Berlin 2018 : Hong Sang Soo et l’éloge des émotions

Posté par MpM, le 16 février 2018

Un an seulement après avoir présenté le très beau Seule sur la plage la nuit, Hong Sang Soo est de retour à Berlin, cette fois dans la section Forum. Il présente Grass, un film choral d’à peine plus de 60 minutes, qui fait brillamment la synthèse de tout son cinéma, et paraît un camouflet pour tous les films de plus de deux heures, tant il semble dire de choses en un temps si resserré.

Le dispositif de départ est pourtant d'une grande simplicité. Il filme (en noir et blanc et en plans souvent fixes, fidèle à ses codes traditionnels de mise en scène) une succession de conversations entre des couples installés dans le même café, puis dans un restaurant. Leurs relations sont différentes, leurs propos aussi, et pourtant, bien sûr, les correspondances entre eux sont troublantes et nombreuses : ils s'assoient à la même place, prennent des boissons identiques, abordent des thèmes qui se répondent, du suicide à l'écriture, en passant par des remords ou des regrets sur le temps passé.

Lorsque l'on est un habitué du cinéma d'Hong Sang Soo, on a appris à se méfier des apparences. Aussi suspecte-t-on rapidement que les différents couples, et leurs discussions, sont en réalité le fruit de l'imagination d'une jeune femme, assise à l'écart devant un ordinateur, et incarnée par Kim Min-hee, nouvelle muse d'Hong Sang Soo. Les mouvements de caméra eux-mêmes le suggèrent lors de travellings latéraux explicites entre les deux tables. La voix-off, celle de la jeune femme commentant, voire expliquant la situation et le contexte, ne fait que confirmer cette impression, qui sera pourtant troublée par la suite du récit, avant d'être à nouveau validée par l'image, et ainsi de suite jusqu'à la toute fin du film.

Le film propose ainsi une double lecture de son récit, à la fois réalité captée par une observatrice distante et fiction imaginée par cette même observatrice. Peu importe, au fond, puisque ce personnage à part (en apparence le seul à ne pas fonctionner en duo) peut être perçu comme le double de cinéma du réalisateur. Que ce soit elle, ou lui, qui modèle l'intrigue à sa guide, reviendrait finalement au même.  Elle est à la fois la figure du réalisateur qui contrôle hors champ ce que disent ses acteurs, et celle du spectateur qui écoute et regarde sans prendre part à l'action.

On sent d'ailleurs Hong Sang Soo de plus en plus introspectif sur son propre cinéma, glissant des remarques sur la musique (classique) qui sert d'ambiance sonore à la première partie du film, ou des compliments à l'égard du mystérieux propriétaire du café où se déroule l'intrigue, jusqu'à constituer une sorte de portrait en creux de lui-même. Un autre personnage se plaint même d'avoir l'impression de toujours dire la même chose (n'est-ce pas le reproche principal fait abusivement au cinéma d'Hong Sang Soo ?).

Fidèle à son habitude, le cinéaste coréen brouille donc les pistes et tisse une intrigue faussement limpide (mais réellement fine, légère  et drôle) dont chaque scène entre pourtant de manière complexe en résonance avec les autres, formant un ensemble cohérent et dense sur l'éternelle question des rapports entre les hommes et les femmes. On pourrait un temps penser que Hong Sang Soo est dans une phase pessimiste, et qu'il remet en question avec ses personnages la notion même d'amour. Mais ce n'est que pour mieux retourner chacun de ses propres arguments dans une seconde partie qui fait l'éloge de l'émotion comme trait indissociable de la nature humaine.

Rarement, peut-être, aura-t-on vu une telle chaleur humaine se dégager d'un des films du réalisateur coréen lors d'un final admirablement filmé (qui a dit que Hong Sang Soo n'était pas un véritable metteur en scène ?) où la cartographie des lieux et la chorégraphie des corps suffisent à nous éclairer sur les rapports de chacun avec les autres. De l'intérieur à l'extérieur, d'une table à une autre, d'un plan serré à un plan d'ensemble, les liens se renouent, les émotions se libèrent, les espoirs renaissent.

On se sent comme la narratrice, sentimentale devant ce ballet sensibles des êtres et des sentiments. "A la fin, les gens sont émotions" dit-elle dans une de ces formules grandiloquentes que Hong Sang Soo affectionne, principalement pour les tourner en dérision. Et pourtant, on sent dans cet émerveillement du personnage quelque chose de sincère, une admiration réelle pour la propension de l'être humain à se laisser déborder par ses émotions, et à les vivre pleinement, sans retenue.

Comme le personnage interprété par Kim Minhee (et par ricochets Hong Sang Soo lui-même ?), le spectateur n'a plus qu'une seule envie : entrer à son tour dans la danse, et participer à la grande ronde des émotions humaines. Peu importe qu'elle ne mène nulle part, l'essentiel est juste d'y avoir sa place.

Léa Seydoux retrouve Wes Anderson et s’engage chez Ildiko Enyedi

Posté par vincy, le 16 février 2018

Léa Seydoux retrouve l'univers de Wes Anderson, après avoir joué dans The Grand Budapest Hotel. Elle remplacera Scarlett Johansson dans la version française du film d'animation L'île aux chiens, présenté en ouverture de la 68e Berlinale.

Autour d'elle, on retrouvera Isabelle Huppert (qui avait déjà été Mrs Fox dans Fantastic Mr. Fox, le précédent film d'animation du réalisateur) pour le rôle vocal de Frances McDormand, Mathieu Amalric (qui était le fameux Mr Fox) pour le rôle vocal de Jeff Goldblum, Vincent Lindon (à la place de Bryan Cranston), Louis Garrel (pour Liev Schreiber), mais aussi Yvan Attal, Nicolas Saada et Hippolyte Girardot. Le rôle principal tenu par Edward Norton, qui double Rex, aura, en français, la voix de Romain Duris. Notons quand même que Greta Gerwig se doublera elle-même dans la langue de Molière (ce qui est classe, avouons-le).

Puisque nous sommes à Berlin, Léa Seydoux sera le rôle principal du prochain film d'Ildiko Enyedi, la cinéaste hongroise lauréate de l'Ours d'or l'an dernier avec Corps et âme (par ailleurs nommé à l'Oscar du meilleur film en langue étrangère). L’histoire de ma femme est l'adaptation d'un roman éponyme de Milan Füst paru en 1958 (et disponible en France chez Gallimard) qui raconte l'histoire du capitaine Jacob Stör (interprété par le norvégien Anders Baasmo Christiansen), géant rabelaisien jouissant au maximum de sa vie de marin, de son prodigieux appétit, de ses aventures. Un soir, il fait un pari avec un ami dans un café : il épousera la première femme qui en franchira le seuil. Entre alors Lizzy,une petite Française dont il est passionnément, exclusivement, incurablement amoureux, et qu'il épouse comme promis.

Le film est une co-production France/Hongrie/Allemagne/Italie. Pyramide le distribuera. Mais le tournage ne débutera pas avant 2019, à Budapest, Paris, Hambourg et Trieste.