Cannes 2018 : Cannes en orbite avec « Solaris »

Posté par MpM, le 10 mai 2018

Puisque cette 71e édition nous emmène dans les étoiles avec l’avant-première mondiale de Solo: A Star Wars Story, nouvel épisode de l'univers étendu de la saga Star Wars, présenté hors compétition, et la projection de 2001, l'Odyssée de l'espace de Stanley Kubrick dans une nouvelle copie 70 mm restaurée (sans modification numérique de l'oeuvre de 1968) à Cannes Classics, profitons-en pour un petit tour d’horizon des « Space opéras » qui ont eu les honneurs de la sélection officielle.

Cannes ce n'est à priori pas le lieu où on s'imagine voir un film de vaisseau spatial et de bataille intergalactique, et pourtant certains gros films de science-fiction ont bel et bien décollé depuis la croisette. Retour sur le moins spectaculaire, mais le plus intrigant, d'entre eux.

Solaris, troisième long métrage d'Andreï Tarkovski, est en compétition à Cannes en 1972, soit trois ans après la sélection d'André Roublev. Il a beaucoup été dit qu'il s'agissait de la réponse de l'URSS à 2001 Odyssée de l'espace sorti 4 ans auparavant, et donc celle de Tarkovski à Kubrik, mais le réalisateur russe lui-même rejetait cette vision des choses. Lui qui jugeait le film de Kubrik "froid et stérile", "misant trop sur la technologie", affirme, au contraire, s’être attaché à faire de Solaris son opposé.

En 1972, le cinéaste est dans un période compliqué de sa carrière. Depuis André Roublev, tous ses scénarios personnels ont été refusés, et le projet qui lui tient le plus à cœur, et qui deviendra Le Miroir, est toujours en attente. Les autorités soviétiques, elles, sont soucieuses de rivaliser avec les Etats-unis dans le domaine du film spatial. Tarkovski adapte donc (plutôt fidèlement) le roman Solaris de Stanislaw Lem et obtient enfin une autorisation de filmer.

Ici, les amateurs de space opera spectaculaires en sont pour leur frais : après 45 minutes de préparatifs, sur terre, de la mission spatiale amenant le héros dans la base d'observation de Solaris, une ellipse le montre arrivé à son bord. Tout ce que l'on verra de l'espace est le fameux océan vivant et intelligent qui recouvre la surface de la planète. Pour le voyage dans les étoiles, on repassera. Mais pour le parcours intérieur métaphysique, on a définitivement frappé à la bonne porte !

Dans la station, les scientifiques restants ont à moitié perdu la raison, et Kris Kelvin, le personnage principal, est avant-tout envoyé pour évaluer la situation. Les Hommes ont enfin trouvé une autre forme de vie que la leur, mais échouent à établir un contact avec elle. Pire, ils sont effrayés par les messages que leur envoie cette entité sous la forme d'êtres issus de leur passé ou de leurs souvenirs.

Kelvin croit ainsi devenir fou en voyant apparaître sa propre femme, qui s'est suicidée dix ans plus tôt. Dans le huis clos de la station se bousculent alors les questions existentielles et métaphysiques sur la nature des créatures et de l'Océan. Maléfiques ? Divines ? Bien sûr le film ne livre pas de réponses, mais sa fin laisse peu de place à l'espoir : les hommes sont bien seuls devant l’immensité de l'espace, incapables de ne serait-ce que toucher du doigt le mystère de la vie et de la création.

D'une beauté douloureuse et austère, assez éloigné de ce que les autorités soviétiques attendaient de lui, Solaris fait une forte impression et repart de Cannes avec un grand prix spécial du jury (le grand prix international va à La classe ouvrière va au Paradis de Elio Petri ex-aequo avec L'Affaire Mattei de Francesco Rosi). Bien qu'il soit le plus minimaliste des films de science fiction présentés à Cannes (et probablement de toute l'histoire du space opera), il n'en est pas moins l'un des plus célèbres, envoûtant et mystérieux, qui apporte à chaque vision son nouveau lot de questions... et si peu de réponses définitives.

