Vesoul 2014 : le Cyclo d’or du 20e anniversaire pour « 10 minutes » du Sud-Coréen Lee Yong-seung

Posté par MpM, le 19 février 2014, dans Festivals, Films, Personnalités, célébrités, stars, Vesoul.

Les lauréats du FICA 2014

Face à une sélection de haute volée qui mêlait propositions formelles, scénarios sensibles et cinéma engagé, le jury international du 20e Festival international des cinémas d'Asie de Vesoul composé de Brillante Mendoza, Taraneh Alidoosti, Jocelyne Saab et Philip Cheah a récompensé trois films qui privilégient l'intime et l'humain.

Un Cyclo d'or elliptique et un Grand prix doux-amer

Cyclo d'or 2014C'est ainsi le Sud-Coréen Lee Yong-seung (à gauche sur la photo, avec Defne Gürsoy et Brillante Mendoza, Cyclo d'honneur de ce 20e anniversaire) qui a reçu le Cyclo d'or pour son premier long métrage 10 minutes, déjà lauréat du prix FIPRESCI au Festival de Pusan en 2013, et coup de coeur du jury INALCO à Vesoul. Construit comme un quasi huis clos, le film suit le parcours de Kang Ho-chan, un étudiant rêvant de devenir producteur de télévision, dans l'administration où il est embauché comme stagiaire.

Le récit très elliptique et la narration presque éparse donnent l'impression d'un film fuyant, fait de sensations et d'anecdotes. Pourtant, un fil directeur émerge peu à peu de cette observation presque chirurgicale des relations professionnelles et familiales. L'ambivalence des rapports humains, l'absence de loyauté, les difficultés économiques et l'individualisme forcené sont notamment autant de thèmes effleurés par le cinéaste. On reste toutefois un peu sur sa faim devant un final qui manque de panache. Le grand soin apporté à la photographie, qui tranche avec l’aspect quasi documentaire de l'ensemble, renforce la sensation d'un bel objet un peu creux.

Autre lauréat de ce 20e FICA, Grand Prix du FICA 2014le premier film de fiction de la réalisatrice turque Deniz Akçay, Nobody's home, justement récompensé du Grand prix du jury ainsi que du prix du jury lycéen (reçus en son nom par Defne Gürsoy, avec brillante Mendoza sur la photo de droite). Cette chronique familiale douce-amère, qui suit quatre membres d'une famille tentant de se reconstruire après la mort du père, oscille entre humour burlesque et violence psychologique.

Le personnage central, une trentenaire réservée, doit apprendre à faire face à sa mère étouffante et hystérique pour prendre enfin en mains son existence. Très finement écrit, le scénario accumule les situations conflictuelles et les tensions latentes en évacuant toute tentation dramatique hors champ. Ce sens de l'ellipse, associé à de très beaux personnages féminins, lui permet de transformer une intrigue presque banale en véritable parcours initiatique d'une femme qui conquiert chèrement sa liberté.

Les relations familiales au cœur des films récompensés

Anup SinghUne mention spéciale a par ailleurs été décernée au seul film indien de la sélection, Quissa d'Anup Singh (photo de gauche), également récompensé par le prix du jury INALCO. Mêlant grande et petite histoire, ce conte parfois cruel raconte l'histoire d'un Sikh contraint d'abandonner sa terre lors de la partition entre l'Inde et le Pakistan. Ne pouvant supporter de ne pas avoir d’héritier mâle, il travestit sa 4e fille dès la naissance et l'élève comme un garçon.

Extrêmement symbolique, le film parle avec intelligence des questions d'identité et de genre qui agitent tant la société française actuellement. Persuadée d'être un garçon pendant la majeure partie de sa vie, la jeune héroïne ne peut plus s'envisager comme fille lorsqu'elle apprend la vérité. Très subtilement, le réalisateur interroge les notions d'homme et de femme en se fondant non sur une stérile opposition des genres, mais sur leur complémentarité à l'intérieur même de chaque être, quitte à recourir pour cela à des éléments fantastiques déroutants.

