Cannes 70 : 1939, l’année où tout a (presque) commencé

Posté par cannes70, le 8 avril 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-40. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .


La genèse d'un festival reste parfois mystérieuse ou peut se limiter à la plus belle et plus envoûtante des motivations : la passion du cinéma, ou pour ceux qui n'y entravent que dalle, à la cinéphilie maladive. L'envie de créer un festival peut commencer par l'envie égoïste, surtout de nos jours, de montrer des films que vous n'avez pas vus (ou pour ceux de plus grande envergure à faire venir des touristes) et glisser vers quelque chose de plus généreux, l'idée de transmettre et de partager des œuvres enrichissantes. L'ouvrage Cannes 1939, le festival qui n'a pas eu lieu d'Olivier Loubes, publié récemment chez Armand Colin, revient sur l'origine précise les origines de l'existence du Festival International du Film de Cannes, après d'autres ouvrages et articles moins détaillés ou précis.

Un Festival en résistance


En premier lieu, il faut remercier les dérives de la Mostra de Venise, sous les pressions de quelques fascistes et autres monstres historiques mais aussi de quelques personnalités plus positives tout de même. En 1937, Hitler n'est pas content du prix spécial attribué au chef d'oeuvre pacifiste La Grande Illusion de Jean Renoir et, insulte suprême, de l'absence au palmarès de tout film allemand. Reprise en mains des délibérations l'année suivante : le jury du festival italien (créé en 1932) choisit un film américain. Intervention de la «diplomatie» nazie à grand renfort de menaces claires. Résultat : Les Dieux du stade de Leni Riefenstahl, la «star» du cinéma de propagande nazie, reçoit le trophée suprême, la Coupe Mussolini, le troisième Reich autorisant un ex-æquo local, Luciano Serra, pilote de Goffredi Alessandrini.

Parmi les jurés échaudés figure le diplomate français Philippe Erlanger. Dans le train qui le ramène à Paris lui vient l'idée de créer un festival de cinéma libéré du poids des décisions gouvernementales. «Dès lors que les circonstances enlevaient à la Mostra une indispensable objectivité, pourquoi, si, miraculeusement, la paix était sauvée, ne pas créer en France un festival modèle, le Festival du monde libre ?». Son ministre de tutelle, Jean Zay (éducation nationale) et Albert Sarraut, à l'Intérieur, soutiennent son idée.

L'auteur de l'ouvrage, Olivier Loube, prend bien soin d'insister sur le fait qu'Erlanger, qui sera le premier  délégué général jusqu'en 1951, n'est pas le seul père de la manifestation mais que son implication n'en est pas moins importante. La mise en oeuvre n'est pas aisée, mais un an seulement après, le premier festival est programmé, du 1er au 20 septembre 1939, en concurrence frontale avec la Mostra. Dans un premier temps, Biarritz est choisie, mais son cadre lumineux, et un meilleur soutien financier, permettent à Cannes de rentrer dans l'Histoire du 7e Art.

La presse spécialisée soutient dans l'ensemble ce projet, malgré quelques réserves chez certains, sur l'existence d'un rival à Venise (plus ancien donc plus légitime, dans un cadre plus propice à l'évasion), ou sur les conditions pour le bon exercice d'un festival prestigieux. Maurice Bessy, futur délégué général du Festival de Cannes de 1971 à 1977, fait part de ses doutes dans Cinémonde le 30 août 1939 : «Le choix de Cannes ne saurait être que provisoire. Il ne convient pas de transformer ce festival en une simple affaire hôtelière. Le cinéma a déjà assez de mal pour se débarrasser de ses marchands de soupe», ajoutant «pourquoi avoir choisi ce mois de septembre, particulièrement plein dans le métier cinématographique ? Il y a près de trente films actuellement en chantier qui sont presque tous tournés à Paris (...). Comment avoir à Cannes les producteurs, les ouvriers, les artistes des films s'ils ne peuvent quitter Paris ? Et si on ne les a pas, comment donner à cette manifestation toute l'efficacité qu'elle doit comporter ?». Lire le reste de cet article »

BIFFF 17 : rencontre avec Fabrice Du Welz

Posté par kristofy, le 8 avril 2017

Il a secoué Cannes avec Calvaire puis Venise avec Vinyan. Après la parenthèse malheureuse d’un film de commande en France (Colt 45), il était revenu à ses amours avec Alleluia qui avait de nouveau secoué Cannes. Il est ensuite parti expérimenter un film de commande aux Etats-Unis : Message from the King, une histoire de vengeance emmenée par Chadwick Boseman, et avec Luke Evans, Teresa Palmer et Alfred Molina. Il en est revenu et – scoop – il s’apprête à tourner cet été un autre film pour terminer une trilogie d’amour fou dans les Ardennes : Calvaire, Alleluia, et prochainement Adoration.

Fabrice Du Welz est donc le cinéaste belge le plus fantastique du moment, lui qui est déjà venu des dizaines de fois au BIFFF comme spectateur a fait découvrir son nouveau film Message from the King puis a participé à une masterclass. Il était d’ailleurs accompagné de son scénariste (et producteur) Vincent Tavier, du chef-op Manu Dacosse et de la monteuse Anne-Laure Guégan.

