Trois souvenirs de ma jeunesse et Mustang en tête des nominations des Prix Lumières 2016

Posté par vincy, le 4 janvier 2016

La 21e cérémonie des prix Lumières, les prix de la presse étrangère, aura lieu le 8 février prochain. En attendant, les nominations viennent de tomber. Peu de surprise, même si les catégories meilleur film et meilleur réalisateur ne coïncident pas vraiment. On regrettera quelques gros absents comme Le grand jeu ou Fatima, tous deux primés par le Delluc, des snobés comme Je suis un soldat ou L'affaire SK1. on peut aussi s'étonner de la présence dans 5 catégories de La belle saison ou se réjouir de la belle performance des premiers films dans différentes catégories. On est ravis de croiser Bébé tigre, Vincent n'a pas d'écailles, Les bêtises, Ni le ciel ni la terre, Trois souvenirs de ma jeunesse, ... Le Desplechin et Mustang dominent avec 6 nominations.

MEILLEUR FILM

La belle saison, de Catherine Corsini
Dheepan, de Jacques Audiard
L’hermine, de Christian Vincent
Marguerite, de Xavier Giannoli
Mustang, de Deniz Gamze Ergüven
Trois souvenirs de ma jeunesse, de Arnaud Desplechin

MEILLEUR REALISATEUR
Jacques Audiard (Dheepan)
Catherine Corsini (La belle saison)
Arnaud Desplechin (Trois souvenirs de ma jeunesse)
Philippe Garrel (L’ombre des femmes)
Xavier Giannoli (Marguerite)
Maïwenn (Mon roi)

ACTRICE
Emmanuelle Bercot (Mon roi)
Clotilde Courau (L’ombre des femmes)
Catherine Frot (Marguerite)
Izïa Higelin (La belle saison)
Isabelle Huppert (Valley of Love)
Elsa Zylberstein (Un + une)

ACTEUR
Gérard Depardieu (Valley of Love)
André Dussollier (21 nuits avec Pattie)
Vincent Lindon (La loi du marché et Journal d’une femme de chambre)
Fabrice Luchini (L’hermine)
Vincent Macaigne (Les deux amis)
Jérémie Renier (Ni le ciel ni la terre)

REVELATION FEMININE
Golshifteh Farahani (Les deux amis)
Sara Giraudeau (Les bêtises)
Baya Medhaffar (À peine j’ouvre les yeux)
Lou Roy-Lecollinet (Trois souvenirs de ma jeunesse)
Sophie Verbeeck (À trois on y va)
Günes? Nezihe S?ensoy, Dog?a Zeynep Dog?us?lu, Elit Is?can, Tug?ba Sungurog?lu et Ilayda Akdog?an (Mustang)

REVELATION MASCULINE
Stany Coppet (La vie pure)
Quentin Dolmaire (Trois souvenirs de ma jeunesse)
Alban Lenoir (Un Français)
Félix Moati (À trois on y va)
Harmandeep Palminder (Bébé tigre)
Rod Paradot (La tête haute)

PRIX HEIKE HURST DU PREMIER FILM
Bébé tigre, de Cyprien Vial
Les deux amis, de Louis Garrel
Mustang, de Deniz Gamze Ergüven
Ni le ciel ni la terre, de Clément Cogitore
La vie pure, de Jérémy Banster
Vincent n’a pas d’écailles, de Thomas Salvador

FILM FRANCOPHONE
À peine j’ouvre les yeux, de Leyla Bouzid (Tunisie, Belgique, France)
L’année prochaine, de Vania Leturcq (Belgique, France)
Much Loved, de Nabil Ayouch (France, Maroc)
Les Terrasses, de Merzak Allouache (France, Algérie)
Le tout nouveau testament, de Jaco van Dormael (France, Belgique, Luxembourg)
La vanité, de Lionel Baier (Suisse, France)

IMAGE
David Chizallet (Mustang, Les Anarchistes, Je suis un soldat)
Matias Boucard (L'affaire SK1)
Irina Lubtchansky (Trois souvenirs de ma jeunesse)
Claire Mathon (Le dernier coup de marteau, Mon roi et Les deux amis)
Arnaud Potier (Les Cowboys)
Sylvain Verdet (Ni le ciel ni la terre)

