70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.
Aujourd'hui, J-39. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par là.
La musique est l’un des éléments indispensables à beaucoup de chef d’oeuvres du cinéma (que serait Vertigo sans la musique de Bernard Herrmann ?), elle s’est aussi faite remarquer au sein des films des 70 ans de compétitions cannoises. C’est à Cannes que s’est fait entendre pour la première fois le “chabadabada” de Un homme et une femme (1966) de Claude Lelouch sur une musique de Francis Lai.
On peut citer le thème lyrique de Doctor Zhivago (1966) de Maurice Jarre, la ballade de Mon Oncle de Jacques Tati, le thème décalé de Anton Karas joué à la guimbarde dans Le Troisième homme (1949) de Carol Reed, la clarinette de Philippe Sarde dans Le Locataire de Polanski (1975) et sa chanson pour Romy Schneider dans Les Choses de la vie (1970), les expérimentations électroniques de Alain Goraguer pour La Planète sauvage (1973), le synthétiseur de Giorgio Moroder sur Midnight Express (1978) ou celui de Vangelis sur Les Chariots de feu (1981), le saxophone de Bernard Herrmann pour la descente aux enfers de Taxi Driver (1976), la guitare dobro de Ry Cooder pour les grands espaces de Paris, Texas (1984), celle plus fantomatique de Neil Young dans Dead Man (1995) ou celles plus dissonantes de Howard Shore dans Crash (1996) de Cronenberg, le hautbois et les chœurs de Ennio Morricone dans Mission (1986), le thème obsédant de Jerry Goldsmith dans Basic Instinct (1992) ou le piano plus romanesque de Michael Nyman dans La Leçon de piano de Jane Campion (1993).
Qu’elle soit minimaliste et pointilliste (la délicate partition de Carter Burwell pour Barton Fink, 1991, celle plus vagabonde de Caro Diaro de Nicola Piovani) ou plus spectaculaire telle celle de Goran Bregovic dans La Reine Margot, la musique a eu ses gloires à Cannes. Mais il faut avouer que depuis une quinzaine d’année, les musiques marquantes se font plus rares, les deux derniers cas majeurs pouvant être cités seraient les cuivres suaves de Alberto Iglesias sur Tout sur ma mère (1999) de Almodovar, ainsi que les atmosphères lugubres doublés d’instants jazzy de Angelo Badalamenti sur Mulholland Drive (2001) de Lynch. Il ne s’agit pas là que d’une question d’appréciation personnelle, mais de la trace laissée par ces B.O. On peut estimer ce qu’a fait Cliff Martinez pour les films de Refn en compétition (Neon Demon), mais l’impact historique est moindre au regard des exemples pré-cités. Il manque peut-être alors un relais lors du festival et des événements associés.
La musique comme sujet du film
Aussi, il y a différents types de musique de film. Il y a celle qui ne cherche pas à être la vedette, cette musique dont l’objectif est de servir le film, et non de se servir elle-même. C’est de celle-ci dont il était question, et parfois certaines sortent du lot par des choix forts (le choix d’un instrument soliste, la place accordée à un thème). Et il y a aussi la musique comme sujet du film (Bird en 1988, Velvet Goldmine en 1998, Last Days en 2005, Ma Vie avec Liberace et Inside Llewyn Davis en 2013) et de son genre même (la comédie musicale) qui a pu arpenter les 70 ans de festival.
On peut relever par ordre chronologique Ziegfeld Follies (1948) et Un américain à Paris (1952) de Minnelli, Funny Face (1957) de Donen, tous les trois sont avec une musique de Gershwin, Les Parapluies de Cherbourg (1964) de Demy (et les chansons de Michel Legrand), All That Jazz de Bob Fosse, et dans les années 2000, Dancer in the dark (Lars Von Trier / Bjork), Moulin Rouge (Baz Luhrmann / Craig Armstrong), Les Chansons d’amour (Honoré / Beaupain).
Il était plus aisé pour la musique de ces films de se faire remarquer. La musique se fait surtout entendre quand elle se voit.
Musique originale versus musique prééxistante
Il faut également distinguer la musique dite “originale” (celle qui implique le travail sur mesure d’un compositeur), à la musique dite “préexistante”. Celle-ci, convoquant bien souvent des morceaux que l’on reconnaît, se fait plus facilement remarquer et évince même la reconnaissance du compositeur impliqué quand ces deux musiques co-existent. Kavinski pour Drive a éclipsé la partition de Cliff Martinez, et personne ne se souvient du compositeur au générique de Polisse de Maïwenn (Stephen Warbeck), mais tout le monde a en tête la chanson de Keedz sur laquelle danse Joey Starr. Quelle injustice d’entendre des auditeurs dans un bar écoutant cette chanson dire “ah, c’est la musique de Polisse”...