Brillante Mendoza affirme son soutien au controversé président philippin Rodrigo Duterte

Posté par vincy, le 17 novembre 2016

Le réalisateur philippin Brillante Mendoza, dont le film Ma' Rosa, qui a reçu le prix d'interprétation féminine à Cannes (pour Jaclyn Jose) et qui sort le 30 novembre en salles, est réputé, connu, récompensé pour ses films presque caméra au poing, montrant les fractures sociales de son pays. C'est pourtant avec un autre film qu'il fait parler de lui. Le cinéaste a filmé le premier discours à la Nation du président Rodrigo Duterte, pas vraiment en odeur de sainteté en Occident.

Duterte, "The Punisher"

Considéré comme un dictateur, Duterte a balancé quelques phrases controversées ("Hitler a massacré trois millions de Juifs. Bon, il y a trois millions de drogués (aux Philippines). Je serais heureux de les massacrer"), insulté Barack Obama (en le traitant de "fils de pute") et l'ambassadeur américain ("Comme vous le savez, je me bats avec l'ambassadeur. Son ambassadeur homosexuel, le fils de pute. Il m'a fait chier.") et déclaré "l’Etat de non-droit" sur l’ensemble de l’archipel. Il appelle à tuer tous les trafiquants de drogue (sans justice intermédiaire) et s'apprête à réhabiliter le dictateur sanguinaire Ferdinand Marcos en lui offrant des funérailles nationales. Le « Punisher », président depuis juin dernier, est violemment critiqué pour le non respect des droits de l'Homme et pour la violence de sa politique anticriminalité. Depuis son investiture, plus de 1800 suspects ont été abattus par la police et 2600 autres personnes sont mortes dans des circonstances inexpliquées.

Voilà pour le contexte.

Brillante Mendoza assume complètement son soutien à son Président. Outre le le premier discours de la Nation, il a réalisé deux courts métrages défendant l'action gouvernementale (le premier avec un toxicomane qui rate les grands événements de la vie de sa fille, et le second avec une Philippine qui travaille à l'étranger pour envoyer de l'argent à son fils drogué).

Dans un entretien à l'AFP, il estime que "l'incompréhension suscitée à l'étranger" par le dictateur est avant tout "la conséquence d'un fossé "culturel" entre les sociétés occidentales et philippine.". "S'il y a une personne qui comprend la situation, c'est le président", affirme Mendoza. "Je sais que beaucoup de gens ne soutiennent pas tout ce qu'il fait. Mais, quand on connaît la situation, on sait qu'il fait ce qu'il faut faire".

Lutte contre la drogue

C'est d'autant plus étonnant, et inciterait à revoir l'œuvre de Mendoza d'un autre œil, que les films du cinéaste sont assez critiques à l'encontre d'une police violente et d'un pouvoir corrompu dans un pays où la pauvreté amène souvent les populations à des situations extrêmes pour survivre (il suffit de revoir Kinatay). En fait, là où Mendoza rejoint le discours de Duterte, c'est dans la lutte contre la drogue. Mais lors de son entretien, il ne prend pas parti sur le cas des exécutions extrajudiciaires: "Quand je n'ai pas une connaissance personnelle d'une situation, je n'en parle pas" dit-il pour ne pas se mouiller. C'est un peu hypocrite puisque le Président philippin a remporté en mai l'élection présidentielle en promettant de tuer des milliers de criminels pour éradiquer le trafic de drogue. C'est cash.

Là où Mendoza a plutôt raison, c'est lorsqu'il explique que l'Occident a une vision assez déformée de Duterte: "Ils le regardent avec l'idée qu'ils se font de la façon dont un président doit se comporter." On ne relativisera pas ici sa politique d'extermination mais on oublie que ce machiste sexiste et vaniteux (et populaire) a aussi pris position en faveur du maintien des écoles communautaires indigènes, s'est engagé en faveur de la transparence des pouvoirs publics aux Philippines en signant un décret permettant à chaque citoyen d’accéder aux archives gouvernementales et a soutenu les droits des homosexuels, position singulière dans un pays encore fortement influencé par la religion.

