Bill Plympton ne manque pas de jus avec Les amants électriques

Posté par geoffroy, le 23 avril 2014

les amants electriquesOn aurait pu croire qu’à 66 ans, Bill Plympton, se serait quelque peu assagi. C’est mal connaître le réalisateur irrévérencieux de Hair High, qui n’a de cesse de triturer jusqu’à la dernière couche de gouache son cinéma pour en extraire une urgence incomparable dans le petit monde de l’animation pour adultes. Ces films, qu’on les aime ou pas, sont de folles valses aux sentiments se percutant dans la démesure visuelle du cycle infernal de l’existence.

La force de Plympton, c’est son style.

Son interminable mouvement tout la fois grisonné, déformé, instable, foisonnant une liberté créatrice incomparable. Jusqu’à l’exubérance. Car rien n’est figé, au contraire, tout doit percuter la rétine, le cerveau, le cœur, les tripes. Pourvu que l’on ressente une émotion – ses obsessions –, dans un élan de transformiste se délectant des possibilités offertes par l’art du coup de crayon. Chez Plympton tout n’est qu’une question de perception. Ou de regard. Sans doute un peu des deux dans ce va-et-vient pénétrant entre l’observé et l’observable, le monde réel, physique, prégnant et celui, plus aérien, cérébral, iconique de la métaphore, faisant de l’Amérique un laboratoire aux fantasmes qu’il aime tant croquer, parodier, triturer, exalter, accuser ou exagérer.

les amants electriquesLa femme savante et l'homme objet

Dans Les amants électriques, en effet, il exalte dans un continuum temporel d’une histoire d’amour aux aléas presque terre à terre, la confusion des sentiments. Il entrechoque, comme dans un ballet d’autos tamponneuses, l’attraction (coup de foudre), la rupture (tromperie supposée) et les métamorphoses les plus inattendues. Si l’aspect narratif se veut plus classique – ce que le film est, par ailleurs – se sont les prouesses visuelles qui motivent une poétique insatiable aussi inespérée, ludique, tragique, qu’irréelle. Le flot de la vie nous envahit, déborde du cadre, rompt avec la monotonie des simulacres d’amour en manque de représentation. Le cinéaste abuse à merveille de son privilège de dessinateur pour animer sans détour cette histoire folle d’amants contrariés dans la simplicité frappante des films presque mutiques ponctués, ça et là, par l’art de l’onomatopée et des trouvailles visuelles.

À ce titre, que dire, de l’introduction de ces Amants électriques ? Qu’elle est imparable, immersive, intrigante, érotique, jouant à fond sur les formes, les sons, les ambiances, en nous dévoilant Ella sous toutes les coutures. Le ton est donné. Il ne faiblira jamais. Faisant de la Femme la créature savante, celle qui détient les mille pouvoirs, raison du déséquilibre comme de la stabilité. L’homme, lui, est réduit à la puissance physique, acte péremptoire de pénétration, organique soumission de sa fonction première. Le flot infini de la vie se jouera de nos deux amants pour le meilleur comme pour le pire. Et quelles perspectives pour souligner – imprégner – les méandres de cette histoire banale où la jalousie s’en mêle.

les amants electriquesPlympton redéfinit l’acte d’adultère dans les précipices qui s’y déploient. Les variations s’enchaînent, deviennent redondantes, accumulent leurs saveurs, leurs horizons, leurs folies. Au point de convoquer dans un tourbillon frénétique roman à l’eau de rose, film noir, ambiance de fête foraine, intrusion fantastique liée à la métempsychose. Lorsqu’Ella décide dans un acte de désespoir de changer de corps grâce à la machine trans-âme du magicien El Merto, elle prend possession du corps des maîtresses de son ancien amant. La transfiguration opère et sème le trouble au point de mélanger dans un même élan passionnel animation et amour dans un jeu troublant de vie et de mort.

