Bientôt des salles de cinéma en Arabie Saoudite?

Posté par vincy, le 24 octobre 2017, dans Business, exploitation, salles de cinéma.

Les habitants de l'Arabie Saoudite pourraient prochainement retrouver le goût d'aller au cinéma. Après des décennies sans pouvoir aller dans une salle de ciné, les Saoudiens voient la lumière... au loin. Le cinéma est considéré "comme une menace pour l'identité culturelle et religieuse" et avait été interdit dans les années 1980. En janvier, le mufti du royaume s'est d'ailleurs insurgé contre la possible ouverture de salles de cinéma et la tenue de concerts, affirmant qu'elles seraient sources de "dépravation" car elles favorisent la mixité. Or, à l'occasion de rares projections dans les centres culturels, les hommes et les femmes sont toujours séparés dans la salle puisque la mixité reste interdite.

Fuite de devises

Depuis le printemps, les autorités saoudiennes laissent entendre que les cinémas pourraient bientôt être autorisés, sans préciser de dates. Dans le cadre du programme Vision 2030, le régime cherche à réformer, modestement, son mode de vie. Les femmes devraient pouvoir conduire. Et la culture a une bonne place dans ce plan. Une centaine de concerts ont été organisés depuis l'an dernier alors que la musique est traditionnellement considérée comme illicite.

Il y a deux raisons à ce changement politique. La première est le constat d'une hypocrisie. Les Saoudiens consomment énormément de films grâce à la télévision par satellite, internet (YouTube par exemple) et en allant dans les pays voisins (Emirats Arabes Unis notamment). Idem pour les Parcs d'attraction et les musées qui fleurissent autour du pays. Autant de fuites de devises. D'autant que les festivals de cinéma à Bahrein, Abu Dhabi et Dubai se sont bien implantés dans les circuits internationaux.

Une Autorité du divertissement a déjà organisé des concerts, un premier festival Comic-Con et d'autres manifestations culturelles. Le cinéma saoudien, bien que marginal, connaît un joli succès d'estime à l'étranger, particulièrement depuis la sortie du film d'Haifaa Al-Mansour Wadjda, nommé aux Oscars. La communauté du 7e art - réalisateurs et acteurs - a souvent interpellé les autorités en leur expliquant que le pays mourrait artistiquement et que les Saoudiens consommaient finalement des films provenant de l'étranger. Fâcheux pour un pays si souverainiste. Ces films locaux ne peuvent pas être vus par les habitants. Par exemple, le film d'animation en 3D Bilal, présenté à Dubai en 2015 puis à Annecy.

Des séances ont quand même su s'organiser ces derniers moos, notamment au Hakaya Theatre de Ryadh. En août, pour la première fois, la salle a diffusé un long métrage. A Jeddah, un festival de cinéma s'est déroulé à Jeddah. Toujours à Jeddah, des saoudiens ont même pu voir Trolls grâce à la Saudi Arabian Society for Culture and Arts.

Remplacer l'or noir

L'autre constat est économique. L'économie du pays repose sur le pétrole (c'est le plus gros exportateur mondial). Or, non seulement le prix du pétrole chute mais d'ici vingt ou trente ans, il va se raréfier et être de moins en moins essentiel à l'économie mondiale. L'Arabie Saoudite n'a pas d'autres choix que de réorienter son économie, en pleine crise (inflation, baisse des salaires, conflits sociaux, jeunesse révoltée...).

L'Arabie Saoudite envisage de construire New Djeddah Downtown, un programme de 4 milliards d'euros où surgiront 12000 logements ainsi que de nombreux magasins, hôtels de luxe et centres de loisirs. Un autre projet du même genre va s'étaler au sud-ouest de la capitale Ryad pour devenir la plus grande ville culturelle, sportive et de divertissement du royaume.

"Le cinéma existe, il y a des boîtes de production, des réalisateurs... mais le pouvoir a du mal à le reconnaître officiellement. Aujourd'hui on est en train d'en finir peu à peu avec l'hypocrisie qui consiste à interdire des pratiques déjà en vigueur", explique Clarence Rodriguez, auteure de Arabie Saoudite 3.0 (Érick Bonnier, 2017), interrogée par L'Orient-Le Jour.

Imax a anticipé cette ouverture en proposant au Centre de technologie et de science d'Al Khobar une salle où sont projetés des films éducatifs.

Le Royaume l'a bien compris. Dans le plan Vision 2030, l'un des régimes les plus obscurantistes de la Planète a du le concéder: "Nous considérons que la culture et le divertissement sont indispensables à notre qualité de vie. Nous avons bien conscience que l'offre culturelle actuelle ne correspond pas aux attentes croissantes des citoyens et résidents."

Sur les réseaux sociaux, les Saoudiens s'enflamment et espèrent l'ouverture de bibliothèques, musées et salles de cinéma. Certaines rumeurs, rapportées par les médias du Golfe, évoquent une ouverture de quatre cinémas dans la capitale. Sans préciser de date ni officialiser l'information.

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