Cannes 2014 – Lettre à… Jane Campion

Posté par MpM, le 14 mai 2014, dans Cannes, Festivals.

Chère Jane, Madame la présidente,

Tout d'abord Welcome back in Cannes ! Vous avez avec le Festival une histoire (d'amour) ininterrompue que beaucoup vous envie, et c'est sans doute avec une sensation toute particulière que vous y revenez, cette année, dans la très belle fonction de présidente du jury.

Vous le savez sans doute, le Festival de Cannes est souvent critiqué pour la place congrue qu'il réserve aux femmes, et surtout aux réalisatrices. En 2012, que des hommes en course pour la Palme d'or. En 2013, il y avait une femme. En 2014, elles sont deux. A ce rythme, encore une petite dizaine d'années pour atteindre l'égalité...

Mais, bien sûr, le nombre de femmes en compétition officielle est l'arbre qui cache la forêt des inégalités : moins de réalisatrices (en France, elles sont 23%), moins de femmes scénaristes (27%), moins de réalisatrices écrivant leurs propres films (22%), peu de scénaristes de sexe féminin écrivant sans acolyte masculin (aucune dont c'est l'activité principale durant la dernière décennie)... et on ne parle pas des métiers plus techniques (4,3% de femmes machinistes, par exemple).

Le problème est plus grave qu'un simple déséquilibre numérique, et va au-delà d'une sélection cannoise. Le cinéma (paradoxalement) sera sans doute l'un des outils qui fera changer les mentalités, en normalisant la représentation des femmes à l'écran, et en combattant les stéréotypes.

Ce n'est pas toujours gagné, je vous l'accorde. Sans doute aurez-vous même une pensée pour cette vaste cause ce soir-même, lors de la cérémonie d'ouverture de ce 67e Festival de Cannes, lorsque vous découvrirez sur grand écran le Grace de Monaco d'Olivier Dahan, où l'on découvre une Grace Kelly, grande actrice devant l'éternel, poussée, par devoir et abnégation, à renoncer à son art pour endosser le rôle "de sa vie", lui dit-on, consistant à être épouse, mère et souveraine. Elle y est incarnée par une autre grande actrice, Nicole Kidman, à qui, il y a des années, un journaliste osa demander comment elle gérait d'être "une mère de famille qui travaille", preuve que certaines problématiques évoluent peu.

Aussi, lorsque le film s'achèvera, peut-être vous laissera-t-il un petit goût amer, qu'il ne faudra pourtant pas prendre comme un fardeau. Puisse au contraire cette sensation de gêne vous poursuivre tout au long de la quinzaine et vous pousser, non pas à privilégier les films réalisés par des femmes, ce serait leur faire injure, mais à regarder les films de la compétition avec le prisme d'une égalité homme/femme qui ne peut tout simplement pas être négociable.

Tags liés à cet article : , , , , , , , .

exprimez-vous
Exprimez-vous

Vous devez être connecté pour publier un commentaire.