SCENARIO
Catherine Corsini et Laurette Polmanss (La belle saison)
Arnaud Desplechin et Julie Peyr (Trois souvenirs de ma jeunesse)
Philippe Faucon (Fatima)
Deniz Gamze Ergüven et Alice Winocour (Mustang)
Xavier Giannoli (Marguerite)
Arnaud et Jean-Marie Larrieu (21 nuits avec Pattie)

MUSIQUE
Bruno Coulais (Journal d’une femme de chambre)
Warren Ellis (Mustang)
Grégoire Hetzel (La belle saison et Trois souvenirs de ma jeunesse)
Mike Lévy, alias Gesaffelstein (Maryland)
Béatrice Thiriet (L’astragale)
Jean-Claude Vannier (Microbe et Gasoil)

DOCUMENTAIRE
Le bouton de nacre, de Patricio Guzmán
Demain, de Cyril Dion et Mélanie Laurent
Human, de Yann Arthus-Bertrand
Sud Eau Nord Déplacer, de Antoine Boutet
L’image manquante, de Rithy Pan
Nous venons en amis, de Hubert Sauper

Michel Galabru, monstre des planches et géant des écrans, est mort (1924-2016)

Posté par vincy, le 4 janvier 2016

A 93 ans, Michel Galabru a eu la plus douce des morts: dans son sommeil. Il a tourné 250 films et téléfilms, de 1948 à aujourd'hui. Une oeuvre prolifique, qui n' a pas toujours été à la hauteur de son talent. Il tournait pour l'argent, par paresse, ne cherchait jamais à dessiner un plan de carrière. "Je suis resté sans travail pendant huit mois. On attend que le téléphone sonne comme les putes! C'est une mort lente. Je tourne en ce moment pour le cinéma mais ça fait six ans que je n'avais rien" expliquait-il en 2007. A cette époque, conscient de sa carrière erratique, il avait rendu "hommage" à "tous les mauvais textes" qui lui avaient permis "de vivre". "J'ai eu quand même quelques beaux textes au cinéma, parmi beaucoup de navets, pour manger et échapper au fisc". Il était difficile de ne pas l'aimer tant il était généreux et tendre, timide aussi. Même ses colères semblaient être feintes. Dernier gendarme de Saint-Tropez, dernier membre de la Cage aux folles, voilà une époque qui disparaît.

Comedia dell'arte

Pour beaucoup de spectateurs, Galabru c'est avant tout un comédien populaire. De ceux qui font rire dans des navets ou des films cultes, souvent en seconds-rôles. A commencer par la série des "Gendarme" avec Louis de Funès en irrésistible adjudant Gerber. Mais on le voit aussi dans La guerre des boutons d'Yves Robert, Tartarin de Tarascon de Francis Blanche, La cuisine au beurre de Gilles Grangier, Le petit baigneur de Roger Dhéry, Jo de Jean Girault, Elle cause plus... elle flingue de Michel Audiard ou encore chez Claude Zidi, Jean-Pierre Mocky, Georges Lautner (souvent en souffre-douleur de Belmondo), Philippe Clair, Pierre Tchernia... Le grand public, il l'a fait rire que ce soit dans La cage aux folles ou L'avare, Les sous-doués ou Le guignolo, Papy fait de la résistance ou Astérix et Obélix contre César, Bienvenue chez les Ch'tis ou Le Petit Nicolas. Il avait cette grosse voix, son accent du sud quand il le voulait, ce physique bonhomme et imposant, loin d'un corps de jeune premier. Et puis ce jeu, ample, imposant, charismatique. Il suffisait d'aller le voir au théâtre pour comprendre dès son entrée qu'il était le roi, celui qui focalise l'attention, d'un geste, d'une parole.

Après une enfance au Maroc puis dans les environs de Montpellier, rêvant de football, viré de sept écoles, avant d'être enrôlé par le STO dans un camp de travail pendant la guerre, il entre au Conservatoire national d'art dramatique où il obtient le premier prix. Il est engagé à la Comédie Française en 1950 et y restera sept ans. La scène restera sa grande passion. Il créa même une école, véritable pépinière de talents.

