Dinard 2013 : Rencontre avec Shane Meadows

Posté par kristofy, le 6 octobre 2013

shane meadowsLe Festival Britannique de Dinard a fait découvrir il y a plus de 10 ans le réalisateur Shane Meadows, dont le film Dead Man Shoes a gagné le Hitchcock d’Or en 2004.

Depuis, il est revenu régulièrement presque chaque année accompagné de son producteur Mark Herbert.

Twentyfour Seven était en compétition en 1998, Once Upon A Time In The Midlands en première en 2002, This Is England et un hommage à son parcours (déjà) en 2007, Somers Town en clôture en 2008, Le Donk & Scor-Zay-Zee en première en 2009...

Cette année, Shane Meadows est venu présenter en avant-première son documentaire The Stones Roses : made of stone :

Ecran Noir : Que représente ce groupe The Stones Roses pour vous ?
Shane Meadows : Il y a eu un grand mouvement musical au début des années 90 qu’on appelle "la scène de Madchester", avec énormément de groupes originaires de Manchester qui étaient composés de jeunes issus de la classe ouvrière sans beaucoup d’éducation. C’étaient une époque où il y avait beaucoup de gens sans travail et sans espoir. Beaucoup de jeunes ont formés leurs groupes en jouant dans des garages puis dans des bars. Ils jouaient avec dévotion pour les gens du coin qui pouvaient se reconnaître en eux. Le groupe The Stone Roses était spécial, un peu plus que d’autres groupes, et quand leur disque est sorti on les a considérés comme le meilleur groupe du monde. A l’époque pour les adolescents comme moi, The Stones Roses ont insufflé une idée comme "même sans éducation, tu peux faire ce que tu veux dans la vie". J’ai été fan de ce groupe étant jeune, quand j’ai reçu ce coup de téléphone pour ce projet j’ai été super heureux, c’était d’ailleurs il y a deux ans justement au moment du festival de Dinard. C’est un documentaire sur la reformation des The Stones Roses et en même temps en quelque sorte ma lettre de fan au groupe.

made of stone EN : Après beaucoup de films très différents les uns des autres, cette fois The Stones Roses : made of stone est un documentaire, et vous avez dit que c’était à la fois votre premier documentaire et probablement le dernier…
ShM : La grande différence est qu'avec un documentaire vous ne contrôlez pas l’histoire qui est racontée. Dans mes films comme par exemple This is England ou Dead Man Shoes, c’est moi qui invente ma version de l’histoire, et quand je tourne des images un jour je sais d’avance quelles images je vais tourner le lendemain. Ici c’est le groupe The Stones Roses qui décide de ce qui se passe, il y a la reformation du groupe et les concerts et tout ce que ça implique autour, et moi je dois capturer ce qui se passe. Ce documentaire c’est filmer la vraie vie, c’est rendre compte ce que représente ce retour de The Stones Roses. C’est assez difficile de savoir sur le moment si ce qui est filmé est bon ou pas, si ça aura sa place dans le montage ou pas. Surtout qu'à un moment le groupe a connu des tensions (ndr : le batteur qui s’en va) et ne voulait plus être filmé ! J’ai réalisé ce film sans savoir ce qu'il allait être vraiment. J’ai accepté de faire ce documentaire surtout parce que The Stone Roses était mon groupe préféré. Une autre difficulté était l’accumulation des séquences filmées, j’avais plus de 300 heures d’images à choisir d’intégrer dans le montage ou à rejeter.

EN : Comment on prépare le dispositif de tournage pour un projet de cette ampleur ?
Shane Meadows : On a commencé avec 2 caméras, puis il y avait 4 caméras pour les répétitions du groupe, puis pour le premier concert 13 caméras, et puis les concerts suivants on avait 36 caméras ! Le tournage a commencé comme un projet personnel et c’est devenu quelque chose de très ambitieux.

EN : Quels films musicaux ont pu vous influencer ?
Shane Meadows : J’avais déjà vu plusieurs documentaires avant ce projet, comme Some Kind of Monster sur Metallica, Anvil qui est génial, Dig est aussi un film formidable. Mais justement je ne voulais pas reprendre une idée de quelqu’un d’autre, j’ai évité de regarder d’autres documentaires sur la musique.

