Cannes 70 : Kill Bille !

Posté par cannes70, le 19 avril 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-29. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .


À la fin, c'est Bille August qui gagne...

Le Festival de Cannes se résume à une simple équation : une vingtaine de films s'affrontent dans une compétition et, à la fin, c'est Bille August qui gagne. C'est en tous les cas le scénario, si improbable soit-il, qui s'est déroulé à deux reprises, dans deux éditions restées dans les annales : 1988 et 1992. Le cinéaste danois peut en effet se targuer d'avoir la carte au très chic cercle des "double palmés", en compagnie de Francis Ford Coppola, d'Emir Kusturica, de Ken Loach, de Michael Haneke, de Shohei Imamura, des frères Dardenne et de Jane Campion si l'on compte le doublé Palme du long et du court. Autant dire des cadors - ah, on oubliait le Suédois Alf Sjöberg -, avec un univers propre, une patte personnelle - et ce, qu'on soit sensible ou pas à leurs œuvres respectives.

Mais tout club qui se respecte doit, pour sa légende, avoir un membre un peu embarrassant, dont on se demande ce qu'il fait là - à part peut-être faire le ménage et ramasser les ordures. Et, là, naturellement, il convient de se tourner vers Bille August. En quoi celui-ci a-t-il marqué l'histoire du septième art ? Quelle est sa marque de fabrique ? Comment reconnaît-on un plan ou une scène ? Près de trente ans après les faits, rien à faire, cette double récompense semble relever du phénomène paranormal - surtout au vu du reste de la filmo du compatriote de Lars Von Trier...

À vrai dire, des Palmes attribuées à des cinéastes très mineurs, il y en a eu depuis les années 70 - citons entre autres La Méprise d'Alan Bridges, Chronique des années de braise de Mohammed Lakhdar-Hamina, Yol de Yilmaz Güney ou Mission du tâcheron Roland Joffé (face au Sacrifice de Tarkovski, After hours de Scorsese, Down by law de Jarmusch et Thérèse d'Alain Cavalier !) -  qui doit sûrement son trophée à la musique-culte d'Ennio Morricone. Au-delà de la valeur des films primés, leurs metteurs en scène, sans leur faire offense, n'ont pas été retenus par l'Histoire comme des créateurs de premier plan dont les générations qui ont suivi se sont naturellement inspirées. Après tout, les jurys sont humains, l'air du temps compte dans les délibérations aussi sûrement que l'émotion immédiate, les goûts des uns et des autres ou le désir que tout le monde reparte content. Et voilà comment on en arrive à Bille en roi du monde…

Bille le Conquérant

Notre ami danois n’était certes pas un novice cannois, avant de recevoir sa première distinction sur la Croisette. Il s’était (vaguement) fait remarquer avec une jolie chronique d’adolescence, Zappa, sélectionnée en 1983 à Un Certain regard. L’année suivante, il avait connu un autre petit succès d’estime grâce à la suite, Twist and shout - qui, pour le coup, n’avait pas eu les honneurs de la Riviera. Le C.V. n’a certes rien de déshonorant, mais il n’y avait pas de grand enthousiasme en voyant le nom de Bille August en sélection pour Pelle le conquérant.

Au vu du seul titre, certains imaginaient probablement une fresque d’heroïc fantasy à la Conan le barbare. Raté. Il s’agissait là de porter à l’écran une œuvre littéraire de Martin Andersen Nexo (1869-1954), très populaire dans les pays scandinaves, dont les quatre tomes sont même devenus au fil des ans des classiques scolaires. Dans la présente adaptation, August - qui s’est entouré pour le scénario des romanciers Bjarn Reteur et Per Olov Enqvist - s’est concentré sur la jeunesse, au XIXe siècle, de Pelle, garçonnet émigrant avec son père, très âgé, de Suède (où la famine sévissait) vers le Danemark.  Tous deux se retrouvent dans la ferme des Kongstrup, qui semble frappée d’une malédiction condamnant au malheur tous ceux qui s’y fourvoient, pour une raison ou une autre. Largement produit par les chaînes de TV scandinaves - comme certains Bergman -, Pelle le conquérant n’enthousiasme alors pas vraiment les cinéphiles pointus, mais son souffle, si académique soit-il, séduit les festivaliers moins « pointus ».