Le BIFFF 2014 sacre les sorcières de Alex de la Iglesia

Posté par kristofy, le 23 avril 2014

les sorcières de Zugarramurdi

La 32ème édition du Bruxelles International Fantastic Film Festival (aka BIFFF) a été une nouvelle fois le rendez-vous des amateurs de sensations fortes, voir même de chair fraîche. L'extravagant et prodigieux Jean-Pierre Jeunet a fait le voyage pour une master-class, Lloyd Kaufman a fêté les 40 ans de Troma avec Return to Nuke 'em High, volume 1, Joe Chien est venu présenter en avant-première The Apostles, Alexandre Bustillo et Julien Maury se sont montrés Aux yeux des vivants, Benjamin Rocher accompagne Goal of the dead, l'acteur Liam Cunningham est venu faire le "Mâlin" avec Let us prey, Bobcat Goldthwait a fait son yéti project avec Willow Creek, Benoît Delépine avec Arnold De Parscau et Philippe Nahon ont été coupable de Ablations...

Le BIFFF se conjugue aussi au féminin avec en particulier la présence de l'actrice Caroline Munro, égérie du studio Hammer, James Bond Girl dans Casino Royale et L’Espion qui m’aimait, screeming queen dans Maniac et Slaughter High. Elle a reçu le prix honorifique de Chevalier de lOrdre du Corbeau (aussi Jean-Pierre Jeunet). L'actrice et réalisatrice Melissa Mira (avec Geoff Klein) est venue faire la bombe de Pinup Dolls On Ice, l'italiene Silvia De Santis était là (avec Giancarlo Giannini) pour The Gambler Who Wouldn't Die, et Axelle Carolyn a fait découvrir son envoûtant Soulmate...

C'était plus d'une centaine de films qui ont été programmés durant 12 jours de festival, et certains était en compétition dans l'une ou l'autre des différentes sélections. Voici les palmarès des différents jurys pour le cru 2014 :

Le palmarès de la Compétition Internationale :

- Corbeau d’Or, Grand Prix : Les Sorcières de Zugarramurdi, de Alex de la Iglesia
Mention spéciale : Control, de Kenneth Bi

- Corbeau d’Argent ex aequo: Horror Stories 2, de Min Kyu-dong, Kim Sung-ho, Kim Hui & Jung Bum-shik
- Corbeau d’Argent ex aequo: Rigor Mortis, de Juno Mak

Le palmarès des autres sections :

- Méliès d’Argent : Let us Prey, de Brian O’Malley

- Prix Thriller : Monsoon Shootout, de Amit Kumar

- Prix du 7e Parallèle : LFO, de Antonio Tublen
- Mention spéciale : Wrong Cops, de Quentin Dupieux

-Prix du Public : Les Sorcières de Zugarramurdi, de Alex de la Iglesia

L'année dernière c'est le film espagnol Ghost Graduation qui avait remporté le Grand Prix du Corbeau d'Or et le Prix du Public, et cette année c'est encore l'Espagne qui est de nouveau à l'honneur avec Alex de la Iglésia qui lui aussi fait le doublé jury et public. Les Sorcières de Zugarramurdi était sorti le 27 septembre en Espagne avec un grand succès populaire en salles en devenant le deuxième film ibérique le plus vu de l'année 2013 (derrière Mamá de Andres Muschietti, d'ailleurs venu au BIFFF 2013), et a ensuite gagné 8 Goyas (les César espagnol). Le film est sorti le 8 janvier en France, mais a rencontré son public de manière plus confidentielle.

La présence de Les Sorcières de Zugarramurdi en compétition en faisait d'avance le favori attendu. Seul Killers de Kimo Stamboel & Timo Tjahjanto aurait pu être la surprise. A noter que certains des meilleurs films comme étaient hors-compétition All Cheerleaders Die de Lucky McKee & Chris Sivertson, The Raid 2 de Gareth Evans, Real de Kiyoshi Kurosawa, Goal of the Dead de Benjamin Rocher & Thierry Poiraud, Ugly de Anurag Kashyap...  Pour ce qui est du Prix Thriller à Monsoon Shootout, là aussi il s'agissait de l'un des deux favoris avec le coréen Hide and seek de Jung Huh.

Les Sorcières de Zugarramurdi de Alex de la Iglesia sera disponible en dvd et blu-ray à partir du 14 mai.