Les ressorties de l’été 2016 (4) : Fargo des frères Coen

Posté par MpM, le 19 juillet 2016, dans Films, L'instant vintage.

Fargo 2

L'été cinéphile se poursuit avec la ressortie cette semaine de Fargo des frères Coen, proposé par Ciné Sorbonne. Après le film culte Macadam à deux voies de Monte Hellman, le précurseur Silent running de Douglas Trumbull et l'inédit La panthère noire de Ian Merrick, c'est au tour du polar rural le plus décapant des années 90 de faire son retour sur grand écran.

On ne présente plus ce film noir et drôle à la fois, inspiré d'un fait divers "remanié" par le célèbre duo de réalisateurs, qui raconte l'histoire d'une vraie fausse prise d'otages qui tourne mal, en raison à la fois de la bêtise des criminels, et de la pugnacité d'une inspectrice de police. Récompensé par un prix de la Mise en scène à Cannes en 1996, puis par deux Oscars (meilleur actrice pour Frances Mc Dormand et meilleur scénario original pour Joel et Ethan Coen), il a depuis donné lieu à une série éponyme coproduite par les cinéastes.

S'inscrivant dans la lignée de ce que l'on a appelé le "neo-noir" (version contemporaine du film noir de la première moitié du 20e siècle, dont il reprend les codes, parfois pour mieux les détourner), le film présente une galerie de portraits à la fois cocasses et édifiants de criminels bas du front et d'Américains moyens veules et lâches. Entre le mari qui élabore l'improbable plan originel d'enlèvement avec grosse rançon à la clef, les preneurs d'otage à la gâchette facile qui accumulent les bourdes, le beau-père autoritaire et imbu de lui-même qui croit pouvoir maîtriser toutes les situations, juste parce qu'il est riche... il n'y a pas un personnage pour remonter le niveau.

Jeu de massacre

Pas un, non, mais une, car c'est la formidable Frances Mc Dormand, en policière enceinte astucieuse, qui apporte la touche d'humanité et d'intelligence nécessaire pour sauver ce monde de brutes (masculines) de l'horreur la plus complète. Avec son accent prononcé, sa physionomie joviale, sa simplicité un peu rude, elle apporte un contrepoint salutaire à la société jusque-là décrite par le film, celle d'une poignée d'individus prêts à tout (et surtout au pire) pour assouvir leurs plus bas instincts. Son air d’incompréhension totale à l'idée qu'on puisse tuer juste pour de l'argent est à la fois le climax et la clef (discrète) du film.

Au-delà de la caricature savoureuse d'une certaine Amérique, qui tourne presque systématiquement au jeu de massacre, les frères Coen se sont également amusés à illustrer avec une gourmandise cruelle (mais ô combien cinématographique) l'adage voulant que lorsqu'une chose peut mal tourner, elle tourne vraiment mal, c'est-à-dire au carnage. La surenchère de hasards, coups de malchance et erreurs grossières qui constituent les principaux rebondissements de l'intrigue font alors alterner le film entre farce grotesque, thriller glaçant et étude de mœurs décourageante.

Jubilatoire et virtuose, méchant et intense, Fargo enthousiasme ainsi toujours autant vingt ans après sa sortie initiale. Le revoir cet été sur grand écran, et dans une copie numérique restaurée projetée en haute définition 4K dans les salles équipées, est un plaisir dont il serait dommage, si ce n'est coupable, de se priver.

__________________________

Fargo des frères Coen
Sortie le 20 juillet en version numérique restaurée
Distribué par Ciné Sorbonne

Tags liés à cet article : , , , .

exprimez-vous
Exprimez-vous

Vous devez être connecté pour publier un commentaire.