made of stoneEN : A deux moments, il y a une citation à propos du fait qu’un film documentaire doit témoigner et ne pas donner un point de vue alors que vous-même apparaissez à l’image pour livrer différents commentaires sur les évènements. Comment être à la fois le plus neutre possible et en même temps être très impliqué ?
Shane Meadows : C’est quelque chose de très difficile car j’étais en même temps cinéaste et fan. C’était très difficile surtout au moment où le groupe est sur le point de se séparer et que tout risque de s’arrêter. L’existence du groupe était déjà fragile avant leur séparation et ça recommençait de nouveau, j’étais face à une situation où c’était peut-être la fin de tout. Je devais continuer à filmer quelque chose et j’étais triste de cette situation à la fois en tant que fan et que cinéaste. Mon intervention est une réaction honnête à ce qui se passe en étant moi-même au cœur de l’évènement. Je ne suis pas le genre de documentariste journaliste qui doit tout couvrir, j’ai mon point de vue et j’ai choisi à ce moment-là de ne pas filmer ce qui relève de la sphère plutôt privée du groupe. C’est la meilleure chose que j’ai faite, une semaine plus tard ils m’ont invité à revenir en me disant que la raison pour laquelle ils m’avaient choisi pour réaliser ce film étaient qu’ils savaient que je n’allais pas faire ce que n’importe qui d’autre aurait fait comme les coller constamment avec la caméra et chercher du sensationnel à tout prix.

EN : Est-ce que le groupe à voulu contrôler le montage du film ?
Shane Meadows : Ils n’ont jamais interféré avec le film, ce qu’ils auraient pu faire pour certaines scènes que l’on voit. J’ai eu carte blanche pour tout,  le tournage et le final cut pour le montage. Et ça a été quand-même un soulagement pour moi le moment où le groupe a vu le film et qu'ils l'ont vraiment aimé. Ils ont été sur la même longueur d’onde depuis le début du projet : c’était mon film à propos d'eux, The Stone Roses.

made of stoneEN : Pourquoi le premier concert est filmé en noir et blanc et les autres en couleur ?
Shane Meadows : J’aime le noir et blanc, et j’ai d’ailleurs déjà fait quelques films en noir et blanc, comme Sommers Town. Ici, pour ce tout premier concert après tant d’années personne ne savait vraiment ce qui allait se passer. L’idée de passer du monochrome à la couleur pour les concerts était cohérente avec le fait de les découvrir d’abord chez eux dans cette petite salle puis ensuite en tournée ailleurs en Europe comme par exemple Barcelone. Il y a aussi le fait que ce tout premier concert était une surprise (ndr : une annonce à la radio et  internet d’un billet de concert gratuit pour les fans qui viendraient avec un disque ou un tshirt), c’était le début d’une nouvelle histoire et en même temps un moment de légende.

EN : Il y a une scène lors du concert à Lyon où dans les coulisses on voit le groupe avec Eric Cantona qui est cette année le président du jury ici à Dinard…
Shane Meadows : J’ai vu Eric Cantona hier soir et justement je lui ai dit qu’il apparaissait dans mon film. Lui aussi, comme eux, c’est une légende de Manchester, le voir en compagnie de The Stone Roses était un moment magique.

EN : Est-ce que ce film The Stones Roses : made of stone arrivera en France ?
Shane Meadows : Il y a eu une sortie dans les cinémas en Angleterre et le film est maintenant en dvd depuis trois semaines, avec un dvd de bonus. Pour une sortie dans les autres pays, c’est en cours de discussion pour ce qui est d’une sortie cinéma ou plus probablement directement en dvd. Pour la France on parlait justement avec un distributeur hier mais je ne sais pas ce qu’il adviendra.

EN : Vous pouvez parler de votre prochain film ?
Shane Meadows : Il y a déjà les retrouvailles avec Thomas Turgoose et Vicky McClure et les autres pour This is England 90 (ndr : après le film This is England il y a eu la série This is England 86 (4 épisodes) et This is England 88 (3 épisodes) encore inédite en France, la série a gagné le prix Best Mini Series aux BAFTA Television Awards 2012). Il y a aussi un projet de film qui serait un genre de biopic à propos du cycliste anglais Thomas Simpson mort au Mont Ventoux durant Le Tour de France de 1967, le film serait tourné entièrement en France. Je vais devoir finalement apprendre à parler un peu votre langue le français…

Le prochain Festival Britannique de Dinard en 2014 va fêter ses 25 ans. Il se pourrait que Shane Meadows soit une nouvelle fois présent à Dinard avec pour l’occasion une projection de ses 25 courts métrages…

L’inconnu du lac interdit au Liban

Posté par vincy, le 6 octobre 2013

L'inconnu du lac d'alain guiraudie

L'inconnu du lac d'Alain Guiraudie n'a pas pu être diffusé au Festival international du Film de Beyrouth (2-10 octobre), au Liban. Le film devait y être projeté ce week-end mais le comité de la censure a décidé que le thriller homoérotique n'était pas compatible avec ses critères.

