L’image manquante, chef d’oeuvre de Rithy Panh ce soir sur Arte

Posté par MpM, le 9 octobre 2013

image manquante

L'image manquante, documentaire atypique sur les souvenirs impossibles du génocide cambodgien,  fut l'un des temps forts du dernier festival de Cannes, où il reçut le Prix Un certain regard.

Rithy Panh, à qui l'on doit déjà deux des films les plus saisissants sur la période khmer rouge au Cambodge : S21, la machine de mort khmère rouge et Duch, le maître des forges de l'enfer, s'y est cette fois penché sur son propre passé de déporté dans un camp de travail où il perdit une partie de sa famille.

Mais pas question de transformer le génocide cambodgien et toutes les horreurs qui l'ont accompagné en "fonds de commerce" pour documentariste en mal d'idées. "Je trouve qu'il faut qu'on soit aussi cinéaste, et pas seulement cinéaste de génocide", explique Rithy Panh dans une interview à l'AFP. "Il faut une proposition artistique. C'est elle qui doit permettre de transmettre et de s'approcher d'une certaine vérité."

C'est donc en gardant à l'esprit son devoir de cinéaste qu'il a abordé la complexité de ce nouveau projet. Comment raconter une histoire dont il n'existe pas d'images ? Comment transmettre, dans un film qui plus est, un passé qui n'existe plus que dans les mémoires ?

La démarche qui en résulte est d'autant plus passionnante qu'elle mêle souvenirs intimes, événements historiques et réflexion sur le cinéma. Puisqu'il n'a que très peu de matière à sa disposition (les images d'archives sont rares, de même que les documents sur sa famille), Rithy Panh décide de l'inventer et d'utiliser un pur procédé de fiction au service d'une réalité intangible.

L'idée, reconstituer avec des figurines d'argile ce passé à jamais disparu, confine au génie. Parce que ces petites statuettes sont à la fois enfantines, allégoriques et universelles, ce que n'auraient pu réussir des acteurs incarnant les personnages. Mais aussi parce qu'en restant figées, comme en retrait, elles accompagnent la tragédie sans prétendre la mimer artificiellement. Seul compte le récit, terrible et bouleversant, et pourtant d'une sobriété absolue, qui accompagne à la première personne cette reconstitution minutieuse.

On sort ébranlé de L'image manquante qui raconte les pires exactions dont est capable l'être humain. Mais grâce à ce procédé décalé, presque radical, qui permet d'incarner les fantômes du passé en personnages peints, c'est comme si, au final, les victimes finissaient par avoir le dernier mot, à l'image de cette séquence hallucinante où la figurine qu'on enterre resurgit encore et toujours de la terre.

Rithy Panh réussit ainsi l'exploit de livrer un récit intime bouleversant et de porter en même temps un regard critique sur ce qu'il fait. Ne laissant pas l'émotion le submerger tout à fait, il met des mots sur l'horreur, cherchant à l'expliquer pour mieux la comprendre, et réfléchit à son triple rôle d'acteur, de témoin et de narrateur d'un épisode insupportable de l'Histoire. C'est en cela qu'il agit en véritable cinéaste, soucieux d'interroger à la fois les images qu'il montre et la démarche qui l'anime.

Qu'un film aussi singulier, puissant et débordant d'humanité ne bénéficie pas d'une sortie en salles a quelque chose de profondément troublant. Mais peut-être touchera-t-il un plus vaste public lors de sa diffusion télé (mercredi 9 octobre à 20h50 sur Arte), en attendant sa sortie en DVD le 19 novembre prochain. Car quel que soit le support, il ne faut pas passer à côté de cette Image manquante qui invente une nouvelle forme de cinéma, à la frontière du poétique et du réel.

Arras 2013 : des avants-premières, une compétition européenne inédite et Patrice Leconte, Philippe Lioret et Yolande Moreau en invités d’honneur

Posté par MpM, le 9 octobre 2013

arras 2013On ne présente plus l'Arras Film Festival qui met à l'honneur chaque année en novembre le meilleur du cinéma contemporain tout en proposant des rétrospectives thématiques originales et passionnantes.

Pour cette 14e édition, trois invités d'honneur se succéderont devant le public arrageois pour des leçons de cinéma ouvertes à tous : le réalisateur Philippe Lioret (qui avait ouvert le festival en 2011 avec Toutes mes envies), l'actrice Yolande Moreau (qui présentera son deuxième film en tant que réalisatrice, Henri, découvert à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes) et le cinéaste Patrice Leconte (qui accompagnera son nouveau long métrage, Une promesse).