Le choix du drame

Cependant il ne faudrait pas réduire Galabru à ses rôles de farceurs, de maladroits, de bras cassé ou de con malgré lui. Car le cinéma n'a pas été avare avec lui en grands rôles. Il a même eu quelques belles aventures dramatiques, tournant avec Luigi Comencini, Denys Granier-Deferre, André Cayatte...  En 1974, Costa Gavras lui fait incarner un magistrat dans Section spéciale. Et deux ans plus tard, Bertrand Tavernier lui offre son plus grand rôle, celui d'un sergent qui assassine sa fiancée dans Le juge et l'assassin. Complètement habité, au bord de la folie. Il reçoit le César du meilleur acteur pour cette prestation qui le révèle sous un autre jour. Il ne s'arrêtera pas là, même s'il a du attendre pour qu'on lui propose d'autres personnages plus noirs. Commissaire dans Le choix des armes d'Alain Corneau, infirme dans L'été meurtrier de Jean Becker, de nouveau commissaire dans Subway de Luc Besson... il devient progressivement, avec l'âge, un de ces monstres sacrés, cultes, qu'on peut engager pour une comédie de sous zone, une grande production (La révolution française de Robert Enrico) ou un polar. Il faisait du Galabru, à l'instar d'un Simon ou d'un Jouvet. Capable d'aller chez Godard en amiral dans Soigne ta droite, et, la même année d'accepter le désastreux Poule et frites de Luis Rego. Génial aussi car il lui suffisait d'une scène bien dialoguée pour voler la vedette à tout un film (on se rappelle sa description des misères du nord de la France dans les Ch'tis).

A partir des années 1990, préférant les planches, il se fait rare sur les plateaux. Claude Berri en fait le roi du marché noir dans Uranus, film sur l'Occupation. Bertrand Blier l'engage comme client d'Anouk Grinberg, prostituée, dans Mon homme (et lui fera jouer son rôle dans Les acteurs), Fernando Trueba le choisit pour Belle époque tandis qu'Arthur Joffé en fait un Dieu dans Que la lumière soit. Flic, juge, Dieu ou pape, il était souvent notable, pas forcément sympathique, ne faisait qu'un petit tour dans un film, accolant son nom prestigieux à un générique. Récemment, on l'a surtout remarqué dans Un poison violent de Katell Quillévéré et il sera à l'affiche de L'Origine de la violence d'Elie Chouraqui, son dernier film.

Bourgeois gentilhomme ou boulanger provençal

Galabru tourna aussi des courts métrages, fit des doublages de voix (La prophétie des grenouilles, Le manège enchanté, Hôtel Transylvanie 2) et fut au casting de nombreux téléfilms et sitcoms (Scènes de ménage; Bref, Nos chers voisins). Côté scène, ce fut évidemment l'un des grands interprètes de Molière et de Pagnol. Mais pas seulement: Pirandello, Feydeau, Shakespeare, Labiche, Courteline, Goldoni, Simon, Giraudoux, Ionesco, Anouilh, Dubillard, .... ou même Daniel Colas grâce à qui il reçu un Molière du meilleure acteur pour "Les chaussettes opus 124" en 2008. on venait voir Galabru pour lui plus que pour le texte, si bien clamé, toujours. Car sa diction était parfaite. Au point d'enregistrer de nombreux livres audios. Il a écrit aussi plusieurs livres, notamment sur ses "maîtres", Marcel Pagnol et Sacha Guitry, mais aussi sur le rire. Cet amoureux du silence, il va pouvoir en profiter lui qui narguait la mort ainsi: "Tout le monde a peur de la mort, et pourtant tout le monde meurt. Ca ne doit pas être si difficile que ça de mourir parce que finalement tout le monde y arrive, et avec beaucoup plus de simplicité qu'on ne se l'imaginait." En ajoutant: "La mort ne tient pas toujours compte de l'âge, alors il faut être prêt!". Il aura quand même donné 65 ans de son existence à son art: jouer. Jusqu'au dernier souffle.