Le jury, présidé par Ettore Scola (dans lequel on trouvait aussi George Miller, spécialiste des palmarès disons « controversés»…), choisit ainsi de lui donner sa récompense suprême, ainsi qu’une mention toute particulière « officieuse » à Max von Sydow, certes génial dans le rôle de ce père aimant. Parmi les primés de ce cru, on notera deux prix pour le film anti-Apartheid du chef op’ Chris Menges (qui n’a pas confirmé comme cinéaste…), Un Monde à part et des accessits à Bird de Clint Eastwood et à Tu ne tueras point de Krzysztof Kieslowski. Si, aujourd’hui, la hiérarchie peut sembler disons très contestable, Pelle le conquérant connut toutefois une ascension assez inouïe puisque, sur sa lancée, le cinéaste reçut bien d’autres récompenses, parmi lesquelles l’Oscar et le Golden Globe du meilleur film étranger. Tant mieux pour lui.

Les meilleures intentions de Bille

On pensait alors en avoir fini avec lui. Raté. Rebelote, donc, en 1992. Blockbuster de la télé scandinave - dans un autre montage -, Les Meilleures intentions (le titre, déjà…) trouve naturellement place dans la compétition cannoise. Non seulement en raison du come-back du palmé, mais aussi au vu du sujet : les jeunes années des parents d’Ingmar Bergman. Un cinéaste qui n’a vu aucune de ses œuvres saluées par les lauriers attribués au camarade Bille (N.B. : le Festival se rattrapera en 1997 en offrant au maestro de Fanny et Alexandre une Palme des palmes…). Serait-ce pour cette raison que Gérard Depardieu et ses comparses ont choisi de distinguer Les Meilleures intentions (avec, en plus, un prix d’interprétation pour Pernilla August - l’épouse du winner) ?

Les observateurs se sont alors montrés plus circonspects : deux Palmes en cinq ans pour August, ça fait, beaucoup, beaucoup trop pour un artiste considéré un honnête artisan (par ailleurs très honorable directeur photo), mais sans grande personnalité et qui n’apporte pas grand chose à la grammaire du septième art… Le petit jeu des longs-métrages moins appréciés par le jury fait d’ailleurs particulièrement mal, pour la cuvée 1992 : Basic instinct de Paul Verhoeven (bredouille), Twin Peaks - Fire walk with me de David Lynch (idem), The Long Day Closes de Terence Davies (pareil), The Player de Robert Altman (Prix de la mise en scène et d’interprétation masculine), Le Songe de la lumière de Victor Erice (un modeste Prix du jury), Retour à Howards End de James Ivory (Prix du 45ème anniversaire - cinéaste moins académique qu’on ne le dit souvent…). Ah, sinon, qui se souvient de la « Palme d’argent » (comprenez « Grand prix du jury ») attribué, de manière tout aussi contestable, au Voleur d’enfants du tâcheron Gianni Amelio ?

L’Histoire a eu sa vengeance ou, tout du moins, remis les choses en place car, depuis ce doublé, la carrière de Bille August n’a pas connu l’envol qu’on aurait pu imaginer. En 1993, sa platounette adaptation hollywoodienne de La Maison aux esprits d’Isabelle Allende, avec son casting all-stars (Meryl Streep, Jeremy Irons, Glenn Close, Winona Ryder, Antonio Banderas, Vanessa Redgrave) n’emballe pas grand monde. Cinq ans plus tard, sa version barbante des Misérables ne convainc pas non plus, en particulier le public français - Liam Neeson en Jean Valjean, aïe…

On aurait pu encore parler du mauvais thriller Smilla, du kouglof Jerusalem ou du très politiquement correct Goodbye Bafana. On aurait également pu évoquer ses épisodes tournés pour la série Young Indiana Jones (tiens, Bille a un point commun avec notre nanardeur national René Manzor…) ou d’autres longs-métrages jamais sortis en France. Peut-être intéressants, si ça se trouve. Toujours est-il que le cas Bille August nous rappelle que, s’il vaut mieux ne pas être à la mode pour devenir classique, l’inverse n’a toutefois rien d’automatique… Et les larmes post-projections cannoises n’y changeront rien !

Baptiste Liger de Lire

Le Canada a 150 ans: beaucoup de cinéma, un peu d’Europe et Justin Trudeau

Posté par vincy, le 19 avril 2017

Le 19 avril, à l'occasion des 150 ans du Canada, 1700 événements sont organisés dans le pays, mais aussi en France, au Royaume Uni, aux USA, en Scandinavie. 150 films canadiens, en français, en anglais ou en inuktitut, formeront ainsi le plus grand festival du monde, dans les cinémas, bibliothèques, à la télévision, dans les avions, et sur le web, le tout à l'initiative de REEL Canada.