Une sélection des films de chacun sera également proposée au public, ainsi qu'une carte blanche offerte à Yolande Moreau et composée de La strada de Federico Fellini, La fille aux allumettes d'Aki Kaurismaki et Raining stones de Ken Loach.

Les avants-premières constitueront également l'un des temps fort de la manifestation, avec des oeuvres attendues comme Cartel de Ridley Scott, The immigrant de James Gray, La Vénus à la fourrure de Roman Polanski, Mandela : long walk to freedom de Justin Chadwick ou encore le formidable Suzanne de Katell Quillévéré.

Le "jeune cinéma européen" ne sera pas en reste avec la présentation de quelques films qui ont déjà fait parler d'eux dans d'autres festivals, à l'image du Géant égoïste de Clio Barnard (acclamé à Dinard), de 2 automnes, 3 hivers de Sébastien Betbeder (remarqué à l'ACID) et de Joy d'Elias Yannakakis (présenté à Karlovy Vary), sans oublier la désormais incontournable compétition européenne qui met neuf films en lice pour l'Atlas d'or. Cette année, c'est Philippe Faucon qui présidera le jury chargé de distinguer les lauréats.

La section Visions de l'Est présente par ailleurs, et comme son nom l'indique, un autre panorama du cinéma est-européen (dont l'Ours d'or 2013, Child's pose - Mère et fils - de Calin Peter Netzer) tandis que la section Cinémas du monde invite quelques œuvres internationales remarquées principalement à Cannes et à Berlin comme Gloria de Sebastian Lelio, Tel père, tel fils de Kore-eda Hirokazu et A touch of sin de Jia Zhang-Ke.

Et ce n'est pas tout ! S'il reste un peu de temps dans le planning (surchargé) des festivaliers, ils pourront profiter des rétrospectives thématiques "Nord contre Sud" (avec notamment Autant en emporte le vent de Victor Flemming et Les cavaliers de John Ford) et "Drôles d'espions des sixties" (avec l'incontournable Monocle rit jaune de Georges Lautner, chef d’œuvre parodique à réhabiliter immédiatement) ; rajeunir avec le "festival des enfants" et même continuer de travailler avec les différentes journées professionnelles dont les Arras days (qui font la promotion des coproductions internationales) et les rencontres cinématographiques réservées aux exploitants.

Du 8 au 17 novembre prochains, tous les cinémas se donnent donc rendez-vous à Arras, carrefour désormais incontournable d'une cinéphilie à la fois populaire et de qualité, où se retrouvent durant dix jours les films les plus attendus des six mois à venir. Ecran Noir, partenaire du festival depuis 2008, ne pouvait bien entendu pas louper ça, et vous fera partager ici même et au jour le jour les temps forts de la manifestation  !

Retour sur Dinard 2013 : rencontre avec Jodie Whittaker, Charlie Cox et Anthony Wilcox pour Hello Carter

Posté par kristofy, le 9 octobre 2013

Le dernier Festival britannique de Dinard et son jury présidé par Eric Cantona ont décerné le Hitchcock d’or au film The Selfish Giant, attendu en salles le 18 décembre prochain. Parmi les autres films en compétition, il y avait notamment Hello Carter, un premier long-métrage réalisé par Anthony Wilcox avec Charlie Cox et Jodie Whittaker. Cette dernière était déjà présente à Dinard l’année dernière pour le film Good Vibrations, qui d’ailleurs avait eu le prix du scénario.

Jodie Whittaker est une actrice éclectique que l’on a remarquée dans différents types de projet, aussi bien au cinéma qu'à la télévision. La plupart des films dans lesquels elle apparaît restent pour le moment inédits en France, à l'image de Venus (avec Peter O'Toole et Vanessa Redgrave), Good (avec Viggo Mortensen) et Ashes (avec Ray Winstone et Jim Sturgess), et à l'exception d' Attack the block. Elle continue également de tourner dans des courts-métrages (encore deux l'année dernière), comme Two Minutes (à revoir ici).

C'est actuellement le BFI London Film Festival (jusqu'au 20 octobre). Ce festival compte différentes sélections et différents jurys dont les membres sont entre autres Lone Scherfig, Cillian Murphy, Miranda Richardson , Emilia Fox, Jim Broadbent (dont le film Week-end à Paris était en avant-première à Dinard) ou encore Saoirse Ronan (dans How I live now aussi découvert à Dinard). Un prix honorifique sera également remis à Sir Christopher Lee.

