Ettore Scola (1931-2016), nous l’avons tant aimé

Posté par vincy, le 19 janvier 2016

Ettore Scola, né le 10 mai 1931 à Trevico, est mort le 19 janvier 2016 à l'âge de 84 ans. Gilles Jacob a twitté très vite: "La classe/l'élégance morale et vestimentaire/l'intelligence/le charme, l'accent délicieux/l'œil de velours/l'humour railleur." Voilà pour la personnalité.

Il avait commencé sa carrière dans une revue humoristique, en tant que dessinateur, comme Federico Fellini avant de devenir scénariste, notamment pour Dino Risi et l'acteur Toto. De là son humour, son goût du grotesque.

Le cinéaste fait ses premières armes avec Parlons femmes (Se permettete parliamo di donne) en 1964. Entre tragédie et comédie, il affine son style de fin observateur de la classe moyenne italienne. Avec Drame de la jalousie qui vaut un prix d'interprétation à Cannes à Marcello Mastroianni en 1970, il entre dans la cour des grands.

Quatre ans plus tard, Nous nous sommes tant aimés vaste fresque de la société italienne après la Seconde Guerre mondiale, est un succès international. De la satire à la comédie, du registre plus intime au drame historique, Scola aura touché à différents genres, soulignant l'hypocrisie humaine et la désillusion d'un monde meilleur. Il se moque ainsi ouvertement des élites ou des petits bourgeois. Notons parmi ses grands films, Une journée particulière, avec Sophia Loren et Marcello Mastroianni, histoire d'une brève rencontre entre deux voisins exclus du modèle fasciste, une femme au foyer, la Sophia, et un intellectuel homosexuel, il Marcello, alors que Mussolini accueille Hitler en 1938. La femme, cet éternel mystère qui hante tous ses films... Il y avait quelque chose de Claude Sautet dans son cinéma. Mais le cinéma d'Ettore Scola était plus convaincu, plus politique, avec un regard tendre sur les petites gens, mais aussi une absence de complaisance vis-à-vis de ses personnages, qui ne cesse de regretter leurs actes manqués.

40 films en une quarantaine d'années

Son style est ainsi celui d'un réaliste, issu de l'école De Sica, empreint de dérision et de psychologie à la manière d'un Woody Allen, où Rome remplacerait New York. L'ironie se mélange à la mélancolie, la farce à la désillusion. Toujours il s'interroge sur la place du peuple dans l'Histoire et des sociétés souvent oppressantes, à différentes époques, et différents âges de la vie. L'affrontement du temps et les tourments de chacun l'ont conduit à essayer différents genres, comme dans Le Bal qui retrace l'Histoire de France des années 30 aux années 70 à travers des couples et des genres musicaux, du jazz au disco. Ou comme ce documentaire présenté à Venise en 2013, Comme il est étrange de s'appeler Federico : Scola raconte Fellini. Il avait annoncé qu'il ne tournerait plus en 2011, ne se sentant plus appartenir au cinéma contemporain et encore moins à l'industrie telle qu'elle avait évolué.

Depuis 2000, il avait réalisé seulement 2 films, Concurrence déloyale, avec Gérard Depardieu, et Gente di Roma, film quasiment expérimental dans sa narration, avec une promenade dans la capitale italienne durant une journée, où l'on croise notamment Nanni Moretti. Dans tous ses films, la famille est au coeur du récit. Une famille recomposée, élargie, au sens globale du terme: un couple vivant l'amour impossible ou les habitants de sa ville, une communauté dans un bidonville ou les aristocrates français, le peuple de gauche ou les employés du cinéma Splendor. Tous ont des regrets. Car c'est là l'ADN de ses comédies dramatiques, de ces drôles de drames: le regret, émouvant plus que larmoyant, touchant davantage que bouleversant. Ce n'est pas pour rien que Nous nous sommes tant aimés, titre de son film le plus emblématique, pourrait s'accoler à chacune de ses oeuvres.

Cannes, Berlin, les César...

Fondateur du Festival du cinéma de Bari, il est aussi l'un des réalisateurs italiens les plus récompensés du monde. A Cannes, où il avait été président du jury en 1988, il a reçu le Prix de la mise en scène pour Affreux, sales et méchants et le Prix du scénario et des dialogues pour La Terrasse. En France, il reçoit plusieurs César: ceux du meilleur film étranger pour Nous nous sommes tant aimés et Une journée particulière, celui du meilleur film et du meilleur réalisateur pour Le Bal. A Berlin, il est honoré d'un Ours d'argent du meilleur réalisateur pour Le Bal. Sans oublier quelques prix David di Donatello (les César italiens): meilleur film pour Le Bal et La famille, meilleur réalisateur pour Une journée particulière, Le Bal et La famille, meilleur scénario pour La nuit de Varennes et La Famille.

"J’ai sûrement fait des tas de choses horribles au cours de ma vie ! Mais le plus affreux, c’est probablement de n’avoir pas su faire de meilleurs films" disait-il il y a quelques années. Curieux et optimiste, vivant par l'esprit avec ses amis disparus, Ettore Scola, ce caricaturiste méconnu, était le dernier cinéaste italien à avoir été proche des monstres De Sica et Fellini, Gassman et Mastroianni. Tout en jouant sa propre petite musique. N'oublions pas qu'il clamait que le métier de réalisateur était "un travail de menteur"...

