Göteborg 2014 : retour sur la compétition nordique et ses personnages en quête d’eux-mêmes

Posté par MpM, le 5 février 2014, dans Festivals, Films.

Pussy Riot Poster pour Göteborg Film Festival 2014La compétition de longs métrages nordiques du 37e Festival international du film de Göteborg se composait de huit films venus du Danemark, de Finlande, d’Islande, de Norvège et de Suède. Outre une grande qualité d'écriture et de mise en scène, tous ont en commun des personnages forts exposés à une certaine difficulté de vivre, difficulté souvent plus existentielle qu’économique, symbolisée par le fait que la plupart des protagonistes ne savent pas trop quoi faire de leur vie.

A l’heure des bilans…

Certains personnages sont déjà à l’heure des bilans et essayent tout simplement d’aller de l’avant. C’est le cas du pêcheur de Sunfish de Søren Balle (Danemark) qui doit faire face à de multiples changements dans son existence. Plus il se bat pour lutter contre ce mouvement, plus son existence prend l’eau. Pour s’en sortir, il n’aura au final d’autre choix que de se remettre complètement en questions, exactement comme la femme mourante de The quiet roar de Henrik Hellström (Suède).

Cette dernière veut comprendre pourquoi, et comment, elle a gâché sa vie. Grâce à un procédé confidentiel dont on ne saura pas grand-chose, elle voyage psychiquement dans le temps et a l’occasion de revivre, en tant que spectatrice, un épisode déterminant de sa vie. Confrontée à une version plus jeune d’elle-même, et à son ancien mari, elle prend peu à peu conscience des causes et des conséquences de ses choix passés. D’une certaine manière, elle trouve ainsi la paix dans ce voyage intérieur.

Dans un registre plus léger, of horses and menOf horses and men de Benedikt Erlingsson (Islande) met en scène des personnages guidés par leurs instincts les plus profonds. Qu’il s’agisse de se procurer de l’alcool, de conquérir la femme de sa vie ou de défendre son territoire, ils sont prêts à tout, quitte à y laisser la vie.

Leur quête n’a certes pas grand-chose à voir avec des motifs existentiels, mais il semble que cela soit leur manière, unique, hilarante et désespérée à la fois, de trouver le bonheur.

… ou à l’aube de l’existence

letter to the kingQuoi qu’il en soit, ce sont assez logiquement les personnages les plus jeunes qui semblent le plus en quête d’eux-mêmes. En tout cas, c’est l’impression que donnent la plupart des films en compétition dans cette 37e édition du festival. Ainsi, dans Letter to the king, le réalisateur Hisham Zaman (Norvège) suit un groupe de migrants en excursion à Oslo.

Le spectateur s’attend à les voir confrontés à des problèmes très spécifiques, mais en réalité, leurs préoccupations sont d’une extrême normalité : un adolescent débrouillard aimerait avoir une petite amie norvégienne, une jeune femme veuve qui vient d’obtenir un passeport norvégien est obsédée par l’idée de venger la mort de son mari, un expert en arts martiaux veut faire la démonstration de son talent, quelles que soient les circonstances… Tous attendent que quelque chose arrive, et que leur vie commence pour de bon.

Mais là où cette quête existentielle semble la plus profonde et la plus douloureuse, c’est dans quatre longs métrages mettant en scène des jeunes gens totalement perdus, qui éprouvent un malaise incommensurable face à l’existence. Le point commun entre Sebastian, jeune travesti à fleur de peau de Something must break d’Ester Martin Bergsmark (Suède), Simo, l’ado effrayé de Concrete night de Pirjo Honkasalo (Finlande),  Hera, la jeune femme qui n’arrive pas à se remettre de la mort de son frère dans Metalhead de Ragnar Bragason (Islande) et  Mina, jeune mère divorcée qui essaye de concilier ses rêves et les exigences de sa famille conservatrice d’origine pakistanaise dans I am yours de Iram Haq (Norvège), est ainsi une tendance prononcée pour l’autodestruction.

Trouver sa propre place

Entre dégoût de lui-même something must breaket désespoir intense, le héros de Something must break cherche en effet à s’avilir en multipliant les expériences sexuelles mécaniques et humiliantes. Il se punit de sa condition hybride, jeune femme piégée dans un corps d’homme, en se laissant persécuter et battre. Mais pour lui, une étincelle d’espoir est possible, à travers la fascinante et ambivalente histoire d’amour qui le lie à un autre homme.

Au contraire, le personnage de Concrete Night est amené à commettre un acte irréparable qui ne laisse aucune place à l’espoir. Cet ado impressionnable, coincé entre un frère agressif et tout puissant et une mère complaisante et démissionnaire, sombre peu à peu dans une sorte de psychose que le film n’explique pas vraiment.

metalheadDans Metalhead, Hera s’intéresse au Heavy Metal parce que c’était la musique préférée de son frère mort. Mais cette musique est surtout sa manière d’exprimer un mal-être qui est par ailleurs indicible.

Incapable de communiquer sur sa douleur et sa culpabilité, elle tente de gâcher une vie qu’elle croit ne pas devoir mériter et s’enferme dans une spirale de provocations de plus en plus grandes, qui sont comme autant d’appels au secours.

Le dernier combat ?

Quant à Mina, i am yoursla plus âgée des quatre personnages, elle s’abîme dans l’alcool pour protester contre son impossibilité à vivre tel qu’elle le souhaite.

Ne parvenant pas à gérer son triple statut de fille, mère et amante (et donc à satisfaire en même temps ses parents intrusifs, son fils encore petit, et son nouvel amoureux égoïste), elle perd complètement le fil de sa vie. La réalisatrice dresse le constat alarmant de l’impossibilité à être soi-même, même dans une société moderne, dès lors que l’on déroge à ce que les autres attendent de nous.

Ici, la mère traditionaliste de Mina et son petit ami suédois sont mis sur le même plan : l’un comme l’autre tente d’appliquer sur elle un schéma tout fait, sans chercher à comprendre ce qu’elle désire ou ce qu’elle est vraiment.

A travers ces huit films, il se dégage ainsi un portrait contrasté et parfois pessimiste de sociétés où être soi-même demeure encore un défi. Le manque de communication, les préjugés, le bouleversement profond de certaines communautés sont autant d’obstacles à l’acceptation mutuelle. Il est d’ailleurs assez révélateur que ces films viennent de pays connus pour leur grande stabilité et où la liberté et la paix semblent devoir régner sans heurts. Comme si, dans le monde occidental opulent et libre, le dernier combat à mener était tout simplement celui d’une quête apaisée de soi-même.

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