Quinzaine 50 – une histoire en affiches

Posté par MpM, le 10 mai 2018

Héritière directe de ceux qui voulaient affranchir le cinéma de ses chaînes en 1968, la Quinzaine célèbre cette année sa 50e édition. L'occasion d'une promenade à son image - en toute liberté, et forcément subjective - dans une histoire chargée de découvertes, d'audaces, d’enthousiasmes, de coups de maîtres et de films devenus incontournables.

En partenariat avec Critique-Film. Retrouvez tout le dossier ici.

Ce n’est pas anodin, une affiche. Chaque année, c’est un peu elle qui donne le ton de la nouvelle édition, tout en restant dans l’identité visuelle générale de la section. La Quinzaine, comme la sélection officielle, a ainsi connu différentes périodes, tantôt très référencées, tantôt plus abstraites, qui racontent à leur manière l’histoire de cette branche parallèle du festival de Cannes qui a toujours cherché la singularité.

Dès 1969, l’affiche de la première édition donne le ton. Ici, ce sont les films et leurs auteurs qui sont à l’honneur, et ils s’étalent en blanc sur fond rouge, donnant immanquablement l’envie de les déchiffrer un à un. La formule de la Quinzaine, « Cinéma en liberté », apparaît quant à elle tout en haut, sans que l’on sache s’il s’agit d’une mise en garde, d’un cri de ralliement ou d’une menace.

En 1970, elle aura disparu, remplacée sobrement par la mention « Festival de Cannes 1970 » (qui ne figurait pas la première année) au-dessus de quelques photogrammes célèbres de l’Entrée du train en gare de la Ciotat. Les frères Lumière sont ainsi convoqués en parrains bienveillants de cette jeune section pleine d’enthousiasme. Ils seront de retour l’année suivante, avant de céder (logiquement) la place à Georges Méliès et à une déclinaison de l’image restée célèbre du Voyage dans la Lune, lorsque la capsule se plante dans l’œil du satellite. Plusieurs variantes suivront jusqu'en 1975.

Le cinéma, d’une manière générale, aura toujours une place primordiale sur les affiches de la Quinzaine : une façade de cinéma (le Star) en 1978, un écran éclairé (sur la plage) en 1979, une sorte d’homme-caméra (ou projecteur ?) en 1981, le diptyque 83-84, avec une femme gravissant les marches rouges, puis à l’intérieur du cinéma, ou encore une scène de film en ombre chinoise en 1991. Sans oublier les hommages explicites, d’Henri Langlois en 1977 (quelques mois seulement après sa mort) à Robert Bresson en 2008 (il avait été sélectionné en 1969 avec Une femme douce, en 1971 avec Quatre nuits d’un rêveur, et en 1997 avec Le diable, probablement en 1977), en passant par Maurice Pialat (l’année de sa mort, en 2003).

Les films s’affichent parfois eux-aussi, comme en 1993, qui nous fait voyager de L’Empire des Sens à THX 1138, de Stranger than Paradise à Mean streets, ou en 1998, avec à nouveau L’Empire des sens et Mean Streets, mais aussi Salaam bombay, Aguirre, la colère de Dieu, Mais ne nous délivrez pas du mal ou encore Les silences du Palais. En 2009, ce sont Albert Serra (réalisateur de Honor de cavalleria, Le Chant des oiseaux) et Lolita Chammah (actrice vue dans Les Bureaux de Dieu), puis, en 2011, des pictogrammes qui représentent à nouveau des films passés par la Quinzaine (ou non), une idée de Frédéric Boyer, le délégué général de l’époque).

Plus hasardeux, la mer et la ville de Cannes se sont parfois invitées de manière un peu brutale sur l’affiche. On pense aux éditions 85 à 88 puis 94-95, 99-2000. En 1986, ce phare au milieu de la mer nous rappelle par exemple que la Quinzaine sert de guide aux cinéphiles perdus dans la nuit.

Ces dernières années, sous la houlette notamment du concepteur graphique Michel Welfringer, la Quinzaine s’est fait une spécialité d’affiches sobres et dépouillées, souvent en noir et blanc, qui racontent une histoire en plus de frapper l’imagination par leur force esthétique. En 2014, on découvre un homme qui plonge dans l’écran, ou pénètre dans un monde sombre et hostile, au choix des interprétations. En 2016, c’est l’écho d’une rencontre forcément cinématographique entre un homme et une femme dont il ne reste que des lambeaux d’affiche. En 2017, place au rêve !