Différence culturelle?

Pour Mendoza, tout ne serait qu'une affaire de "différence culturelle". "Je ne suis pas en train de défendre l'idée que les pauvres doivent être tués", tempère le réalisateur. "Mais au final, il ne faut pas regarder le problème de la drogue que de ce point de vue". La lutte contre la drogue justifierait donc toutes les exceptions de droit.

Brillante Mendoza, dans Libération en mai estimait: "le genre de films que je fais en dit déjà assez", "ils constituent la meilleure contribution possible à mon devoir de citoyen." Apparemment, il a changé d'avis (entre temps Duterte est arrivé au pouvoir) et a décidé de participer à la propagande nationale d'un homme qui, en 1989, en tant que maire, a déclaré à propos d'une missionnaire australienne violée puis tuée dans sa ville: "J'ai vu son visage et je me suis dit Putain, quel dommage ! Ils l'ont violée, ils ont tous attendu leur tour. J'étais en colère qu'ils l'aient violée, mais elle était si belle. Je me suis dit le maire aurait pu passer en premier."

Sans doute une différence culturelle difficile à comprendre pour un occidental, Brillante Mendoza?

Edito: Les cinéphiles fantastiques

Posté par redaction, le 17 novembre 2016

Octobre a été un mois record pour la fréquentation des salles en France. C'est presque une exception dans le monde occidental. Tous les indicatifs de croissance sont à la hausse et on peut s'en féliciter; alors que le secteur du livre connaît depuis quelques mois une petite dépression, que celui de la musique n'a toujours pas retrouvé ses niveaux d'antan et que le spectacle vivant a du mal à rentabiliser ses créations. Avec plus de 21 millions d'entrées, octobre 2016 est un mois historique et cette progression se confirme également sur les 10 premiers mois de l'année qui totalisent plus de 170 millions d'entrées comme sur les 12 derniers mois qui totalisent plus de 212 millions d'entrées, selon les chiffres communiqués par le CNC.

"Les français sont les plus cinéphiles d'Europe et ce record de fréquentation le confirme encore", souligne Frédérique Bredin, présidente du Centre National du Cinéma et de l'image animée. Et les semaines à venir, avec Les animaux fantastiques, Alliés, Vaiana, Papa ou Maman 2, Premier contact, Assassin's Creed, Passengers et Rogue devraient remplir les multiplexes. Hollywood, la comédie française, voilà la bonne recette si on en croit le box office annuel. Les films d'auteur ont plus de difficultés à s'imposer. Il y a bien sûr quelques exceptions. Ken Loach, Xavier Dolan, Woody Allen et Pedro Almodovar, ont su attirer un public assez large. D'une part cela prouve l'impact d'un Festival comme Cannes sur cette catégorie de films. D'autre part, ce sont des réalisateurs-stars qui ont fidélisé les cinéphiles au fil des ans.

Mais le box office reste cruel pour la diversité des productions. Cette semaine Les Animaux fantastiques risque d'écraser la concurrence. Car si on peut applaudir les hauts niveaux de la fréquentation et même la bonne part de marché des productions françaises (combien de pays peuvent se flatter d'avoir plus d'un spectateur sur trois pour des films nationaux?), on peut aussi s'inquiéter de la concentration des spectateurs sur quelques films. Certes, les salles sont remplies. Mais ça profite surtout à quelques sorties, souvent des grosses productions françaises ou des productions anglo-saxonnes. Cependant, ce record d'octobre, cette fantastique fréquentation des salles de cinéma, doit aussi beaucoup à la vitalité du 7e art d'une part et à la variété des films proposés.

Pour maintenir cet écosystème salutaire, il reste un gros travail pour stimuler la curiosité des spectateurs et leur donner le courage d'aller voir un film qui ne "buzze" pas sur Internet. Il devient primordial de trouver des solutions pour faire vivre (plus longtemps) les "petits" films et de trouver les moyens pour qu'ils ne soient pas marginalisés. C'est une condition sine qua non pour qu'on puisse encore se flatter d'être le pays le plus cinéphile d'Europe.