Il s'agit "d’une collection de films qui reflètent l’étendue de nos histoires, et ce, dans tous les genres possibles" et "d’une liste rassemblant des œuvres cinématographiques venues de toutes les provinces du Canada. Nos films ne sont pas uniquement réalisés à Vancouver, Toronto ou Montréal" comme l'indique le dossier de presse. De Angry Inuk (2016) à Why Shoot the Teacher? (1977) en passant par Crash, Dead Ringers et Videodrome, De beaux lendemains, Starbuck, La grande séduction la version québécoise et son remake anglophone), Le violon rouge, Room, Mommy et Laurence Anyways, Jésus de Montréal, Le déclin de l'empire américain, et Les invasions barbares, Le démantèlement, CRAZY, etc.

Pour vanter cette journée, Justin Trudeau, premier ministre du pays, a joué les promoteurs sur les réseaux. "Célébrer le cinéma, c'est célébrer le Canada et notre identité" rappelle-t-il.

Depuis un mois, le cinéma canadien peut aussi s'enorgueillir d'être le premier pays à l’extérieur de l’Europe à se joindre à Eurimages, le fonds de soutien au cinéma européen. Ce qui signifie que les films coproduits par les Canadiens et leurs partenaires européens pourront s'appuyer sur les aides d'Eurimages, augmentant mécaniquement le nombre de coproductions audiovisuelles entre le Canada et les pays européens.

En 2015, selon Telefilm Canada, 55 coproductions ont été produites dont 20 avec la France (le Canada et la France sont déjà liés par un mini traité) et 15 avec le Royaume Uni.

Romain Duris se mue en icône virile dans « Cessez-le-feu »

Posté par wyzman, le 19 avril 2017

Au fil des années, Romain Duris est devenu une "icône". Mais de quoi au juste ? Nous pourrions dire de la masculinité mais ce serait sans doute trop subjectif. Évoluant habilement entre comédies populaires et films d'auteur, il fait aujourd'hui partie de ces rares acteurs français à ne pas s'être brûlé les ailes à un moment donné et que l'on retrouve à chaque fois avec un plaisir loin d'être coupable. Depuis le début de cette décennie, Romain Duris est ainsi de tous les bons films, grands ou petits.

Wannabe caméléon

Si la plupart d'entre nous pense à Cédric Klapisch dès lors qu'il est question de Romain Duris, n'oublions pas que si l'on enlève son doublage pour Raiponce c'est L'Arnacœur de Pascal Chaumeil qui lui a offert son plus gros carton au box-office français : 3,7 millions d'entrées. Un score qui fait rêver d'autant plus en 2017. Sensuel et versatile, il semble aujourd'hui tout à fait normal de dire que Romain Duris peut tout jouer (et même danser).

Bourreau des cœurs donc dans L'Arnacoeur puis avocat frustré - "homo occidentalus" - dans L'Homme qui voulait vivre sa vie, il se mue en assureur obsédé par la compétition dans Populaire avant de finir en amant maudit dans l'adaptation de L’Écume des jours. Un chapitre final avec le fameux Cédric Klapisch (Casse-tête chinois) et Romain fait sensation chez François Ozon. Dans Une nouvelle amie, l'acteur de 42 ans incarne en effet David, jeune père veuf qui tombe en dépression avant de retrouver une forme de liberté dans le travestissement. Transgression de la masculinité, qui se confond ainsi avec la maternité. Avec Anaïs Demoustier, Raphaël Personnaz et François Ozon himself au casting, Une nouvelle amie ne manque pas de faire du bruit à sa sortie et permet à Romain Duris de décrocher une nomination aux César, la cinquième.

Que ce soit dans le téléfilm Démons, la comédie Un petit boulot - en prolo qui franchit la ligne rouge avec un certain humour noir pour survivre - ou le drame La Confession, dans les pas de Bébel, il continue de faire ce qu'il fait le mieux : retenir l'attention du spectateur avec un personnage central, fort, singulier. Une présence, un sourire, un regard. Il en faut parfois peu pour que son jeu élève le projet en question. Même lorsque ce dernier s'avère un peu bancal, comme le thriller Iris de Jalil Lespert.