Et cette année, place aux femmes, avec cette joueuse de base-ball immortalisée par William Klein, et qui devient le symbole de toutes les femmes (réalisatrices et personnages) qui ont contribué à faire le Quinzaine. Ce qui place cette 50e édition sous les meilleurs auspices, et nous réconcilie quelque peu, il faut le dire, avec l’esthétique kitsch des premières années.

« L’homme qui tua Don Quichotte » peut sortir en France le 19 mai

Posté par vincy, le 10 mai 2018

Le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) a accordé un visa pour la diffusion en salles de L'homme qui tua Don Quichotte de Terry Gilliam, malgré la décision juridique toujours en attente concernant le conflit qui oppose le réalisateur et les producteurs du film au producteur Paulo Branco.

"Après avis de la Commission de classification, un visa tout public a été attribué ce jour au film de Terry Gilliam L’homme qui tua Don Quichotte. Le visa d’exploitation est le document officiel qui permet la diffusion d’un film dans les salles de cinéma", a indiqué l'organisme.

"La décision du juge des référés d’hier a confirmé qu’il serait disproportionné d’empêcher la diffusion de l’œuvre" à cause de ce conflit juridique entre les parties, qui "sera tranché définitivement" le 15 juin par le Tribunal, a précisé le CNC, qui ajoute: "Le contentieux qui oppose par ailleurs M. Branco (Alfama Films) à M. Gilliam, porte sur les conditions dans lesquelles il a été mis fin à leur collaboration, et sur les droits dont M. Branco serait encore titulaire en application de la convention conclue entre eux".

Le Tribunal de grande instance de Paris avait donné hier son accord à la projection du film en clôture de la 71e édition du Festival de Cannes prévue le 19 mai. Océan films sortira le film dans toute la France le même jour.

Cannes 2018: Qui est Antoine Desrosières ?

Posté par MpM, le 10 mai 2018

"Antoine Desrosières a réalisé deux courts métrages dans les années 80, deux longs métrages dans les années 90, a fait deux enfants dans les années 2000, et deux moyens métrages dans les années 2010". Ainsi Antoine Desrosières se présente-t-il (efficacement) dans le dossier de presse de son nouveau long métrage, A genoux les gars, sélectionné en section Un Certain Regard. Il y oublie tout de même son rôle de producteur délégué sur des films comme Villégiature de Philippe Alard ou Lisa et le pilote d'avion de Philippe Barassat.

Le réalisateur français, qui a commencé sa carrière au milieu des années 80 avec plusieurs courts métrages, signe donc son premier long en 1993. A la belle étoile, qui réunit notamment Mathieu Demy, Chiara Mastroianni et Julie Gayet, dresse le portrait d'un jeune homme de 17 ans à la recherche de l'amour, croisant le chemin de plusieurs femmes participant à son éducation sentimentale. Le film fut présenté au Panorama de la Berlinale 1994 ainsi qu'à l'ACID à Cannes. Sept ans plus tard, son deuxième long métrage Banqueroute, toujours avec Mathieu Demy, suit les aventures d'un courtier en Bourse qui a ruiné son entreprise. Il est en compétition officielle à Rotterdam et à nouveau à l' ACID.

Suivent René Bousquet ou le grand arrangement (2006), une fiction télé dont il écrit le scénario avec Pierre Beuchot, le moyen métrage Un bon bain chaud (2012) avec Benoit Forgeard et le documentaire Vanda Spengler aura ta peau (2014). En 2015, le moyen métrage Haramiste remporte le prix du public au festival Côté court à Pantin. C'est à l'occasion de ce film qu'Antoine Desrosières rencontre Souad Arsane et Inas Chanti, les interprètes et co-auteures d'A genoux les gars. Dans Haramiste, elle étaient deux sœurs de confession musulmane, voilées et pratiquantes, qui connaissaient différentes formes de tentations. Dans A genoux les gars, qui est inspiré d'un témoignage réel, elles sont à nouveau deux sœurs qui forment un quatuor parfait avec leurs petits amis respectifs, jusqu'au jour où les garçons manipulent la plus jeune pour obtenir une fellation.

