Aides publiques au cinéma : la France et l’Allemagne font plier l’Europe

Posté par vincy, le 16 novembre 2013, dans Business.

La Commission européenne a adopté les nouvelles règles concernant les aides publiques au cinéma et à l'audiovisuel. Le commissaire chargé de la concurrence Joaquin Almunia a fait l'annonce jeudi 14 novembre : ces règles maintiennent le système actuel défendu notamment par la France. Il aura fallu trois consultations publiques, deux ans de discussions et de nombreux allers-retours entre la Commission européenne et les différents Etats-membres pour obtenir cette réforme.

Le réexamen de la territorialisation des aides, l'un des deux points litigieux, était prévu depuis  le précédent texte européen qui datait de 2001 (et qui a expiré il y an an). La Commission jugeait ce dispositif comme une entrave à la liberté de circulation des biens et services, au nom de l'exception culturelle. Interprétation juridique spécieuse. Dans son viseur, il y avait la discrimination des aides publiques. Finalement, l'Europe a renoncé à interdire "toute restriction à la prestation de service sur l'origine des biens et services".

Le nouveau cadre des subventions dans ce secteur permettra toujours aux Etats ou aux régions d'aider des oeuvres tout en imposant, en échange, que les tournages s'effectuent sur leur territoire et non pas dans des pays à bas coût (l'Europe centrale était notamment visée). A l'origine, la Commission trouvait les montants des aides trop élevés. Elle voulait aussi réduire considérablement le lien entre aide et territorialisation. Le CNC (Centre national du Cinéma et de l'image animée) avait calculé que les délocalisations de tournages qu'aurait pu entraîner le texte menaçait 10 000 à 16 000 emplois.

Extension du domaine des aides

Le nouveau texte maintient donc l'autorisation pour les collectivités qui accordent des aides d'exiger qu'au moins 50% du budget du film soit dépensé sur leur territoire, et jusqu'à 80% selon le montant des subventions, conformément à ce que prévoit actuellement le système français. 80% est un maximum et concerne  les œuvres dites "difficiles" , par exemple un film utilisant une langue rare ou des films de niche. Les Etats pourront eux-mêmes définir cette catégorie. Plus généralement, l'aide publique à un film ne doit pas dépasser 50 % des coûts de production du film mais il passe à 60 % pour les coproductions. Enfin, les aides publiques sont étendues à toutes les étapes de la chaîne : réalisation, production, écriture, soutien aux salles... Et last but not least, ce texte n'a plus de limitation dans le temps.

La France a obtenu par deux fois depuis plus d'un an le report de la publication du texte et a finalement réussit à avoir gain de cause sur une prérogative européenne, soutenu par plusieurs pays, comme l'Allemagne soucieuse de conserver ses tournages sur son territoire. La ministre de la Culture et de la communication Aurélie Filippetti n'a pas manqué de saluer "une victoire majeure" pour le cinéma français. En France, toutes les organisations professionnelles sont satisfaites de cette décision. Elles craignaient que la réforme ne fasse une entorse au principe de l'exception culturelle, elle-même fragilisée par l'actuelle politique libérale de la Commission européenne.

Dans la foulée, la ministre a annoncé la tenue les 11 et 12 avril au Palais de Chaillot à Paris d'un "Forum sur l'Europe et la Culture".

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