Les ressorties de l’été 2016 (3) : la panthère noire de Ian Merrick enfin visible 40 ans après son interdiction

Posté par MpM, le 12 juillet 2016, dans Films, L'instant vintage.

la panthère noire

Cet été, on vagabonde dans l'histoire du cinéma au gré des (nombreuses) ressorties et reprises. Après le film culte Macadam à deux voies de Monte Hellman et le précurseur Silent running de Douglas Trumbull, c'est cette semaine un film surprenant, au destin maudit, qui a attiré notre attention. La panthère noire est le premier long métrage de Ian Merrick, tourné en 1977, et interdit avant même sa date de sortie officielle, suite notamment à une violente campagne de dénigrement de la presse de l'époque.

Hormis une sortie discrète en vidéo au début des années 80, il est ensuite resté invisible pendant près de 40 ans, jusqu'à sa sortie en DVD en mai dernier (distribué par UFO), suivie à partir du 13 juillet d'une exploitation en salles au cinéma Christine 21 (Paris VIe).

Le film raconte l'histoire (vraie) de Donald Neilson, un braqueur et tueur en série qui tint longtemps la police en échec et traumatisa l'Angleterre du milieu des années 70. Marié et père de famille, cet ancien vétéran brutal et sadique avait mis au point un véritable mode commando pour multiplier les braquages (plusieurs centaines entre 1971 et 1975), sans jamais se faire prendre, malgré plusieurs meurtres sanglants.

Quasi documentaire, mutique et exigeant

Incarné avec une fièvre inquiétante par l'exceptionnel acteur Donald Sumpter, le personnage est un être odieux et détestable, sidérant de bêtise et d'impréparation, qui tyrannise sa femme et sa fille et multiplie les exécutions sommaires avec une sorte d'indifférence démente. Il est de presque tous les plans, obtus, médiocre et pathétique, torturé par son passé militaire, mais apparemment dénué d'affects, sinon la colère noire qui l'envahit chaque fois que quelque chose, ou quelqu'un, se met en travers de sa route.

Se voulant particulièrement fidèle au fait divers originel, La panthère noire reste toujours à distance de son personnage, sans velléité d'expliquer ou analyser son comportement frénétique. Au contraire, le film est quasi documentaire dans son observation minutieuse des allers et venues, repérages, préparatifs et passages à l'acte du criminel. De fait, il y a quelque chose de clinique dans cette mise en scène ultra-maîtrisée qui se cantonne très précisément aux faits et évite voyeurisme et effets spectaculaires, même dans les séquences les plus violentes. Mutique et elliptique, le film déroule ainsi avec exigence le fil de son récit, éprouvant et frontal, sans concession pour le confort du spectateur ou la facilité de la narration.

Ce premier long métrage magistral aurait indéniablement dû lancer la carrière de Ian Merrick, fervent adepte d'un cinéma indépendant à petit budget. Au lieu de quoi, le réalisateur connut une longue traversée du désert avant de renouer avec la réalisation en 2000 (The demon within). La Panthère noire s'inscrit pourtant avec intelligence dans la lignée d'un polar britannique très étroitement ancré dans les réalités sociales du pays, y compris les plus sordides.

Il est donc urgent de (re)découvrir ce chaînon manquant dans l'histoire contemporaine d'un genre qui a toujours préféré la mise au jour des bas instincts humains à leur dissimulation polie et politiquement correcte, quitte à ne pas plaire à tout le monde.

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