La particularité du travail d'Antoine Desrosières est  de faire cinq à six fois plus de temps de répétition que de temps de tournage. Durant deux mois, le réalisateur passe ainsi en revue toutes les situations du film avec ses comédiens, en leur demandant de développer et d'improviser devant la caméra. Puis durant à nouveau deux mois, toute l'équipe répète les scènes écrites à partir de ces improvisations. Les acteurs et actrices restent ensuite libres de suggérer des ajouts jusqu'au dernier moment. De même, au début du projet, l'histoire n'avait pas de fin, et elle s'est écrite au fur et à mesure du cheminement collectif.

A genoux les gars s'annonce ainsi comme une œuvre captant avec justesse son époque, notamment dans le langage ultra-contemporain utilisé par les personnages, mais aussi comme un plaidoyer vibrant (mais humoristique) sur la question fondamentale du consentement. Forcément d'actualité.

Cannes 2018 : Martin Scorsese se livre en masterclass

Posté par wyzman, le 10 mai 2018

Invité d'honneur de la Quinzaine des réalisateurs (où il a reçu un Carrosse d'or), Martin Scorsese donnait hier une masterclass au Théâtre Croisette après la projection de Mean Streets. L'occasion pour lui de revenir sur la fabrication de son premier film présenté sur la Croisette, lors de la Quinzaine des réalisateurs de 1973. Acclamé, le film n'est pourtant sorti en France que 3 ans plus tard mais il demeure aujourd'hui encore un objet filmique culte. Pour l'occasion, Martin Scorsese, qui a ouvert mardi soir avec Cate Blanchett la 71e édition du Festival de Cannes, était d'ailleurs très bien entouré. Annoncée par Céline Sciamma, la masterclass de Martin Scorsese était animée par Rebecca Zlotowski, Bertrand Bonello, Jacques Audiard et Cédric Klapisch.

A propos de la genèse de Mean Streets :

Avec ce film, il s’agissait de se demander comment  avoir une vie juste moralement dans un monde qui ne l’est pas. Il m’a fallu des années pour comprendre certaines choses et qu'en fait, je je ne racontais rien d’autre que la relation entre mon père et son jeune frère. Mon père rendait toujours des services à son frère et ma mère lui disait "Non arrête, c’est bon !" mais il ne pouvait pas s’arrêter.

A propos du bien et du mal dans Mean Streets :

Ces gens que l’on appelle des malfaiteurs, il y avait quand même du bien en eux ! Mean Streets développe l’idée selon laquelle si l’on veut réparer le mal que l’on a fait, on ne peut pas le faire entre les quatre murs d’une église. Dans la vie, il y a deux catégories de personnes : ceux qui sauvent des gens et ceux qui se battent et je fais peut être partie de eux qui se barrent... Voilà pourquoi l’humour est très important !

A propos des thématiques phares de ses films :

Avec le temps, j’ai été davantage attiré par les rapports entre hommes, les amitiés masculines, cette fraternité. Ce sont ces questions là qui ont nourri tous mes films et la création de mes personnages. Et aussi de savoir : si tu laisses les choses dans une relation s’envenimer, est-ce que tu es une mauvaise personne ou est-ce qu’il y a moyen que tu sois quelqu’un de bien ? Est ce que parce que l’on vit mal, parce que l’on pêche, cela définit qui l’on est ?

A propos de sa passion pour le cinéma :

[J'ai grandi aux côtés de] travailleurs sociaux qui étaient au cœur du New York le plus dur mais qui continuaient de croire qu’ils trouveraient les moyens de venir en aide aux autres. Ils s’occupaient des plus défavorisés de ceux laissés sur le bas-côté de la route avec un dévouement dont on devrait s’inspirer. Ce sont des figures qui ont été très importantes pour moi. Il y a un prêtre qui a été comme un enseignant de la rue pour moi, c’est lui qui m' fait aimer le cinéma et les westerns. C’est quelqu’un qui a eu sur moi une grande influence, il m’a aidé à réfléchir à la moralité et au bien car l’autre côté c'est de tomber dans la criminalité et la violence. Il m'a fait découvrir un art.