Parmi les films présentés, Hello Carter dont Ecran Noir a rencontré l’équipe venue à Dinard :

hello carterEcran Noir : Anthony, pourquoi avoir choisi Jodie Whittaker et Charlie Cox pour Hello Carter ?
Jodie Whittaker : On va faire semblant de ne pas écouter ;-)
Anthony Wilcox : Ce sont deux acteurs dont j’admire beaucoup le travail. J’ai connu Jodie bien avant Charlie. Il y a plusieurs années, j’ai réalisé un court-métrage avec Jodie qui s’appelait déjà Hello Carter, le même titre, qui a ensuite inspiré ce film dans lequel évidement elle devait être. Pour le rôle masculin, j’ai rencontré Charlie par le biais d’un directeur de casting, et la première fois qu’on s’est vu c’était par internet avec Skype car à ce moment-là il travaillait à New-York. C’était un peu étrange comme première rencontre par écran interposé. C’était d’ailleurs le moment idéal pour nous car Charlie après deux années à New-York (ndr : acteur dans la série Boardwalk Empire) voulait revenir à Londres pour de nouveaux projets et il était disponible.

Ecran Noir : Et vous deux, Jodie et Charlie, comment Anthony vous a convaincu de participer à ce film ?
Jodie Whittaker : On avait donc déjà fait ce court-métrage, alors c’était une décision facile de dire oui. J’avais beaucoup apprécié le tournage du court, signer pour le long métrage, je savais que ça allait être une bonne expérience.
Charlie Cox : J’ai reçu le scénario par mon agent, et j’ai trouvé que c’était une histoire charmante et légère et fraîche. Le script était assez original et unique et c’est le genre d’histoire qui ne peut être réalisée que par la personne qui l’a écrite : comme ça a été le cas avec Anthony, alors ça a été sans hésitation. J’étais ravi d’avoir cette proposition.

Ecran Noir : Le film est en équilibre hello carter entre ‘action’ et ‘romance’, est-ce que c’est quelque chose de voulu dès le début où préfériez-vous un aspect plutôt que l’autre ?
Anthony Wilcox : C’est en fait la chose la plus difficile, ne pas avoir trop d’action sans être trop dans la love-story. A la fois durant l’écriture et durant le tournage, je voulais cet équilibre. Dès l’écriture je voulais faire monter progressivement l’histoire d’amour au fur et à mesure des péripéties, comme ils se retrouvent plusieurs fois ensemble par la force des évènements, ils ne pouvaient que finir ensemble et se séduire. On se rend compte que chaque personnage a des raisons différentes qui les font rester ensemble au fur et à mesure de la nuit, et ces raisons changent peu à peu de manière subtile vers une attirance mutuelle.
Jodie Whittaker : On a souvent tendance à me voir comme une fille fragile ou maltraitée ou sur le point de se mettre à pleurer, et là c’était différent. C’était intéressant de passer outre tout ça et les dialogues jouent sur différents niveaux. C’était intéressant de jouer dans un film comme ça qui est un peu multi-genres.
Charlie Cox : Mon sentiment est qu’à travers toute l’histoire on voit l’évolution du personnage qui passe par différents stades. Il subit la vie qui passe sans la vivre et enfin il va pouvoir agir pour que sa vie soit plus belle. Au début c’est quelqu’un d'un peu passif et avec cette soirée très bizarre où il va se passer plein de choses mouvementées, il va devenir plutôt actif et prendre sa vie en main. D’une manière étrange ces moments où il est pris dans l’action vont lui révéler qu’il peut ouvrir son cœur à quelqu’un d’autre.

hello carterEcran Noir : Quand Hello Carter sortira-t-il en salles en Angleterre ? Et pour la France ?
Anthony Wilcox : Pour la sortie du film, à priori ça devrait être début 2014 en Grande Bretagne, mais je ne sais pas encore pour la France. En fait, le film est terminé depuis à peine deux mois ! Il est sélectionné ici à Dinard et il sera aussi montré au festival de Londres.
Jodie Whittaker : C’est excitant que le film soit découvert d’abord par des Français avant les Anglais, en particulier à Dinard. J’étais déjà venue ici et c’est un festival assez unique parce dans les salles les films sont vus en majorité par des fans de cinéma, et pas que des professionnels comme presse, distributeurs, vendeurs ou acheteurs de films comme dans d’autres festivals. Ici, les salles sont vraiment pleines et les spectateurs, c’est vraiment le public. Dinard c’est un peu comme un petit échauffement pour nous avant de présenter le film à Londres.