Les jurys NETPAC et Guimet Shi weiont quant à eux plébiscité le très beau film chinois The ferry de Shi Wei (photo de droite) qui raconte la relation ténue entre un vieil homme et son fils de retour au village pour les vacances. En plus d'observer avec beaucoup de pudeur les liens qui se nouent entre les deux hommes, le film est un hymne à la solidarité et à la loyauté indéfectible. Une œuvre épurée d'une grande beauté formelle.

Le cinéma japonais a quant à lui séduit le public, avec l'un des longs métrages les plus faibles mais aussi les plus lacrymaux de la compétition : Again de Kanai Junichi, sur la manière dont une jeune fille tente de se reconstruire après avoir été victime d'un viol. Summer's end de Kumakiri Kazuyoshi, l'adaptation élégante et feutrée du best-seller écrit par Setuchi Jakucho, reçoit quant à lui le prix "Coup de cœur" du jury Guimet.

Le premier prix de la presse en ligne

Eduardo Roy jrEnfin, à l'occasion du 20e anniversaire du Festival, un prix de la critique web a été créé conjointement par les sites CineAlliance, East Asia et la rédaction d'Ecran Noir. C'est le film philippin Quick change d'Eduardo Roy jr (photo de gauche) qui a reçu cette première distinction. Le film, qui tranche par sa modernité formelle et son atmosphère joyeuse et colorée, aborde un phénomène très important aux Philippines, celui de la chirurgie esthétique clandestine à destination des populations les plus modestes.

L'héroïne, Dorina, est une transsexuelle qui pratique des injections de "collagène" illégale sur les membres de la communauté transgenre. On la suit dans son activité professionnelle mais aussi dans sa vie de famille avec son neveu et son petit ami. La chaleur et la gaieté qui se dégagent du récit laissent toutefois peu à peu place à des tensions anxiogènes. Sans vraiment basculer dans le film de genre, Quick change flirte avec le thriller, voire avec le film d'horreur, et joue sur les ruptures de ton. Ainsi, il livre à la fois un regard bienveillant sur une communauté totalement ostracisée dans son pays et une critique implicite d'un trafic potentiellement mortel dont les victimes sont aussi bien les client(e)s que ceux et celles qui le perpétuent.

Pas d'oubli majeur dans ce palmarès qui n'a finalement laissé de côté que le très esthétique film iranien Snow on pines de Payman Maadi (au scénario assez banal et parfois trop bavard) et le trop confus Concrete clouds, au sujet fort (la manière dont la société de consommation rend impossible toute forme de relation sincère) mais à la construction trop statique et aux références trop difficilement appréhendables par un occidental non spécialiste de la Thaïlande (les passages musicaux et les clips sur la crise économique) pour vraiment convaincre.

Le palmarès complet

Cyclo d'or
10 minutes de Lee Yong-seung (Corée du Sud)

Grand prix du jury
Nobody's home de Deniz Akçay (Turquie)

Mention spéciale du jury
Quissa d'Anup Singh (Inde)

Prix NETPAC
The ferry de Shi Wei (Chine)

Prix Emile Guimet
The ferry de Shi Wei (Chine)

Coup de coeur de Guimet
Summer's end de Kumakiri Kazuyoshi (Japon)

Prix INALCO
Quissa d'Anup Singh (Inde)

Coup de cœur INALCO
10 minutes de Lee Yong-seung (Corée du Sud)

Prix du public long métrage de fiction
Again de Kanai Junichi (Japon)

Coup de coeur de la presse en ligne
Quick change d'Eduardo Roy Jr (Philippines)

Prix du Jury Lycéens
Nobody's home de Deniz Akçay (Turquie)

Prix du public du film documentaire
Mille jour à Saigon de M.C. Courtès (Vietnam - France)

Prix Jury Jeunes
Blossom with tears de Huaqing Jin (Chine)

Photos : Michel Mollaret

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