A propos des romances développées dans ses films :

La question a toujours été de savoir comment entamer une relation amoureuse. Passé un certain âge, il y a énormément d’enjeux. Il faut faire le point sur soi-même, sur ce que l’on est et ce que l’on vaut. Il y a un certain nombre de codes que l’on peut vouloir outrepasser mais qu’il faut d’abord connaître.

A propos des problèmes qu'il peut rencontrer en tournant :

Si l'on sent que quelque chose cloche, que l’on arrive pas à faire ce que l’on veut, c’est que l’on n'a pas les bonnes raisons d’être là et de faire les choses. Je garde d'ailleurs un souvenir claustrophobe et malaisant [de la création de certains personnages de Mean Streets].

A propos de son travail en phase de pré-production :

Ce dont moi j’ai envie c’est une simplicité apparente. On pense que cela se fait tout seul comme chez Clint Eastwood mais ça ne se fait pas comme ça. C’est au prix d’un grand professionnalisme et d’une véritable préparation que cette simplicité apparaît. Malheureusement, ce n’est pas le cas chez moi. Bon, si je dois vous parler de comment je travaille, je ne vais peut-être pas vous reparler de mon enfance (...) Ma seule ouverture sur le monde c’était le cinéma. Je dessinais tout le temps et ces petits dessins sont devenus ce que l’on appellerait aujourd’hui des storyboards. Aujourd’hui encore, c’est ce que je fais. Deux semaines avant de tourner je me pose et je dessine. Et ce n’est que récemment que d’autres aspects sont apparus [sur ces storyboards] : l’échelle des personnages, les mouvements de caméras... Avant, le plus important pour moi était de connaître le cadre et les plans que j’allais tourner !

La fin tragique des rockeurs russes Mike Naumenko et Viktor Tsoi

Posté par vincy, le 10 mai 2018

Leto (L'été), de Kirill Serebrennikov, est une chronique d'une époque - le début des années 1980 -, d'un pays - la Russie encore soviétique -, et d'un milieu - le rock underground. Film musical, rempli de titres cultes, du Velvet Underground à Blondie en passant par T-Rex, il révèle aussi tout un pan méconnu musicalement: le rock soviétique, d'avant la Perestroïka. Ironiquement, les deux personnages centraux de Leto, Mike Naumenko (du groupe Zoopark) et Viktor Tsoi (du groupe Kino) décèdent juste avant la chute de l'URSS (et la naissance de l'actuelle Fédération de Russie).

Le film ne se concentre que sur une période, l'émergence de Kino en 1982. Kirill Serebrennikov, qui filme ce microcosme comme une troupe de théâtre, ne s'attarde pas sur la fin tragique de ses deux musiciens. Mike Naumenko, né en 1955, décède en août 1991 dans des circonstances énigmatiques: une hémorragie cérébrale déclenchée par un accident domestique selon certains, par un cambriolage à son domicile selon d'autres. Dans le film, sa carrière est à son apogée, avant un déclin accéléré par l'abus d'alcool et des mains moins agiles. Viktor Tsoi, né en 1962, meurt en août 1990 dans un accident de voiture. Dans Leto, il est un débutant, avant de devenir une star nationale sous le règne de Gorbatchev. Il reste l'un des artistes russes les plus célèbres de ces 40 dernières années.

Cannes 2018 : Nos retrouvailles avec Jean-Luc Godard

Posté par MpM, le 10 mai 2018

La 71e édition du Festival de Cannes sera godardienne ou ne sera pas. Cinquante ans après le fameux festival 1968 qu’il contribua à faire arrêter, le doyen des cinéastes de la Nouvelle vague est de retour sur la Croisette, avec à la fois une affiche tirée d’un de ses films (Pierrot le fou) et un long métrage en compétition, Le livre d'image.

Si l’on sait qu’il ne sera pas personnellement présent à Cannes (il s’en était clairement expliqué lors de sa dernière sélection en 2014), son ombre planant sur le tapis rouge a quelque chose de forcément ultra symbolique, surtout en cette année anniversaire des révoltes étudiantes et ouvrières de Mai 68.

