Festival d’Albi: d’Annie Cordy à Guy Georges, tour d’horizon de la sélection

Posté par cynthia, le 24 novembre 2014

Le 18ème festival des Œillades ou festival du film francophone d'Albi s'est achevé ce weekend. On y était et on a aimé. Retour sur ces quelques jours riches en émotions.

Une mamie stylée et une fille indécise

Au premier jour, le dogme était placée sous le signe des destins et de la jeunesse. Les souvenirs de Jean-Paul Rouve continue sa tournée des festivals. Annie Cordy joue les mamies en pleine rébellion depuis que son fils (Michel Blanc) l'a mise en maison de retraite et ça nous a remué les entrailles. Ajoutons à ça une excellente prestance pour le jeune Michel Spinosi et vous obtenez l'un des coups de cœur du festival. L'humour du romancier David Foenkinos évite le mélo et permet à chacun de retrouver une seconde jeunesse... Le film sort le 15 janvier dans les salles.

Après avoir dévoré de succulent petits four, on nous a offert en plat de résistance le plombant Mon amie Victoria de Jean-Paul Civeyrac. L'histoire d'une jeune fille qui ne sait pas vraiment ce qu'elle veut dans la vie. Sortir avec Thomas ou son frère? N'en faire qu'à sa tête? Le film aurait pu être intéressant sans la voix off monotone et somnolente qui nous conte l'histoire comme une professeur de latin sous antidépresseur.

Quand la musique guide nos pas

Au deuxième jour, le mot d'ordre du festival était la musique. On a commencé par la douce claque d'Alix Delaporte avec Le dernier coup de marteau. Ou comment un jeune adolescent va découvrir la musique classique à travers un père tout juste retrouvé. Un film tendre et mélodieux à l'inverse du suivant qui n'est autre que l'immense Whiplash du francophone Damien Chazelle. Grand prix du dernier festival de Deauville mais aussi prix du public, Grand prix à Sundance, prix du meilleur film selon le magazine Elle, bref, on ne présente plus ce monstre cinématographique qui vous étourdira dès le 24 décembre prochain dans les salles.

Difficile de briller face à lui me direz-vous et pourtant le Baby Balloon de Stefan Liberski a tout de même scintillé dans les salles obscures d'Albi. L'histoire d'une jeune rockeuse en surpoids qui tente de s'imposer. Le film belge est sorti en juillet dernier. Un peu trop sage pour être rock, mais assez pop pour séduire.

Rébellions

Parce qu'il n'y a pas qu'Annie Cordy qui s'est rebellée durant le festival, Raja Amari est venue nous présenter Printemps Tunisien, qui revient sur la révolte tunisienne de 2010. Le film, qui nous a laissé sans voix, sera en diffusion le 18 décembre en exclusivité sur Arte. Drôle, triste et ravageur.

Autre réussite inattendue, le dernier film de Louis-Julien Petit avec sa comédie sociale Discount. Il nous a ému et nous a pris aux tripes. L'histoire de ces caissiers devenus des Robin des bois de la nourriture ne laisse pas de marbre dans cette société de surconsommation.

Ovnis et chocs

La 18ème édition s'est achevée par un véritable ovni cinématographique, Vincent n'a pas d'écailles de Thomas Salvador, et un choc en plein coeur, L'affaire SK1 de Frédéric Tellier.

Le premier est l'histoire d'un homme sans histoire qui voit sa force décupler au contact de l'eau. Il tente tant bien que mal de vivre normalement. Un petit Hulk à sa façon sans effets spéciaux ni costume en cuir moulant, Vincent est le super-héros de campagne qu'on attendait pas. Ce qu'on n'attendait pas non plus c'était la grosse peur qui nous tenaillait après la projection de L'affaire SK1. L'histoire vraie de la plus grande traque des années 90, celle du violeur Guy Georges.

« French touch »: 10 films français qui aiment la musique

Posté par kristofy, le 24 novembre 2014

Avec Eden à l'affiche qui revient sur près de vingt ans de musique électronique, la fameuse « French Touch » musicale, à travers la vie d'un DJ, c’est l’occasion de (re)voir des films (mé)connus où la musique y est autant présente qu’un personnage principal.

L’occasion de constater que la musique en tant que phénomène de société avec ses rites et ses personnages a été trop rarement un sujet de film en France. Bien évidemment notre cinéma produit des biopics sur nos voix les plus célèbres comme Edith Piaf et La Môme (d’ailleurs Marion Cotillard était déjà devenue chanteuse dans Les jolies choses), Serge Gainsbourg et Gainsbourg vie héroïque, Claude François et Cloclo, et prochainement Dalida (avec Nadia Farès dirigée par Lisa Azuelos). Certes, la chanson de variété arrive dans 8 femmes, un voyou découvre le piano dans De battre mon cœur s’est arrêté, on joue au sosie d’une vedette dans Podium, mais la musique a très rarement le premier rôle.