Le chef opérateur Vilmos Zsigmond éteint la lumière (1930-2016)

Posté par vincy, le 4 janvier 2016

Vilmos Zsigmond

Né en Hongrie le 16 juin 1930, le chef opérateur Vilmos Zsigmond est décédé le 1er janvier 2016 à l'âge de 85 ans. Il fut oscarisé pour son travail sur Rencontres du Troisième Type de Steven Spielberg et trois fois nommé pour la statuette (Voyage au bout de l'enfer de Michael Cimino, La Rivière de Mark Rydell et Le Dahlia noir de Brian de Palma). Pour lui, le cinéma était un art et devait le rester.

Durant près de cinq décennies, son immense talent a servi quelques uns des plus grands cinéastes américains et contribua à des films cultes voire exceptionnels: Robert Altman (John McCabe, Le privé), John Boorman (Délivrance), Jerry Schatzberg (L'épouvantail, Vol à la tire), Steven Spielberg (Sugarland Express), Brian de Palma (Obsession, Blow Out, Le bûcher des vanités), Martin Scorsese (La dernière Valse), Mark Rydell (The Rose), Michael Cimino (Les Portes du Paradis), George Miller (Les sorcières d'Eastwick), Jack Nicholson (The Two Jakes), Rochard Donner (Maverick), Sean Penn (Crossing Guard) ou Woody Allen (Melinda et Melinda, Le rêve de Cassandre, Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu).

Travail de l'image

Autant dire qu'aucun de ses films ne se ressemblait vraiment. Considéré comme l'un des dix plus grands chefs opérateurs de son époque, il savait manier les contrastes, éclairer les visages, renforcer l'intrigue par son immense talent. Son point de vue, selon lui, devait uniquement servir le scénario. Capable de désaturer une image pour la rendre mélancolique ou au contraire, d'exacerber les couleurs pour renforcer les antagonismes, il n'a cessé de se renouveler au fil des ans, en s'adaptant aux styles des cinéastes qui l'enrôlaient. Il a aussi abondamment utilisé la technique du « flashage » qui donne un aspect laiteux à l'image, réduisant les contrastes. "Sur The Black Dahlia, de Brian de Palma, on a filmé en pellicule, et ensuite on a fait la post-production en numérique. Ce qui m'a permis d'atténuer la couleur et de donner une impression de noir et blanc, J'aime le numérique pour « manipuler » le film : la couleur avec moins de couleur ! J'aime le noir et blanc, quand les ombres s'accentuent" prenait-il comme exemple pour démontrer l'évolution de son métier tout en conservant ses principes et sa vision artistiques.

"Je pense qu'un film ce sont des images. Le cinéma a besoin de bonnes images. Je pense que si vous n'avez pas de bonnes images, vous n'aurez pas un bon film. Tout film devrait être réellement visuel" expliquait-il.

L'image du travail

Ayant fuit la Hongrie juste après l'invasion russe en 1956, il avait commencé par des films à petits budgets jusqu'à sa rencontre avec Robert Altman. En collaborant ensuite sur les premiers films de Spielberg et De Palma, il était devenu très rapidement l'un de ceux qui comptaient dans la profession. Avec Spielberg, il ne s'est jamais vraiment senti à sa place. Il confia plus tard qu'il était, durant le tournage de Rencontres du Troisième type, sur un siège éjectable en permanence. Il a éprouvé en revanche de plus grandes satisfactions avec Michael Cimino et Mark Rydell, assez fier de l'aspect documentaire de The Rose ou de ses collaborations avec Michael Cimino, même si le tournage ruineux et compliqué des Portes du Paradis a empêché les deux hommes de se retrouver sur un plateau de cinéma. Il se souvient aussi du tournage heureux de The Sugarland Express, avec Spielberg: "On ne parlait pas de millions, il y avait de la joie dans le travail. Un petit budget mais de grandes stars ! Puis les choses ont commencé à changer avec Star Wars, ou encore avec Rencontres du troisième type de Spielberg."

C'était sans doute là son génie: capable de mettre en lumière un film noir, une comédie, un polar ou un drame avec des ambiances froides ou glamour, un style réaliste ou hollywoodien. Du documentaire à la télévision, il a également exploré d'autres formats, réalisant même un film, The Long Shadow, avec Liv Ullmann et Michael York (1992).