D’autant que Jean-Luc Godard et Cannes, c’est une histoire longue et mouvementée qui court elle-aussi sur un demi-siècle. Le Festival est totalement passé à côté des chefs d'œuvre du cinéaste et, c’est difficile à croire, n’avait remarqué ni A bout de souffle (Ours d’argent du meilleur réalisateur à Berlin), ni Pierrot le fou (sélectionné à Venise), ni Le mépris, ni Alphaville (Ours d’or à Berlin), ni La Chinoise (sélectionné à Venise)… ni aucun des films de la prolifique période 1960-1968.

Alors, c’est vrai, le réalisateur avait fait sa première incursion dans la course à la palme d’or en 1962, grâce à Cléo de 5 à 7 d’Agnès Varda, dans lequel il apparaît. Mais en réalité, il aura fallu attendre 1970, et un film relativement mineur, Vent d’Est, pour que Godard soit sélectionné à Cannes avec l’une de ses œuvres. Et encore : pas en compétition officielle, mais à la Quinzaine. C'est un début.

Les années suivantes, on le retrouve dans la section « Perspectives du cinéma français » (qui n’existe plus aujourd'hui) : en 1976 avec Comment ça va et en 1977 avec Ici et ailleurs. Enfin, Gilles Jacob répare « l’oubli » (le manque absolu de discernement ?) dont il avait été victime en invitant enfin Godard en sélection officielle en 1980 avec Sauve qui peut (la vie). Suivront Lettre à Freddy Buache (Un Certain regard, 1982), Passion (Compétition, 1982), Détective (Compétition, 1985), Aria (Compétition, 1987), Histoires du Cinéma (Séance spéciale, 1988), Nouvelle vague (Compétition, 1990), Histoire(s) du cinéma (Un Certain regard, 1997), Eloge de l’amour (Compétition, 2001) ou encore Notre musique (Hors Compétition, 2004).

Au milieu des années 2000, il devient un habitué de la sélection Cannes Classics, où sont montrés Moments choisis des Histoire(s) du cinéma (2005), Loin du Vietnam (2009), Pierrot le fou (2009), Masculin féminin (2016) et même Paparazzi de Jacques Rozier en 2017, un court métrage qui relate le tournage du Mépris.

Comme pour se rattraper de l’indifférence des premières années, Cannes semble ne plus pouvoir se passer de Godard, et continue en parallèle des classiques à inviter méticuleusement chacun de ses nouveaux films : en 2010, Film socialisme est à Certain Regard, en 2014, Les ponts de Sarajevo est montré en séance spéciale et Adieu au langage en compétition (il rafle un prix du jury ex-aequo avec Xavier Dolan, tout un symbole).

Et même quand il n’a pas de longs métrages à présenter, Godard réussit à s’inviter dans la grand messe cannoise : en 2013, son court métrage The three disasters est en clôture de la Semaine de la Critique dans le cadre du programme 3X3D aux côtés de Peter Greenaway & Edgar Pêra. En 2016, l’affiche de la sélection officielle est tirée du Mépris. En 2017, il est carrément le personnage principal du Redoutable de Michel Hazanavicius.

Certains fustigent d’ailleurs l’image comico-ridicule que donne de lui le film, et s’insurgent de cette pochade qui s’attaque à leur idole. Le livre d'image sera-t-il une forme de droit de réponse ? Un nouveau virage dans la carrière du réalisateur ? La poursuite de ses expérimentations des dix dernières années ? Peu de choses ont transpiré sur le film, mais il figure probablement parmi les plus attendus de ces dix jours. Parce que Cannes s’essouffle, le cinéma s’étiole, la critique se meurt, mais l’effet Godard, lui, n’a rien perdu de son pouvoir d’attraction.

Cannes 2018: un festival « en-chanteur »

Posté par wyzman, le 10 mai 2018

Les amoureux de la Croisette le savent, le cinéma n'est qu'une des dimensions du Festival de Cannes. A côté de cela, nombreux sont les acteurs qui ont déjà prouvé, ici et là, qu'ils étaient capables de faire autre chose que jouer la comédie. Pour vous, voici une petite compilation des projets et personnalités que les mélomanes suivront de très près.

