Les Visiteurs peuvent-ils retrouver leurs spectateurs?

Posté par vincy, le 6 avril 2016, dans Business, Films, Marketing, Médias.

Ça commence mal. Une polémique sur l'affiche, une projection en avant-première annulée, quelques journalistes privilégiés limitant l'impact critique (préjugé)... Les Visiteurs veulent contourner toutes les voix discordantes avec ses moyens marketing. Mais cela suffira-t-il à en faire un succès?

Certes, avec 7,2 millions de téléspectateurs dimanche soir sur TF1 pour revoir les premières aventures de Jacquouille, les héros médiévaux restent incontestablement populaires dans l'esprit des français. Rappelons que ce film sorti en 1993 avait fait rire 13,8 millions de spectateurs dans les salles, soit le 11e plus gros succès du cinéma en France depuis la seconde guerre mondiale. 5 ans plus tard, Les Visiteurs II: Les couloirs du temps, avec une légère variante de casting dans les rôles secondaires, parvient à rassembler 8 millions de fans (pas assez pour rentabiliser le budget ceci dit). Toujours dans le Top 50 des films les plus populaires. En 2001, Les Visiteurs tentent l'aventure américaine avec Les Visiteurs in America. Honnête succès mondial (et aux Etats Unis, quand même 4 millions de $ de recettes) mais fiasco dans l'Hexagone avec 1,2 million d'entrées. Et surtout le goût amer d'un tournage pas très joyeux après un travail tendu avec l'un des coscénaristes, John Hughes, paranoïaque.

Comme Les Bronzés 3?

Alors quel score pour ce numéro 3 ou 4 selon si on assume la variante US, Les Visiteurs: la Révolution? En dessous de 4 millions d'entrées, ce sera un échec. C'est désormais le seuil minimal pour une comédie populaire française qui veut triompher au box office. L'objectif est plus modeste en fait (2,5 millions) et personne dans cette aventure n'est vraiment sûr du (bon) coup. Mais les ambitions sont certainement plus grandes. Le pari reste risqué. Certes, Les Bronzés 3, 27 ans après le deuxième épisode, et malgré de mauvaises critiques (car le film avait quand même été montré à la presse) avait su rassembler 10 millions de curieux dans les salles. Aujourd'hui personne ne se souvient vraiment du film (contrairement aux deux premiers épisodes) alors qu'il a été le plus vu au cinéma des trois opus. Dans un contexte où le vintage fonctionne à plein (Jurassic Park, Star Wars, ...), la comédie a ses chances.

18 ans après Les Visiteurs 2, l'humour de la franchise parviendra-t-il à traverser le temps? Gaumont peut miser sur la popularité intacte de Christian Clavier, sur l'apport d'actrices populaires comme Karin Viard et Sylvie Testud, sur des émissions spéciales pour montrer qu'on s'amuse bien dans le monde du cinéma. Quoique. Les enfants de la télé spéciale Les Visiteurs, diffusée hier en première partie de soirée sur TF1, n'a rassemblé que 2,9 millions de téléspectateurs, soit 13,7% de part d'audience. Un échec. Reste le sujet de la Révolution qui peut être un bon sujet de divertissement.

A l'inverse, Jean-Marie Poiré n'a rien réalisé depuis le désastreux Ma femme s'appelle Maurice, qui date de 2002. Jean Reno a cumulé les flops depuis 10 ans. Et puis à l'heure des réseaux sociaux, comment ne pas vouloir faire monter le désir ? Or, il n'y a nul buzz sur twitter autour des Visiteurs 3. Hormis les polémiques. A la première séance du matin à l'UGC des Halles, Les Visiteurs : La Révolution domine les nouveautés avec 60 tickets vendus, ce qui n'a rien d'exceptionnel (ce n'est que 17 de plus que L'avenir et 19 de plus que Gods of Egypt) puisque Médecin de campagne avait conquis 77 spectateurs, Five 78 et Batman v Superman 250 à cette même séance lors de leur sortie.

