival de Berlin en nommant à sa tête une personnalité "passionnée de cinéma et qui dispose des meilleurs contacts dans le monde et soit en mesure, à l'avenir, de porter le festival au même niveau que Cannes et Venise".

Le Festival créé en 1951, considérant comme l'un des trois plus importants artistiquement dans le monde, n'a pourtant pas démérité sous l'ère Kosslick, débutée en 2001: Hayao Miyazaki, Paul Greengrass, Fatih Akin, Claudia Llosa, Asghar Farhadi, Jafar Panahi ont tous reçu l'Ours d'or. Mais la compétition est souvent très inégale, avec de nombreux films jugés assez faibles. Berlin est davantage renforcé par ses sélections parallèles : Panorama et Forum.

Christoph Terhechte, directeur de la section Forum, a prévu de partir en juillet, après 17 ans à son poste. Un remplaçant intérimaire doit être bientôt nommé. Tandis que Wieland Speck, directeur de la section Panorama depuis 1992, avait quitté son poste il y a deux ans, remplacé l'an dernier par le trio Paz Lázaro, Michael Stütz et Andreas Struck, trois de ses collaborateurs et collaboratrices depuis plusieurs années.

Annecy 2018 : des longs métrages d’animation qui dressent un certain état du monde

Posté par MpM, le 22 juin 2018

Cette édition 2018 du Festival d'Annecy aura redit avec efficacité et panache le dynamisme et la belle diversité du cinéma d'animation mondial, qui s'adresse à tous les publics et explore tous les genres cinématographiques. Côté longs métrages, la tendance principale était clairement à un cinéma fort et engagé, voire politique, qui regarde en face les réalités de son époque comme celles du passé. La guerre et la violence étaient ainsi omniprésentes à l'écran, du conflit israélo-palestinien à la guerre civile en Angola, en passant par l'Afghanistan des Talibans et le Cambodge des Khmers rouges.

Ce sont d'ailleurs ces deux propositions qui ont emporté l'adhésion du jury et du public. Sur un mode assez classique, Funan de Denis Do, qui a reçu le Cristal du meilleur long métrage, et Parvana de Nora Twomey, qui a fait le doublé prix du Jury et prix du Public, racontent de manière linéaire et simple le quotidien dans un régime d'ordre totalitaire.

Vivre sous un régime totalitaire


Dans Funan, le réalisateur s'attache à un couple, déporté par le régime, qui se retrouve séparé de son fils. Contraints aux durs travaux des champs, malmenés par les cadres du nouveau régime, sous-alimentés, et sous surveillance permanente, les personnages se battent pour leur survie en même temps que pour retrouver leur fils. C'est l'occasion d'un plongée toute en nuances dans la vie de ces déportés privés de tout : on découvre la cruauté et la bêtise de cadres qui se raccrochent à des idéaux fallacieux de pureté et d'égalité absolue, l'inhumanité d'un système qui nie toute individualité, puis contamine insidieusement victimes comme bourreaux, l'impuissance de tous, la nécessité de survivre coûte que coûte... N'étant jamais à charge, si ce n'est contre le système lui-même, le film montre à la fois les gestes cachés de solidarité (deux cadres aident fugacement le couple de protagonistes, les membres de la famille essayent de rester soudés) et l'impossibilité de cette solidarité dans un contexte où se joue, à chaque instant, la survie de chacun, et où il devient tout à coup acceptable d'accepter un viol (parce que le violeur peut fournir de la nourriture) ou de ne pas venir en aide à une enfant (parce qu'elle est la fille d'un des bourreaux).

Il s'agit de l'histoire vraie de la famille du cinéaste, qui s'est attaché, on le sent, à retranscrire toutes les nuances d'une réalité complexe. Là où on aurait pu craindre une certaine forme de complaisance ou de misérabilisme, il préfère la sécheresse narrative de l'ellipse et une mise en scène très ample qui fait la part belle aux vastes paysages comme aux très gros plans sur les visages, et surtout les yeux, de ses personnages. Le regard voilé de cette mère séparée de son enfant se suffit à lui-même, et l'absence devient une forme de fantôme présent à chaque scène, même quand il n'est pas question du petit garçon. Le cinéaste a aussi tenu à ne pas transformer l'histoire douloureuse de ses proches en une matière à suspense facile. Il limite donc ses effets dans une écriture très sobre qui se contente de raconter, au jour le jour, les moments les plus prégnants de ces destins tragiques, où la douleur des uns ne prend jamais le pas sur celle tout aussi réelle des autres.

Parvana, adapté d'un roman de Deborah Ellis, s'attache aux pas d'une petite fille contrainte de se déguiser en garçon à la suite de l'arrestation arbitraire de son père. Le stratagème, bien que risqué, est le seul moyen pour elle d'assurer la subsistance de sa mère, de sa soeur et de son petit frère, confinés à la maison car le régime taliban interdit à une femme de sortir seule dans la rue. Une fois ce postulat de départ posé, le film patine un peu dans une forme d'auto-complaisance à l'égard des exactions commises et des obstacles qui s'amoncellent sur le chemin de la petite fille. On sent parfois le regard occidental qui force le trait et adopte un ton manichéen destiné à mieux dénoncer les absurdités du régime.

Même la très belle idée du film, celle de raconter en parallèle, sous forme de conte, le combat qui se joue entre Parvana et ses ennemis, est plombée par des maladresses d'écriture (notamment la mère qui ne cesse de réclamer la suite de l'histoire) qui alourdissent tout. C'est pourtant cette partie, réalisée dans une forme de "papiers découpés" numérique, qui est de loin la plus amusante et la plus riche, débordant d'une fantaisie et d'une légèreté qui font défaut au reste. Malgré tout, et même si les bons sentiments n'ont jamais fait les bons films, on ne peut qu'applaudir sur le fond, à savoir un discours engagé sur la culture, l'éducation et l'art comme remèdes contre l'obscurantisme, et le rappel nécessaire du travail qu'il reste à accomplir dans le domaine des droits des femmes.

Questionner le conflit israélo-palestinien


Autre sujet d'actualité brûlant, la situation au Moyen Orient était également au centre de plusieurs longs métrages.  Projeté en compétition, Wall de Cam Christiansen est l'adaptation d'un monologue du dramaturge David Hare, qui s'interroge sur les répercussions du "mur de sécurité" construit autour de l'état d'Israël.  Le documentaire nous emmène sur ses pas, de Jérusalem à Ramallah et Naplouse, montrant concrètement les effets du "mur" sur la vie quotidienne des Palestiniens.

David Hare se met ainsi beaucoup en scène : assis seul sur un banc en train de discourir sur les origines du mur, en pleine conversation avec ses amis israéliens qui se sentent honteux, ou arrêté à un checkpoint avec son chauffeur palestinien, sans raison aucune. Chaque séquence (filmée en prise de vue réelle, puis rotoscopée, ce qui donne une image assez laide sans que l'on comprenne exactement l'intérêt de ce traitement) est l'occasion de dénoncer les absurdités induites par cette barrière infranchissable, et de mettre l'état israélien face à ses contradictions. Sur le fond, le film est assez captivant, notamment lorsqu'il nous amène à Naplouse, "capitale de la pauvreté" que les Israéliens ont rendu quasiment inaccessible, ou qu'il se lance dans une démonstration ironique sur les bienfaits supposés du mur après avoir vu un portrait de Saddam Hussein sur le mur d'un café (il fallait effectivement un mur pour se protéger des gens qui affichent ce genre de choses, déclare-t-il avec malice, avant de feindre le doute : et si c'était la construction du mur qui les avait amenés à se radicaliser de la sorte ?).

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