Des acteurs aux talents multiples

A l'affiche de deux films par an (minimum), Kristen Stewart est ce que l'on appelle communément une touche-à-tout. Et non, nous ne faisons pas référence à son incroyable performance dans On the Road. Après avoir présenté son premier court-métrage l'an dernier, elle est de retour sur la Croisette en tant que jurée. Et elle a d'ores et déjà montré l'étendu de son talent de chanteuse dans Into the Wild (2007) et Les Runaways (2010) avant de s'acoquiner personnellement avec les chanteuses Soko et St. Vincent. Mais au jury, il y a surtout Khadja Nin, auteure, compositrice, interprète. La musicienne du Burundi a sorti plusieurs albums et sa chanson « Mama » a été clipée par Jeanne Moreau en 1998.

Parmi les acteurs-chanteurs qui défileront sur le tapis rouge, impossible de ne pas évoquer la plus connue, Vanessa Paradis, à l'affiche d'Un couteau dans le coeur de Yann Gonzalez (et la zik de M83).Elle aussi a un lien cannois avec Jeanne Moreau puisqu'elle y a chanté "Le tourbillon de la vie". C'est l'une des rares artistes françaises à avoir su équilibrer la double face cinéma et musique en restant au top dans les deux arts.

Elle sera suivie par Adam Driver (BlacKkKlansman) qui a fait ses preuves dans Inside Llewyn Davis et Hungry Hearts.

Parmi les films hors-compétition, il ne faudra pas manquer Le Grand bain de Gilles Lelouche dans lequel Philippe Katerine se dévoile (encore) en slip de bain tandis que Donald Glover (a.k.a. Childish Gambino) sera l'une des stars de Solo : A Star Wars Story. Il y incarne un jeune Lando Calrissian. Du côté de la Quinzaine des réalisateurs, il va sans dire qu'Audrey Tautou (En Liberté !), photographe à ses heures, et Isabelle Adjani (Le Monde est à toi), sans pull marine, seront chaleureusement accueillies.

Des bandes originales à surveiller

Sans surprise, les bandes originales des films sélectionnés seront scrutées de près. Mais avant de savoir à qui les quelques journalistes triés sur le volet remettront le Cannes Soundtrack Award, notez dès maintenant que c'est le DJ japonais Tofubeats qui s'est occupé de la musique de Netemo sametemo de Ryusuke Hamaguchi. Le film concourt pour la Palme d'or et a tout d'une romance exclusivement dédiée aux adultes.

D'ailleurs, en parlant de films réservés aux adultes, sachez que Gaspar Noé est de retour à Cannes pour présenter son cinquième long-métrage, Climax. Avec son casting composé d'acteurs inconnus, le réalisateur d'Irréversible pourrait de nouveau bousculer les festivaliers. Mais cette fois, nous vous parlons de la musique qu'il aura choisie pour illustrer le successeur de Love.

L'immanquable de l'année

Enfin, impossible de ne pas parler du seul film exclusivement dédié à une chanteuse réelle. Trois ans après Amy d'Asif Kapadia, c'est Whitney qui devrait émouvoir les festivaliers. Projeté en Séance de minuit, le documentaire de Kevin Macdonald raconte la véritable histoire de Whitney Houston, en ne laissant jamais de côté les aspects les plus difficiles de sa vie. Sans jamais être misérabiliste, le film montre comment une jeune Noire américaine souhaitant être choriste comme sa mère est devenue mannequin avant d'être la plus grande voix féminine du 20e siècle.

Cannes 2018 : quand Annecy « goes to Cannes »

Posté par MpM, le 10 mai 2018

Pour la troisième année consécutive, le dispositif "Annecy goes to Cannes" permettra à cinq long métrages d'animation en work in progress d'être présents sur la Croisette. En partenariat avec le marché du film de Cannes, le Festival et le Marché international du film d’animation d’Annecy organisent en effet une session de pitchs le vendredi 11 mai entre 10h et 12h.

Il s'agit d'offrir à ces projets en cours l'opportunité de se faire connaitre par les nombreux professionnels (distributeurs, aux investisseurs et aux agents de vente ) réunis à Cannes. L'occasion pour eux de partager les premières images exclusives des films et de parler de leur avancement afin de susciter l'intérêt de nouveaux partenaires potentiels.

Les projets viennent du monde entier (Brésil, Chine, Mexique, Danemark...) avec un important pourcentage de productions ou coproductions françaises. On notera notamment la présence de Pachamama, le nouveau projet de Folivari qui met en scène deux petits indiens de la Cordillère des Andes à la recherche de l'idole protectrice de leur village, ainsi que celui des Films d'ici, Au coeur des ténèbres, qui se passe à Rio de Janeiro, dans un futur proche.