10 films français qui aiment la musique :

Cléo de 5 à 7 de Agnès Varda : Cléo est une jeune chanteuse qui craint d'être atteinte d'un cancer, le film la suit dans son errance avant d’aller chercher le résultat d’un examen médical, durant presque deux heures presque en temps réel. 4 chansons du film ont été écrites par Agnès Varda et mises en musique par le compositeur Michel Legrand, qui y fait également l'acteur.

Les Parapluies de Cherbourg de Jacques Demy : C’est la Palme d’or du Festival de Cannes en 1964. Les dialogues en chanson sont de Jacques Demy mises en musique par (toujours) Michel Legrand. On y entend peu la véritable voix des acteurs principaux (Catherine Deneuve, Nino Castelnuovo,...) qui sont doublées par de véritables chanteurs. Le film est entièrement chanté, en-chanté même selon Demy, et témoigne de l’époque du début des années 60 avec les situations conflictuelles d’un jeune homme qui a dû partir faire la guerre en Algérie et une jeune-fille enceinte avant d’être mariée… A noter que Catherine Deneuve s’impose là comme une actrice de premier plan, et que bien plus tard, elle chantera et dansera de nouveau dans un autre film musical qui gagnera une autre palme d’or : Dancer in the dark de Lars Von Trier.

Désordre de Olivier Assayas : Le premier long-métrage d'Assayas (récompensé au festival de Venise en 1986) est aussi son film le plus imprégné de musique. Les jeunes membres d’un groupe de rock pénètrent par effraction dans un magasin pour voler des instruments mais ils provoquent la mort du gérant. En même temps que les personnages grandissent et deviennent adultes, on assiste à la fin de leur passion de jouer ensemble. Olivier Assayas parvient à capter l’esprit des années 80 en pleine mutation musicale, et on peut y voir le chanteur Etienne Daho, symbole de la nouvelle pop française de l'époque.

On connaît la chanson de Alain Resnais : Le scénario est l’œuvre du couple Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri, également acteurs dans le film en compagnie de la bande habituelle de Resnais : Sabine Azéma, André Dussollier, Pierre Arditi, Lambert Wilson… L’histoire de différents couples qui se cherchent alterne entre dialogues de fiction et dialogues chantés en play-back. Ils reprennent les refrains les plus populaires de la chanson française. Les paroles les plus connues d'Aznavour, Dutronc, Gall, Sardou, Bécaud, Bashung, Sheila, Bashung, Souchon, Gainsbourg, Hallyday deviennent donc les dialogues des acteurs. Le film a gagné plusieurs César: meilleur film, meilleur scénario, meilleur acteur, meilleur acteur dans un second-rôle, meilleure actrice dans un second-rôle, meilleur montage, meilleur son ; cette compilation de tubes a fait un carton.

Héroines de Gérard Krawczyk : C’est devenu un film culte surtout parce qu’il est devenu quasiment introuvable en vidéo, mais le revoir aujourd’hui montre surtout ses imperfections. Jeanne compose à la guitare et chante avec sensibilité et Johanna l'accompagne. Mais les circonstances font qu’elles ne peuvent se présenter en tant que duo à un concours de talents. C’est la belle extravertie Johanna qui sera sur scène tandis que en coulisse c’est Jeanne qui chante vraiment. Enregistrement d’un disque, passage à la télévision, tournées de concert, et toujours Johanna dans la lumière en tant que starlette alors qu'elle fait semblant de chanter en playback. Leur amitié va devenir de plus en plus fragile au fur et à mesure que Johanna se prend au jeu de la célébrité tandis que leur entourage fera tour pour cacher le secret de leur imposture… On est en 1997 bien avant le phénomène de télé-réalité, et voici un film qui préfigure le star-system people des années 2000. La vedette c’est Virginie Ledoyen et dans l’ombre une véritable chanteuse Maïdi Roth. À noter un petit rôle pour le chanteur Serge Reggiani.

Jeanne et le Garçon formidable de Olivier Ducastel et Jacques Martineau : Depuis une trentaine d’années et Jacques Demy, il n’y avait plus eu de film en forme de comédie musicale, l’acteur ici est d’ailleurs son fils Mathieu Demy , face à Virginie Ledoyen, décidément inspirée quand elle joue les chanteuses (ici en playback doublée par une autre, elle chantera plus tard réellement dans 8 femmes de François Ozon). L’histoire est celle de Jeanne qui rencontre Olivier, ils s’aiment mais lui est séropositif… Le film dramatique est traversé de multiples scènes chorégraphiées et chantées, tout en abordant la maladie du Sida et les manifestations de l’association Act-up.