L'affaire N'zonzi

Déjà l'affiche qui présente neuf acteurs sur le visuel ne comporte que huit noms. Pascal N'zonzi a été zappé. Parce qu'il est noir? N'abusons pas, mais il est regrettable que ça tombe sur lui. En tout cas ce n'est pas son absence de notoriété. L'acteur a été vu récemment dans Paulette, Le Crocodile du Botswanga et Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ?. Interrogé par le magazine Challenges, Gaumont plaide d'un argument contractuel: “Lorsqu'un comédien signe pour tourner un film, sont décidés également la présence de son nom sur l'affiche mais aussi le lettrage ou la typographie, et que le contrat de Pascal N'Zonzi ne devait donc pas mentionner l'impression de son nom en haut de l'affiche”. La faute à l'agent donc... On peut mal accuser le producteur et distributeur de Chocolat de racisme. Mais le mal est fait. Merci donc au photographe Paps Touré d'avoir rectifié au marqueur l'affiche dans le métro.

Ensuite, le BIFFF devait présenter le film en avant première à Bruxelles vendredi dernier. Le distributeur belge Paradiso avait demandé à Gaumont de pouvoir le projeter mais Gaumont a décidé "à la dernière minute de ne pas permettre la diffusion dans les festivals avant la date de sortie en France et en Belgique", explique Paradiso dans un communiqué. Seulement cinquante billets avaient été pré-vendus. Les deux autres avant-premières prévues mardi 5 avril au Kinépolis de Liège et celle à l'UGC de Brouckère ont aussi été supprimées.

Sans papiers

Enfin, si le public n'a pas le droit aux avant premières, les journalistes non plus. C'est de plus en plus courant pour des films à gros budget. Il ne faut pas mettre en péril le sacro-saint premier jour avec une avalanche de critiques négatives ou dubitatives. Le fantôme de Canterville, concurrent UGC avec Michael Youn qui sort en face des Visiteurs et se partagent les plateaux télé, n'a pas été projeté aux journalistes non plus . Il faut remplir les fauteuil des 650 salles qui vont le diffuser (400 pour le Fantôme de Canterville). Le JDD a quand même recueilli les avis de quelques privilégiés (pas ceux comme Paris Match qui servent la soupe avec un grand dossier flagorneur). Ce ne serait pas si mauvais mais un peu désuet, c'est bien joué mais on ne rit pas, il n'y a pas de mise en scène et le scénario est laborieux, c'est spectaculaire et vulgaire, ... Bref pas de quoi couper des têtes.

Au-delà de ces polémiques, ambitions, peurs et autres plaisirs coupables, on a surtout l'impression que la saga de Jacquouille la Fripouille et des Montmirail (qui ont quand même pris deux décennies dans la gueule, un peu comme Harrison Ford dans Star Wars et Indiana Jones) n'a pas su/voulu/pu se renouveler complètement. Il y a 23 ans, entre le binz et le okay, toute la France parlait Visiteurs. Aujourd'hui la Révolution est ailleurs. Connasse, Kev Adams, TucheBabysitting sont les farces du moment.

Mais comme le dit l'un des journalistes anonymement: "Néanmoins, je pense que c'est une grosse connerie de ne pas montrer le film car ça installe un doute alors que ces Visiteurs, même décevants et à l'ancienne, sont regardables." Si déjà, il n'y a pas le désir, et en plus que le doute s'installe, alors en effet, la stratégie de l'obstruction n'est peut-être pas la bonne. Pire, cela ouvre un espace à tous les concurrents: l'espace que Les Visiteurs auraient pu occuper dans les journaux (web et imprimés) est rempli par les autres films en face, leur donnant une visibilité accrue, et diminuant, par conséquent, celle de la comédie française du mois.

Mais il est certain que Pathé, la cousine de Gaumont, va être très attentive à la sortie des Visiteurs. En juin, le distributeur sort Camping 3, six ans après le deuxième film.

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