Dans un article du journal Le Monde, Colette Naufal, directrice du Festival, explique que le film était sans doute "osé. Trop osé pour le Liban". Elle s'en désole : "C'est ridicule de l'interdire". L'inconnu du lac, queer palm et prix Un certain regard au dernier festival de Cannes, évoque une série de crimes sur une plage fréquentée par des gays. Elle avait sélectionné le film dans la section Panorama, aux côtés de Gravity, Attenberg, Balncanieves, All is Lost, Fruitvale Station et Jimmy P.

Mais la loi est floue. Elle permet au comité de censure d'interdire un film, local ou étranger, considéré comme provocateur pour la paix civile et les bonnes moeurs : politique, religion et sexualité sont souvent les ingrédients qui peuvent empêcher un film d'être diffusé au Liban, où l'homosexualité reste un délit pénal malgré une tolérance plus libérale que dans de nombreux pays arabes. Le Monde rapporte les propos de l'artiste Akram Zaatari, dont deux films, Red Chewing-gum (2000) et How I Love You (2001), traitant de l'homosexualité : "Sur la sexualité, les censeurs ne veulent pas être attaqués par les autorités religieuses". Et il ajoute : "Si l'homosexualité était dépénalisée, ce serait peut-être un premier pas. Mais cela ne changerait pas le problème de fond. Une relation homme-femme est autorisée au Liban, la montrer à l'écran est tabou."

Toute scène sexuellement explicite est donc interdite. L'inconnu du lac pourra toujours se rattraper en format DVD, piraté, comme tous les autres films censurés.

En attendant un jour que le comité de censure soit lui même interdit.

Dinard 2013 : Le géant égoïste couronné de trois prix

Posté par kristofy, le 6 octobre 2013

le géant égoiste the selfish giantAu Festival du film Britannique de Dinard, les films en compétition étaient au nombre de 6. Le jury, présidé par Eric Cantona et composé de Fred Cavayé, Hippolyte Girardot, Michael Smiley, Alice Eve, Amanda Sthers, Toby Jones, Natalie Carter et David Parfitt, en a primé trois samedi soir lors de la cérémonie de clôture.

Pour le Hitchcock d’or et les autres prix, Eric Cantona avait en préambule indiqué que la décision de son jury serait forcément subjective et qu’un autre jury aurait pu faire un autre choix. Cependant, pour la récompense suprême, il se révèle que le choix est des plus objectif : le film The Selfish Giant - qui avait déjà remporté le prix Label Europa Cinémas à la Quinzaine des réalisateurs en mai dernier - était meilleur que les autres à plusieurs égards.

Dans l’histoire de Dinard, des films comme Tyrannosaur en 2011, White Lightnin’ en 2009, Boy A en 2008, Dead Man’s shoes en 2004 se sont logiquement imposés au palmarès.  The Selfish Giant est l’histoire de deux garçons d’à peine 15 ans qui vont à  la recherche de divers matériaux (des produits électroménagers, des câbles électriques…) pour les revendre à un ferrailleur. Tous les deux donnent régulièrement un peu de cet argent récolté à leurs parents (pour payer les factures d’électricité). Un garçon Swifty gagne un peu plus d’assurance au contact du cheval qui sert à tirer leur charrette tandis que l’autre Arbor devient de plus en plus insouciant des dangers... Le duo de ces enfants livrés à eux-mêmes joués par les jeunes Conner Chapman et Shaun Thomas ont su émouvoir spectateurs et membres du jury : le film repart avec trois prix.

Le palmarès de cette 24ème édition du Festival du film Britannique :

Hitchcock d’or : The Selfish Giant, réalisé par Clio Barnard, avec Conner Chapman et Shaun Thomas
Prix du scénario : Spike Island, réalisé par Matt Whitecross
Prix de l’Image : The Selfish Giant, réalisé par Clio Barnard
Mention spéciale : pour les trois interprètes de Everyones going to die : Nora Tschiner, Rob Knighton, Madelinne Dugan

Prix du Public : Titus, réalisé Charliez Ctrall

Prix coup de cœur-La règle du jeu (association d’une quarantaine d’exploitants de salles) : The Selfish Giant, réalisé par Clio Barnard

Prix du meilleur court-métrage : Trucs de gosse, réalisé et écrit par Emilie Noblet

A noter que de nombreux films sélectionnés à Dinard n’ont pas encore de distributeurs français (promouvoir ces films britanniques en France est une des missions que se fixe le festival). Cependant The Selfish Giant (Le géant égoïste) sortira en salles le 18 décembre, distribué par Pyramide.