A Versailles, le Cyrano, le Roxane et Parly 2 sont fragilisés par les nouveaux multiplexes

Posté par vincy, le 16 novembre 2013

Alors que les multiplexes s'attaquent désormais aux villes moyennes de province et s'ouvrent à la pelle en Île de France (lire notre actualité d'hier), les cinémas de centre-ville souffrent. Cas typique : les cinémas de Versailles, grosse préfecture dans la banlieue de Paris. La ville a refusé un multiplexe dans son centre-ville il y a 5 ans pour protéger ses cinémas ancestraux, le Cyrano et le Roxane. La mairie de Versailles a aussi fortement combattu l'extension de l'UGC Vélizy 2,situé dans l'immense centre commercial de même nom, localisé à quelques kilomètres de la ville, qui voulait passer de 7 écrans à 18 et quasiment quadruplé sa capacité d'accueil. La bataille a été gagnée mi-octobre avec le rejet du dossier par la commission départementale d'aménagement commercial ; cependant la guerre n'est pas finie : le projet divise certes mais n'est pas abandonné et semble même inéluctable.

Versailles peut légitimement arguer que l'offre cinématographique est déjà bonne dans son bassin démographique : deux cinémas en centre-ville, un UGC à Vélizy, 5 écrans dans le centre-commercial de Parly 2 (au Chesnay, commune voisine), et à 10 kilomètres l'UGC Ciné Cité de Saint Quentin en Yvelines (l'un des 15 complexes les plus fréquentés de France). Autant dire que l'offre dépasse souvent la demande pour une ville qui est à un quart d'heure des salles parisiennes de Montparnasse.

Le Cyrano, le Roxane et les cinémas de Parly 2 appartiennent tous à Jean-François Edeline. Il a vu la moitié de sa clientèle partir à l'UGC Ciné Cité de Saont-Quentin et la fréquentation de ses salles est en forte baisse (-20%, largement au dessus de la moyenne nationale des salles multi-écrans). Le vieillissement de ses salles et les problèmes de stationnement dans le centre-ville y sont sans doute pour beaucoup. Dans les salles de Parly 2, à peine 2 fauteuils sur cinq sont occupés. Qui irait dans un cinéma qui na pas bougé en 40 ans? A priori, le cinéma de Parly 2 changera d'exploitant en 2015 et subira alors un lifting complet. Les négociations sont en cours. Pour le propriétaire du centre commercial, il est vital que le cinéma se modernise alors que Pathé a ouvert un multiplexe à Boulogne Billancourt - dix minutes en voiture - qui séduit déjà les habitants des villes chics aux alentours, de La Celle Saint-Cloud à Viroflay en passant par Meudon. Et Pathé prévoit d'en ouvrir un autre sur l'Île Seguin, d'ici trois ans.

Jean-François Edeline va devoir investir s'il ne veut pas voir ses cinémas mourir. Si la mairie le soutient dans son combat contre les géants Pathé et UGC, elle ne l'aide pas vraiment quand il rêve d'un partenariat "marketing" avec le concessionnaire du parking souterrain à proximité du Cyrano. A 67 ans, espérant qu'une de ses progénitures prenne la relève, l'exploitant historique versaillais ne dépose pas les armes. Même sil est loin le temps où son père possédait une salle de cinéma dans chaque quartier de la ville, il peut encore arguer que le Cyrano attire 500 000 spectateurs et le Roxane, classé "art et essai", entre 150 000 et 200 000. Il exploite également un cinéma à Meaux, le Majestic. L'ensemble est regroupé sous la marque Cinésoco.

Aides publiques au cinéma : la France et l’Allemagne font plier l’Europe

Posté par vincy, le 16 novembre 2013

La Commission européenne a adopté les nouvelles règles concernant les aides publiques au cinéma et à l'audiovisuel. Le commissaire chargé de la concurrence Joaquin Almunia a fait l'annonce jeudi 14 novembre : ces règles maintiennent le système actuel défendu notamment par la France. Il aura fallu trois consultations publiques, deux ans de discussions et de nombreux allers-retours entre la Commission européenne et les différents Etats-membres pour obtenir cette réforme.

Le réexamen de la territorialisation des aides, l'un des deux points litigieux, était prévu depuis  le précédent texte européen qui datait de 2001 (et qui a expiré il y an an). La Commission jugeait ce dispositif comme une entrave à la liberté de circulation des biens et services, au nom de l'exception culturelle. Interprétation juridique spécieuse. Dans son viseur, il y avait la discrimination des aides publiques. Finalement, l'Europe a renoncé à interdire "toute restriction à la prestation de service sur l'origine des biens et services".

Le nouveau cadre des subventions dans ce secteur permettra toujours aux Etats ou aux régions d'aider des oeuvres tout en imposant, en échange, que les tournages s'effectuent sur leur territoire et non pas dans des pays à bas coût (l'Europe centrale était notamment visée). A l'origine, la Commission trouvait les montants des aides trop élevés. Elle voulait aussi réduire considérablement le lien entre aide et territorialisation. Le CNC (Centre national du Cinéma et de l'image animée) avait calculé que les délocalisations de tournages qu'aurait pu entraîner le texte menaçait 10 000 à 16 000 emplois.

Extension du domaine des aides

Le nouveau texte maintient donc l'autorisation pour les collectivités qui accordent des aides d'exiger qu'au moins 50% du budget du film soit dépensé sur leur territoire, et jusqu'à 80% selon le montant des subventions, conformément à ce que prévoit actuellement le système français. 80% est un maximum et concerne  les œuvres dites "difficiles" , par exemple un film utilisant une langue rare ou des films de niche. Les Etats pourront eux-mêmes définir cette catégorie. Plus généralement, l'aide publique à un film ne doit pas dépasser 50 % des coûts de production du film mais il passe à 60 % pour les coproductions. Enfin, les aides publiques sont étendues à toutes les étapes de la chaîne : réalisation, production, écriture, soutien aux salles... Et last but not least, ce texte n'a plus de limitation dans le temps.

La France a obtenu par deux fois depuis plus d'un an le report de la publication du texte et a finalement réussit à avoir gain de cause sur une prérogative européenne, soutenu par plusieurs pays, comme l'Allemagne soucieuse de conserver ses tournages sur son territoire. La ministre de la Culture et de la communication Aurélie Filippetti n'a pas manqué de saluer "une victoire majeure" pour le cinéma français. En France, toutes les organisations professionnelles sont satisfaites de cette décision. Elles craignaient que la réforme ne fasse une entorse au principe de l'exception culturelle, elle-même fragilisée par l'actuelle politique libérale de la Commission européenne.

Dans la foulée, la ministre a annoncé la tenue les 11 et 12 avril au Palais de Chaillot à Paris d'un "Forum sur l'Europe et la Culture".