Influences

Mon premier grand choc cinématographique a été Massacre à la tronçonneuse, un choc que je n’ai jamais retrouvé dans ma vie. Après, il y a eu des films comme L’exorciste, Psychose, et donc Hitchcock et d’autres : ça a été une arborescence dont le point 0 est Massacre à la tronçonneuse. C’est un film témoin des années 70 aux Etats-Unis, film d’horreur pour drive-in, film de festival en passant par Cannes et même film d’art projeté au MOMA. Ce film sublime le grotesque, le grotesque étant autant poétique que fascinant.

J’ai une grande admiration pour Brian De Palma, c’est un cinéaste architecte passionnant, tout comme Park Chan-Wook avec qui j’ai eu l’occasion de discuter et qui était là pour l’ouverture du BIFFF. Je tiens Bergman comme l’un des plus grands cinéastes, et son film L’heure du loup est peut-être le plus grand film d’horreur, ça obsède aussi Lars Von Trier. J’aime autant De Palma que Bergman que Cronenberg ou Argento que des films avec Jean Lefèbvre, il ne faut pas faire de hiérarchie. Je suis d’abord cinéphile avant d’être cinéaste, le cinéma des autres m’intéresse plus que le mien.

Calvaire


Assez jeune j’ai eu ce désir de faire du cinéma. J’avais un projet de court-métrage mais personne en Belgique n’a voulu le produire, sauf Vincent [Tavier]. Pour mon premier long-métrage Calvaire, il faut se souvenir qu’à l’époque, vers 2003-2004, ce qu’on appelle le "film de genre", ça n’existait plus chez nous, donc c’est compliqué, on recommence à en re-parler avec le Haute tension de Alexandre Aja. On a eu une commission qui nous a suivi pour une avance et un autre producteur et Calvaire a pu se faire.

Vu le scénario pour un premier film on avait une belle part d’inconscience... Le début de l’histoire c’est en gros un gars qui tombe en panne près d’une auberge, en fait c’est un peu le début de Psychose, dans Calvaire y’a aussi un travestissement d’ailleurs. Une idée de départ était d’avoir Philippe Nahon pour le psychopathe, mais Jackie Berroyer avec qui j’avais fait un court m’a dit "prend-moi je serais mieux", et en fait comme il semble plus normal ça en fait un psychopathe encore plus efficace, et Philippe Nahon a eu un autre rôle. Si on y réfléchit, une clé du succès du film Harry un ami qui vous veut du bien c’est que le psychopathe c’est le gentil bonhomme Sergi Lopez et pas Laurent Lucas qui aurait été trop évident.

Vinyan


Sur Calvaire et Vinyan, j’étais obsédé par la forme, peut-être un peu trop. Je préfère partir d’un réalisme pour aller vers l’abstraction. Vinyan est peut-être mon film préféré alors que c’est peut-être celui qui a été le plus décrié par le public. Le scénario était très écrit et je faisais mon Apocalyse now en Thaïlande, je m’intéressais beaucoup trop à la forme du film et aux paysages et j’ai amputé plein de choses du premier acte du scénario ; c’est dommage car ça approfondissait la relation de couple au début. Le plan final avec Emmanuelle Béart nue entourée des enfants apporte une grâce magnifique juste après la scène d’horreur où Rufus Sewell est déchiqueté. La maladie mentale est un antagonisme fort à l’intérieur d’un personnage.

Alleluia


Pour Alleluia, j’ai croisé dans un festival Yolande Moreau et j’ai eu envie de faire un film avec elle dans un rôle de salope intégrale. L’idée a pris du temps à devenir le scénario que vous connaissez, d’après l’histoire des tueurs de la lune de miel, et trouver le bon casting a été difficile surtout pour le rôle masculin. Car pour un rôle de méchant, il y a des candidats mais pour un rôle de lâche beaucoup moins, en plus il y avait cette dimension délicate de dépendance sexuelle. Lola Duenas a été prodigieuse, pareil pour Laurent Lucas.

Je n’aime pas trop le réalisme dans le cinéma francophone. Tout le monde veut se réclamer de Pialat et ça m’emmerde un peu. N’importe quel acteur ou vedette en France fait un film, bêtement, sans vision. Il y a des réalisateurs qui filment des scénarios, ça ne m’intéresse pas. Je veux transcender le scénario, aller au delà, ce qui m’intéresse c’est les sensations et faire des choix de mise en scène.  Le plateau est mon espace où je vis pleinement, je mime les actions et même je parle aux acteurs durant les prises...

Message from the King

J’ai de la chance car je peux encore tourner aujourd’hui ce que je veux où je veux, mais à un moment on a besoin d’un peu de succès au box-office pour continuer. C’était un peu le moteur pour avoir accepté Colt 45 qui était un film de commande, mais ça a été une mauvaise expérience.