Icône virile

Cette semaine, Romain Duris récidive dans le très bon Cessez-le-feu d'Emmanuel Courcol, un drame historique centré sur Georges, un soldat rongé par ses mauvais souvenirs de la Première Guerre mondiale qui se réfugie en Afrique. Si le film dispose d'un casting plus qu'impressionnant (Grégory Gadebois, Céline Sallette, Maryvonne Schiltz, Julie-Marie Parmentier), c'est encore une fois Romain Duris qui fascine. Très attiré par la masculinité de son personnage, Romain Duris reconnaît avoir effectué un travail similaire à celui d'Une nouvelle amie pour entrer dans la peau du personnage. Avec la même coach, il a ainsi tenté de "trouver la manière d'être imposant et d'exprimer le vécu de Georges sans mots." Ça tombe bien, c'est amplement réussi.

A l'image de son personnage dans Cessez-le-feu, Romain Duris semble constamment en mouvement, toujours prêt à apprendre de ses erreurs. Et si le film d'Emmanuel Courcol n'en connaît pas, c'est un pur hasard car Georges l'anti-héros est loin d'être un personnage facile dans ce scénario casse-gueule. Mais Cessez-le-feu traite avec brio des traumatismes de soldats revenus du front. Le film passionne et trouble. Georges finira-t-il sa vie là où il peut fuir ses problèmes ? Combien de temps dureront encore ses cauchemars ? Ses souvenirs cesseront-ils un jour de le hanter ? Le cinéma a souvent traité de la Première Guerre mondiale, de l'horreur du conflit, du désastre humain qu'elle a causé, mais rarement de ces traumatismes qui ont balafré physiquement une génération (La chambre des officiers) ou psychologiquement (comme ici, à la fois remuant et tendre).

Au Burkina Faso, au Sénégal et à Nantes, la caméra d'Emmanuel Courcol capture parfaitement l'aura d'un Romain Duris complètement habité par son personnage. Il impose une certaine puissance, une détermination qui fait de ce soldat paumé, de ce "revenant", un homme entre deux mondes, absent des présents et à cause d'une guerre encore trop présente. Démarche alourdie, voix plus grave, plus profonde et gestes précis pour celui qui a débuté dans Le Péril jeune et qui se transforme cette semaine en véritable icône virile de 2017. Outre le fait d'incarner un homme, un "vrai", Romain Duris prouve à ceux qui en doutaient encore qu'il peut être tous les hommes de notre vie et de notre imaginaire.

On l'attend en survivant pour Dans la brume, le prochain film fantastique d'Erick Zonca, Fleuve noir, et face à Isabelle Huppert dans Madame Hyde.

Sacré quatuor hollywoodien pour le prochain film de Jacques Audiard

Posté par vincy, le 19 avril 2017

Pour The Sisters Brothers, le premier film en langue anglaise de Jacques Audiard, c'est un carré d'as que s'offre le cinéaste français. Joaquin Phoenix, que l'on verra à Cannes dans le film de Lynne Ramsey, Jake Gyllenhaal, à l'affiche aujourd'hui avec Life, John C. Reilly, par ailleurs producteur du film, et Riz Ahmed (la série "The Night Of", "The OA", Rogue One, Jason Bourne) seront les héros de cette coproduction franco-américaine (Why Not, Page 114).

Le scénario est adapté du roman de Patrick deWitt, dont Reilly avait acquis les droits. Annoncé il y a deux ans, avec Reilly comme seul acteur à l'époque et après qu'Audiard ait reçu sa Palme d'or pour Dheepan, le projet s'est étoffé ces dernières semaines en vue d'un tournage dans les prochains mois en vue d'une sortie calée pour 2018. On imagine le beau tapis rouge à Cannes avec les quatre comédiens.

Le récit se déroule principalement en Oregon, en 1851. Eli et Charlie Sisters, redoutable tandem de tueurs professionnels aux tempéraments radicalement opposés mais d’égale (et sinistre) réputation, chevauchent vers Sacramento, en Californie, dans le but de mettre fin, sur ordre du “Commodore”, leur employeur, aux jours d’un chercheur d’or du nom de Hermann Kermit Warm. Tandis que Charlie galope sans états d’âme – mais non sans eau-de-vie – vers le crime, Eli ne cesse de s’interroger sur les inconvénients de la fraternité et sur la pertinence de la funeste activité à laquelle lui et Charlie s’adonnent au fil de rencontres aussi insolites que belliqueuses avec toutes sortes d’individus patibulaires et de visionnaires qui hantent l’Amérique de la Ruée vers l’or. Deux frères moins liés par le sang et la violence que par l’indéfectible amour qu’en silence ils se portent.