Vesoul 2016 : Im Sang-soo, Eran Riklis et Patrice Leconte célèbrent tous les cinémas asiatiques

Posté par MpM, le 19 janvier 2016

On ne présente plus le Festival des Cinémas d'Asie de Vesoul (FICA pour les habitués) qui proposera du 3 au 10 février prochain sa 22e édition, plus que jamais placée sous le signe de la découverte et de l'éclectisme.

Cette année, c'est le réalisateur coréen Im Sang-Soo (The housemaid, L'ivresse de l'argent, Le vieux jardin...) qui est l'invité d'honneur de la manifestation. Il sera notamment présent pour recevoir un Cyclo d'or d'honneur et présider le jury international, aux côtés de la réalisatrice et actrice Mania Akbari (Iran), de la productrice et réalisatrice indonésienne Nan Achnas et du réalisateur Euthana Mukdasanit (Thaïlande). Un hommage sera également rendu au cinéaste israélien Eran Riklis à qui une rétrospective est consacrée.

Outre les deux compétitions, qui réunissent 17 longs métrages venus du Banglasdesh, de Myanmar ou encore du Kazakhstan, l'édition 2016 consacre un focus au cinéma thaïlandais de 1940 aux années 2000 ainsi qu'une rétrospective "Corée : littérature et cinéma (1949 - 2015)" dans le cadre de l'année France-Corée. La traditionnelle section thématique confrontera quant à elle les points de vue de cinéastes occidentaux et orientaux sur les rapports Orient/Occident, en présence notamment du réalisateur Patrice Leconte pour son film tourné au Cambodge, Dogora, ouvrons les yeux.

Enfin, comme tous les ans, le festival sera agrémenté de soirées festives, rencontres, débats, tables rondes et séances spéciales pour faire vivre aux festivaliers une semaine 100% cinéma asiatique.


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22e Festival des Cinémas d'Asie de Vesoul
Du 3 au 10 février 2016
Informations pratiques sur le site de la manifestation

Le cinéma Utopia de Toulouse menacé

Posté par vincy, le 19 janvier 2016

Ce n'est ni la première fois, ni la dernière hélas, que nous annonçons la menace d'une fermeture de salle de cinéma art-et-essai. Mais celle-ci est emblématique. L'Utopia, un réseau de salles indépendantes art-et-essai, voit ses fondations vaciller à force de devoir s'adapter à son époque (normes de sécurité, d'accessibilité, loyers en hausse dans les centre-ville, concurrence des multiplexes...).

43 ans que ce réseau existe avec 7 millions de spectateurs cumulés. Avignon, base historique, Toulouse, Montpellier, Paris (l'ancien Quartier latin), Saint-Ouen, Bordeaux...

Mais voilà, celui de Toulouse est menacé, 22 ans après son ouverture. C'était l'un des cinémas les plus rentables de France, localisé dans une superbe salle appartenant à la paroisse Saint-Jérôme. Car, selon La Dépêche du midi, la paroisse souhaiterait augmenter le loyer. Comme pour le Star à Cannes. On passe d'une somme correcte pour un équipement culturel en centre-ville à une somme astronomique que seule un groupe international de vente de fringues, ou une marque de cosmétique, ou même un opérateur de téléphonie mobile peut se payer: 150 000 euros! Trois fois le loyer actuel.

Mais pire que ça, la paroisse déjà pas très charitable, demande au cinéma de respecter des critères moraux dans sa programmation. On imagine que des films comme La vie d'Adèle ou Bang Gang ou Carol ne sont pas forcément du goût des propriétaires...

Un déménagement comme solution idéale?

L'Utopia va se défendre avec un avocat, mais l'exemple récent de La Pagode à Paris incite à la prudence. Le réseau a cherché à acheter une ancienne salle de la ville rose, en vain. Mais quel intérêt de fragiliser un réseau qui soutient des films parfois difficiles et qui parvient à séduire 500000 spectateurs (si on inclut celui de Tournefeuille dans la banlieue ouest de la métropole)?

Dans La dépêche du midi, Anne-Marie Faucon, cofondatrice du réseau, explique sa vision des choses et semble se résigner: "Nous avons une grosse équipe, lourde à gérer, et nous sommes confrontés à la nécessité de nous mettre aux normes handicapés dans des locaux qui sont déjà inadaptés. Des travaux que l'on estime entre 400 000 et 500 000 euros". Aussi créer un nouveau lieu plus confortable et aux normes pourrait libérer le réseau de cette tutelle chrétienne encombrante: "On se demande si ce ne serait pas mieux ainsi, confirme-t-elle. Si on gardait le même système d'exploitation, on perdrait une soixantaine de places avec les nouvelles normes, ça fait beaucoup, même si nous nous en tirons bien en termes de spectateurs. Il faudrait en outre condamner l'entrée de gauche pour un ascenseur. Est-ce qu'il ne faut pas dans ces conditions envisager un nouvel outil ?" s'interroge-t-elle.

Si la voie de l'indépendance est celle qui sera choisie, il faudra se décider avant la fin de l'année 2016.

L'Utopia Toulouse comporte trois salles (avec une jauge de 441 places) et a reçu le Trophée de la salle art-et-essai du Film Français en 2001.