HEART OF DARKNESS - Brésil, France, Portugal
En préproduction

En présence de Rogério Nunes (réalisateur, producteur, Karmatique Imagens LTDA) et de Sébastien Onomo (producteur, Les Films d’Ici)

FLEE – Danemark, France, Suède
En préproduction

En présence de Jonas Poher Rasmussen (réalisateur) et de Monica Hellström (productrice, Final Cut for Real)

SPYCIES – Chine, France
En production

En présence de Benoit Luce (producteur, Lux Populi Production) et de Quinshu Zuo (distributrice, iQiyi Pictures)

KOATI – Mexique
En production

En présence de Rodrigo Perez-Castro (réalisateur) et d'Anabella Sosa-Dovarganes (productrice, Upstairs)

PACHAMAMA – France
En production

En présence de Didier Brunner et Damien Brunner (producteurs, Folivari)

Cannes 2018: Qui est Agata Kulesza ?

Posté par vincy, le 10 mai 2018

C'est peut-être l'actrice polonaise la plus connue à l'internationale ces temps-ci. Agata Kulesza a récolté une dizaine de prix internationaux entre 2013 et 2015 pour son rôle dans Ida, de Pawel Pawlikowski (Oscar du meilleur film en langue étrangère). Lauréate de deux prix de la meilleure actrice aux "César" polonais, avec Roza de Wojciech Smarzowski en 2011 et Ida deux ans plus tard, la comédienne, âgée de 46 ans, arrive à Cannes avec Cold War, en compétition. Dans ce nouveau film de Pawlikowski, qui se déroule dans les années 1950 entre les pays de l'Est et Paris, elle n'est toujours pas le rôle principal, tenu par Joanna Kulig. Mais sa présence devrait être remarquée tant elle sait dramatiser chacune de ses apparitions.

Cela fait 25 ans que la comédienne alterne petit et grand écran en Pologne, comédies et drames, petits rôles et grands personnages. Il faut cependant qu'elle attende 2011 pour se faire réellement un nom à l'étranger dans le circuit des festivals. Avec Roza, tout d'abord, grand succès populaire et critique dans son pays, où elle incarne une veuve paysanne dans une Pologne qui n'a pas encore soigné les plies de la Seconde guerre mondiale. La même année, elle est la mère d'un garçon homosexuel, harcelé qui trouve du réconfort en dialoguant virtuellement avec une jeune fille suicidaire, dans La chambre des suicidés.

Mais c'est bien le personnage de Wanda dans Ida qui la révèle mondialement. Dans cette Pologne austère, communiste et catholique des années 1960, elle incarne la tante Wanda que recherche Sœur Anna (Ida de son vrai nom). Wanda, ancienne stalinienne, juive et alcoolique, va alors amorcer un voyage dans le passé avec sa nièce. C'est une rencontre entre deux femmes, deux âmes mélancoliques, qui se termine tragiquement. Ironiquement, Agata Kulesza va se métamorphoser en mère supérieure dans Les innocentes d'Anne Fontaine (2015), avec Lou de Laâge et Joanna Kulig. Là encore un film historique, lié à l'Eglise, l'après guerre. Là aussi un rôle sombre, un personnage à l'âme tourmentée.

Avec I'm a killer, thriller historique de Maciej Pieprzyca (2016), elle reçoit son troisième Polish Film Award, mais cette fois-ci dans la catégorie second-rôle, en quelques années. On la croise dans un autre polar, True Crimes, avec Jim Carrey et Charlotte Gainsbourg, signé Alexandros Avranas (inédit en France). L'an dernier elle devient le personnage récurent de la série policière Ultraviolet.

Agata Kulesza est en fait là où on ne l'attend jamais. De "Danse avec les stars" au doublage du jeu vidéo "The Witched", elle ne suit aucun plan de carrière. "Je suis toujours à la recherche d'une histoire puissante ... une histoire qui évoque quelque chose en moi et j'espère, aussi, quelque chose chez les spectateurs" explique-t-elle, sans se soucier du format ou du support.