Foon de Les Quiches : Les Quiches sont une bande de 5 actrices et 3 acteurs qui faisaient tous ensembles des courts-métrages et des sketchs. Une parodie de la comédie musicale West side story les amènent à ce long-métrage écrit à 8 et co-réalisé à 4. Être foon ou pas foon, that is the question, les dialogues et chansons du film ont pour originalité d’être en franglais avec de nombreuses expression english. Foon est une comédie délirante qui parodie les codes des films américains de lycées avec en ligne de mire le fameux bal de promo de fin d’année et de nombreux numéros dansés et chantés. Le succès n’a pas été au rendez-vous au ciném,a malheureusement pour eux. A noter que depuis une actrice est devenue chanteuse du duo Brigitte, que le compositeur des musiques du film est aujourd’hui derrière le groupe Lilly Wood and the The Prick, et que l'un des réalisateurs vient de faire un clip pour la chanteuse Hollysiz

Backstage de Emmanuelle Bercot : Une adolescente est fan d’une célèbre chanteuse, qu’une émission de télé va faire arriver chez elle quelques minutes. La rencontre se passe mal, mais la fan va aller  chez la chanteuse et devenir une proche assistante dans son entourage… La fan c’est la troublante Isild Le Besco et la chanteuse, c’est Emmanuelle Seigner en clone de Mylène Farmer. Le film (sélectionné au festival de Venise) montre la curieuse frontière du phénomène entre une fan et son idole, entre une chanteuse et ses fans, avec une dépendance plutôt nocive. Emmanuelle Seigner, depuis, a enregistré des albums et s'est imposée parmi les chanteuses françaises reconnues.

Quand j’étais chanteur de Xavier Giannoli : Un chanteur de bal populaire, qui se produit ici ou là, rencontre une jeune mère célibataire…, ou comment le titre d’une chanson de Michel Delpech et le chanteur de bal Alain Chanone vont inspirer un film avec Gérard Depardieu et Cécile de France (en compétition au Festival de Cannes). Les scènes de bal font entendre des chansons Julio Iglesias, Sylvie Vartan, Serge Gainsbourg, Daniel Guichard, Dalida, Michel Fugain… avec le pouvoir de rapprocher des cœurs. Un hymne à la variété.

Les chansons d’amour de Christophe Honoré : La plus émouvante association entre Christophe Honoré derrière la caméra et Alex Beaupain à la composition des musiques. Ismaël aime Julie et Alice. Un ménage à trois qui se complique quand Erwan tombe amoureux de Ismaël… Les chansons sont autant de récits de différents troubles amoureux dont elles sont le fil conducteur. Le film (en compétition au festival de Cannes) fait de multiples clins d’œil à ceux de Demy dont Les Parapluies de Cherbourg, évidemment...

Festival d’Albi: Printemps Tunisien, un regard intime sur une jeunesse rebelle

Posté par cynthia, le 24 novembre 2014

Printemps tunisienPrintemps tunisien a été présenté en avant-première aux Oeillades, le festival du film francophone d'Albi (18-23 novembre). Une fiction poignante sur le destin de quatre tunisiens quelques semaines avant la chute de Ben Ali. Alors que la Tunisie vient d'élire démocratiquement son nouveau parlement et choisit aujourd'hui son nouveau Président, le film arrive à point nommé.

Printemps tunisien se déroule à Tunis durant l'hiver 2010. Trois amis musiciens - Fathi, Moha et Walid - vivent leur difficile jeunesse. Entre note de musique, amours cachés et déception, ces amis de toujours vont se serrer les coudes dans un pays dirigé par la corruption, la peur et les humiliations.

Walid, sorte de Brad Pitt, se voit entrer dans le cercle très fermé d'un système qu'il méprise. Fathi le plus romantique, met tout en œuvre pour obtenir son concours et faire la fierté son grand amour la rebelle et blogueuse Noura. Et enfin Moha noie sa fureur dans l'alcool et les siestes. Ces trois garçons vont se battre pour s'en sortir et se laisser métamorphosés par la rébellion qui leur pend au nez.

"La colère est toujours là"

''Ce n'est pas un film sur la révolution mais elle constitue la toile de fond de parcours individuels traversés par ce basculement politique'' confie Raja Amari lors de son passage au Festival d'Albi. Et pour cause sa réalisatrice, nous dévoile le portrait de trois jeunes dans une Tunisie qui s'embrase. Très loin du film révolutionnaire classique, Raja Amari (Satin rouge, Les secrets) signe un film bouleversant qui sait mêler à la fois l'humour et l'émotion. Elle ne se contente pas de centrer son récit sur le Printemps Arabe qui a changé la Tunisie il y a 4 ans, mais elle dresse à la perfection le portrait d'une jeunesse à la recherche de liberté, de plaisir charnel, de respect et de réussite. On est séduit puis pris à la gorge dans ce tourbillon de soleil, d'amour, de musique et de rébellion.

"Grâce au scénario d’Omar Ladgham, j’ai pu pleinement m’approprier le projet. En effet, c’est par le prisme de l’intime qu’il abordait l’événement. (...) . Et il est précieux de regarder dans le rétroviseur, de rappeler sans dogmatisme ce qu’était la dictature, le régime policier de Ben Ali d’autant que de nombreux problèmes ne sont pas résolus et la colère est toujours là" explique la cinéaste.

Printemps Tunisien sera diffusé sur Arte le 18 décembre prochain en attendant qu'un distributeur cinématographique ouvre les yeux sur ce petit bijou bien épicé.