Comment Batman v Superman est devenu un vulgaire « film de fans »

Posté par wyzman, le 29 mars 2016, dans Business, Critiques, Films, Marketing.

A moins de vivre dans une grotte depuis une semaine, vous n'avez pas pu échapper à tout ce ramdam entourant la sortie de Batman v Superman : L'Aube de la justice. (Oui, je me rends compte que ce titre est horrible. Surtout maintenant que j'ai vu le film... mais peu importe !) La nouvelle œuvre de Zack Snyder, quoiqu'un peu farfelue, était très intéressante sur le papier. Réunir deux héros majeurs de la pop culture dans une superproduction, nous en avions tous rêvé. Et d'entrée de jeu, le réalisateur de 300 avait tout pour lui : un talent certain, deux gros studios prêts à financer, des teasers et autres bandes annonces excellents et un casting impressionnant (Henry Cavill, Ben Affleck, Amy Adams, Jesse Eisenberg, Diane Lane, Laurence Fishburne, Jeremy Irons, Holly Hunter, Kevin Costner pour une séquence et Gal Gadot en cerise sur le gâteau).

Plus encore, après l'avant-première mondiale, les spectateurs semblaient plus que ravis. Comme on dit outre-Atlantique, les premiers avis étaient in. Bref, tout allait bien. Puis l'embargo a été levé et là, le massacre a commencé. Genre, vraiment. "Inachevé" pour Indie Wire. Juste "visuellement spectaculaire" pour Variety. Sauvé de sa "monotonie vaseuse" par Gal Gadot d'après The Wrap"Pas fun" et "absurde" pour le New York Times. Bref, vous avez compris l'idée. Et en France, même son de cloche. "Anti-spectaculaire" et "décevant" pour Première. De son côté, Le Figaro pointe "la lourdeur de l'intrigue, la lenteur des plans, l'omniprésence écrasante des effets pyrotechniques". C'est "une pâté réflexive" pour Le Plus. Et même Le Journal du Geek l'a perçu comme "supermou" et sans "aucun frisson". Ecran Noir y a vu "une valse de pantins" dans "un script peu subtil".

De manière simpliste, on pourrait mettre le décalage d'avis fans/critiques sur le dos du marketing : 250 millions de dollars de budget, 150 millions (minimum) pour la promotion, des teasers bandants, un "combat du siècle" promis, tout était là. En allant mater Batman v Superman, ce que l'on voulait voir c'est du grand spectacle, des trucs qui pètent, avoir le souffle coupé et se dire que c'était l'idée du siècle que de réunir les deux hommes dans un film. Sauf que cela n'arrive pas. On pourrait blâmer le scénario qui se veut politisé mais ennuie souvent. Nous pourrions évoquer la noirceur que Zack Snyder a voulu insuffler grâce à la présence de Batman. Mais cela ne prend pas car Christopher Nolan a déjà fait tout cela. Ce que le Hollywood Reporter a noté au moment de conseiller à Zack Snyder de "laisser les films de Christopher Nolan à Christopher Nolan".

Le fan, rempart bulletproof ?

Et une fois n'est pas coutume, au moment de vendre un film et d'esquiver des critiques unanimes, le fan est parfait. Le fan permet de se dédouaner de tout. Le fan est une excuse imparable. Pour le fan, studios, distributeurs et acteurs seraient prêts à faire ou dire n'importe quoi. Et cela notamment parce que le fan est souvent un bon client. Oui, le fan est loyal - jusqu'à ce que le résultat soit vraiment trop mauvais. Le fan vous soutiendra du mieux qu'il peut. Le fan ira voir le film. Une fois, deux fois, peut-être même plus. Le fan parlera du film sur les réseaux sociaux, à ses amis, au boulot, aux repas de famille. Le fan fera le travail pour vous, à partir du moment où vous le contentez. En d'autres termes, faire "un film de fans" ou "un film pour les fans" expliquerait la qualité moindre de certaines adaptations. Voilà qui est sympa pour les fans ! Mais de là à dire que les fans présents à l'avant-première mondiale ont été éblouis par les acteurs présents, il n'y a qu'un pas…

Le fan n'est pas nécessairement aveugle car fan ou pas fan, il faut bien reconnaître que la communication autour du film était géniale, que notre attente à tous était élevée et qu'au fond de nous, nous voulions y croire. En cela, nous pourrions faire le parallèle avec Le Réveil de la Force. Son réalisateur, J. J. Abrams, est un homme de génie et sur le plan technique, on ne peut rien reprocher à son film. Mais le scénario ne casse pas trois pattes à un canard ! C'est un fait, une vérité générale presque. Fans et/ou critiques, nous avons fait avec et sommes passés à autre chose. Malheureusement, et comme c'est souvent le cas, c'est plus simple à dire qu'à faire.

Une industrie pourrie ?

Tandis que certains fans ont déjà commencé à signer une pétition pour évincer  Zack Snyder des prochains projets de DC Comics, Rolling Stone a mis le doigt sur ce qui est peut-être la véritable raison d'un tel bad buzz autour de Batman v Superman : "les films de super-héros ne sont pas en train de tuer l'industrie du film. L'industrie du film est en train de tuer les films de super-héros" écrit le magazine. Eh oui, à force d'enchaîner les adaptations, de multiplier séries dérivées, remakes et autres reboots, il faut bien que quelqu'un se casse la figure. Daredevil et Green Lantern étaient de bons exemples de ratage complet, mais ça n'a pas arrêté Hollywood. A l'inverse, le carton de Deadpool prouve qu'on peut encore divertir avec une certaine singularité et un super-héros qui ne se prend pas au sérieux.

Persuadés que les fans de comics et le public en général seront toujours au rendez-vous, Marvel a réussi à incruster Spider-Man dans la dernière bande annonce de Captain America : Civil War (ou Avengers 3 si vous préférez), tandis que DC Comics a plus ou moins bien introduit ses prochains hits grâce à Batman v Superman. Nous attendrons avec impatience Wonder Woman, Aquaman sera un véritable plaisir coupable que James Wan annonce déjà comme plus "fun" que L'Aube de la justice, Flash devrait faire du bruit et Cyborg méritera le coup d'œil. Et il y aura bien évidemment cette Justice League qui devrait tout déchirer.

Une chose est sûre : au moment d'attirer les fans, Marvel et DC Comics savent y faire. A l'instar de Michael Bay ces dernières années, Batman v Superman vient de prouver que les studios pouvaient officiellement se passer de critiques positives dans la presse pour amasser du fric. Plus gros lancement de Pâques aux Etats-Unis avec 166 millions de dollars en 3 jours, quatrième meilleur démarrage dans le monde en dépassant les 400 millions de dollars en 5 jours… Batman v Superman va marquer l'histoire du cinéma côté recettes. Et ça sans l'adhésion de la presse ! Cela mérite qu'on lui lève notre chapeau. Du coup, bien malgré nous et ce que l'on en a pensé, on ne saurait que trop vous recommander de vous faire votre propre opinion sur l'œuvre en la voyant directement en salles. Ou pas. Dans un mois, Captain America affronte Iron Man dans un autre match de titans. Leur invincibilité garantit aux franchises d'être sans fin. Et hélas, c'est aussi ça qui tue le suspense. Car pour Hollywood, la seule incertitude n'est pas de savoir si un super-héros peut mourir (c'est impossible), mais de savoir combien les fans dépenseront et à quelle place il terminera au box office !

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