En France, on court après des financements de la télévision et des acteurs vedettes qui prennent un gros chèque, c’est compliqué de progresser. Mon nouveau film Message from the King est aussi un film de commande aux Etats-Unis, et là ça a été une collaboration idéale avec les acteurs, ça a été plus difficile pour la post-production, mais c’est le système américain qui fait que tout le monde producteurs et agents veut donner son avis contre le réalisateur.

Comme pour mes autres films, j’ ai tourné en pellicule, avec d’ailleurs des techniciens pas au niveau comme un pointeur (first ac) qui faisait du flou mais que je ne pouvais pas virer, bref on a tourné le film en 28 jours.

Netflix ?

La France est l’un des rares pays où il y aura une sortie en salles de cinéma (le 10 mai), pour les autres ça sera sur Netflix. J’aurais préféré que mon film soit acheté par un distributeur du genre Lions Gate avec une sortie en salles partout, mais il a été acheté par Netflix qui a proposé plus d’argent, c’est les affaires des producteurs qui ne me demandent pas mon avis.

Netflix a un budget de volume d’achats de films supérieur aux studios traditionnels. Netflix, ils ont les prochains films de Martin Scorsese et de Bong Joon-ho, eux-aussi vont viser les Oscars. Il va y avoir plus de concurrence entre les différentes sociétés de streaming comme Netflix et Amazon et d’autres, à l’avenir je suppose qu’il va y avoir des contrats pour signer des réalisateurs sur 4 ou 5 films pour s’attacher des talents. L’arrivée des différents sites de streaming comme Netflix ça va chambouler plein de choses pour le cinéma…

Cannes 2017: quels espoirs pourraient être confirmés sur la Croisette?

Posté par vincy, le 8 avril 2017

Dans quelques jours, Thierry Frémaux va présenter le programme de la sélection officielle cannoise. Un peu plus tôt que prévu pour un festival qui commencera un peu plus tard que d'habitude, élection présidentielle française oblige. Il y aura des habitués, des espoirs montants et des auteurs réputés. Le cocktail habituel.

Outre les habitués du Festival qui sont pressentis, de nombreux cinéastes découverts à Cannes ou dans les grands festivals de Berlin et Venise pourraient être promus en sélection officielle ou même en compétition. Ces talents pourraient être à Cannes cette année en faisant monter d'un cran leur réputation.

C'est le cas de cinéastes français comme Deniz Gamze Erguven (Mustang) avec Kings (photo) ou Serge Bozon (Tip Top) avec Madame Hyde qui passeraient ainsi de la Quinzaine des réalisateurs au Palais des festivals.

Pour les européens, on a le choix : Paolo Virzi (Folles de joie, grand triomphateur aux derniers prix David di Donatello) avec The Leisure seeker, son premier film anglophone ; Jonas Carpignano (Mediterranea) avec A Ciambra, extension en long métrage de son court récompensé à Cannes en 2014 ; Michelangelo Frammartino (Le quattro volte) avec Late Spring ; Andrew Haigh (Week-end, 45 ans, doublement primé à Berlin) avec Lean on Pete (photo) ; Andrew Hulme (Snow in Paradise) avec The Devil Outside ; Michaël R. Roskam (Bullhead, qui avait révélé Matthias Schoenaerts) avec Le fidèle ; Loving Vincent, biopic sur Van Gogh, de Dorota Kobiela et Hugh Welchman ; Urszula Antoniak (Nothing Personal) avec Beyond Words ; Nanouk Leopold (Îles flottantes) avec Cobain ; Daniel Sandu, rare roumain en lice cette année, avec One Step behind the Seraphim ; Clio Barnard (révélé sur la Croisette avec Le géant égoïste) et son Dark River ; Lisa Langseth (Pure) avec Euphoria ; Myroslav Slaboshpytskiy (The Tribe) avec un film sans titre autour de Tchernobyl.

La diversité géographique compte aussi sur le contingent des autres continents: Haifaa al-Mansour (Wadjda) avec Mary Shelley ; Amr Salam (Excuse my French) avec Sheikh Jackson ; Kaouther Ben Hania (Le challat de Tunis) avec Beauty and the Dogs ; Matt Potterfield (Used to Be Darker) avec Sollers Point ; Diego Lerman (Refugiado) avec Une espèce de famille ; Santiago Mitre (El estudiante) avec La cordillera ; Warwick Thornto (Caméra d'or avec Samson et Delilah) avec Sweet Country ; David Zellner (Kid-Thing) avec Damsel ; Sean Baker (Tangerine) avec The Florida Project (photo) ; Samuel Maoz (Lebanon, Lion d'or) avec Foxtrot ; les frères Safdie (Lenny and the Kids) avec Good Time ; Ziad Doueri (L'attentat) avec The Insult ; Trey Edwards Shults (Kirsha) avec It comes at night ; David Robert Mitchell (It Follows) avec Under the Silver Lake ; Geremy Jasper avec son premier long Patti Cake$ ; Michael Matthews avec Five fingers from Marseilles ; et rêvons avec Annihilation d'Alex Garland (Ex Machina).