L’instant Court : A Corps Perdu, avec Marie Payen

Posté par kristofy, le 5 octobre 2013, dans Courts métrages, Films, L'instant court, Personnalités, célébrités, stars.

Marie PayenComme à Ecran Noir on aime vous faire partager nos découvertes, voici l’instant Court n° 116.

Avec les feuilles qui tombent et le début de l'automne est arrivé le film Mon âme par toi guérie, grand retour du réalisateur François Dupeyron qui met en lumière la fine fleur des comédiens français comme Grégory Gadebois et Céline Sallette, sans oubier la lumineuse Marie Payen.

Elle était en sélection officielle au Festival de Cannes en 1999 avec le film Nos vies heureuses de Jacques Maillot, et l'année suivante à la Quinzaine des Réalisateurs avec le court-métrage A Corps Perdu réalisé par Isabelle Broué, qui elle-même avait été scripte de Jacques Maillot (et également de Gaël Morel et François Ozon) avant de réaliser plus tard la comédie romantique Tout le plaisir est pour moi.

Voici donc le court-métrage A Corps Perdu avec Marie Payen : l'histoire d'une jeune femme en quête d'elle-même...

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marie payenEcran Noir : Quel souvenir gardez-vous du Festival de Cannes 1999 où le film Nos Vies Heureuses était en compétition, mais sans avoir été récompensé ni à Cannes ni aux Césars?
Marie Payen : C’était très joyeux, c’était le premier long-métrage dans lequel j’avais un rôle principal et j’avais été hyper-heureuse sur le tournage. Je trouve que le réalisateur Jacques Maillot était génial et j’avais des partenaires sublimes comme Sami Bouajila. J’ai découvert un univers de cinéma que je connaissais très peu alors et la grâce du tournage a été totale : je trouvais très normal que le film soit en compétition à Cannes ;-) Notre vécu de Cannes était beau parce qu'il y a eu une projection magique avec une énorme standing ovation d’un quart d’heure, des gens pleuraient, c’était fabuleux.

Sur le moment je n’ai pas été triste que le film n’ai pas été primé, mais je l’ai été à contre-temps plus tard. En fait beaucoup de critique ont été négatives, je n’avais pas vraiment d’expérience de ce qui entoure une sortie de film et je croyais que ça allait marcher quand-même. Le film n’a pas vraiment marché dans la sens où il n’a pas eu le succès qu’il aurait mérité, mais pour les gens qui l’ont aimé, c’est un film culte. Je croise beaucoup de gens qui m’en parlent encore, les gens qui l’ont vu adorent ce film, il y a quand même quelque chose qui a été impactant et qui pour moi était suffisant à l’époque.

Maintenant, je me dis que c’est dommage parce que Nos Vies Heureuses est un film particulier, gracieux, avec une originalité et une force. Peut-être que Nos Vies Heureuses était trop ample, peut-être qu’il y avait un peu trop de choses à "manger" dans ce film et que les gens ont pu se sentir un peu gavés. Il y a 6 personnages principaux ! Les sujets étaient abordés avec beaucoup de générosité, beaucoup d’élan et beaucoup d’humanité. Le film n’a pas été assez reconnu mais ça nous échappe.

EN : A quel moment est arrivé marie payence projet du court-métrage A Corps Perdu de Isabelle Broué, et comment vous a-t-elle convaincu d’y participer ?
Marie Payen :
Le tournage de ce court A Corps Perdu, c’était justement après le tournage de Nos Vie Heureuses, environ deux mois après si mes souvenirs sont bons. Il me semble que le scénario que m’a présenté la réalisatrice de ce court n’était pas fini mais il me plaisait déjà. J’aimais bien cette exploration de la solitude, et de la dépression. Ensuite elle a continué d’écrire en discutant avec moi, mes idées étaient entendues, elle m’a impliqué dedans, du coup j’étais dans le projet.

Ce que je n’aime pas trop dans les films courts ou longs, c’est qu’on dise au spectateur quoi penser, comme ressentir de la pitié parce que il lui arrive ça, puis de voir comment elle s’en sort… Dans ce court-métrage, les évènements ne sont pas spécialement déterminants. Pour la fin, sa rencontre avec la tante de l’épicier, ça change certainement quelque chose pour elle, mais en creux, elles ne se comprennent pas mais elle l’écoute, c’est un appui qui va l’aider mais ce n’est pas explicite. Je préfère quand on n’est pas trop manipulé en tant que spectateur.

EN : - En ce moment tu es à l’affiche de Mon âme par toi guérie, le nouveau film de François Dupeyron qui a fait connaître les difficultés rencontrées pour le financer (refus de plusieurs producteurs et chaînes de télé, voir ici). Des retrouvailles avec lui qui t’avais déjà dirigée dans le film Inguélézi
Marie Payen :
Inguélézi était un film de cinéma avec une petite production, là je crois que François Dupeyron n’avait pas spécialement galéré, il voulait le faire avec très peu. On était quasiment 2 acteurs dans une maison et l’équipe, c’était il me semble 8 ou 9 personnes, c’était son choix délibéré. C’était après ses films La chambre des officiers et Monsieur Ibrahim et les Fleurs du Coran, je crois qu’il avait fait un peu le tour des films avec beaucoup de technique et d’installation, et qu’il envie d’essayer de se libérer de ce genre de carcan avec Inguélézi. François Dupeyron, c’est un homme assez spartiate dans la vie, chez lui il y a une table et une chaise, il aime être dehors et s’inspirer de la nature.

Je crois que si Inguélézi est arrivé comme ça il y a dix ans, c’était un désir, il a trouvé une liberté d’écriture de mise en scène. Ensuite il a beaucoup galéré. Il a sans doute voulu continuer un peu dans cette direction, mais des scénarios comme il en écrit extrêmement poétiques ou lyriques et libres et forts, c’est sur le papier très très peu compétitif aujourd’hui. Donc il s’est fait renvoyer ses scénarios à la gueule pendant des années, avec des annotations ‘c’est trop comme ci’, ‘c’est pas assez comme ça’ ou ‘il y a trop de personnages’ ou ‘on ne sait pas ce que ça raconte’. Je pense qu’il a trop écouté ce qu’on lui disait, il a cherché à faire bon élève et trop attendu. Je crois que ça a été dur pendant quelque chose comme 8 ans, le seul bénéfice c’est qu’à un moment il est devenu révolté et il a réalisé ce film Mon âme par toi guérie en révolte un peu contre tout ça.

Je trouve que c’est un acte artistique extrêmement fort, un acte de mise en scène extrêmement puissant, les acteurs sont extraordinaires, pour moi c’est un très grand film. Il trouvé que le petit budget pouvait suffire, que le nombre réduit de jours de tournage pouvait suffire, les acteurs ont accepté d’être moins payés, et il a décidé de faire ce film comme il le voulait. Il y a eu aussi la rencontre avec le producteur Paulo Branco qui a été importante. Peut-être qu’avoir fait ce film à partir d’une claque des financiers du cinéma a rendu son geste encore plus pur. Mon âme par toi guérie a de bonnes critiques et le film est plutôt bien distribué. C’est le retour de François Dupeyron, et quel retour ! C’est un immense metteur en scène.

marie payenEN : Cette contrainte de petit budget a quel effet sur ton travail d’actrice ?
Marie Payen :
C’est un calendrier plus court. Un second rôle que j’ai comme dans Mon âme par toi guérie avec un plus gros budget ça aurait été 15 jours de tournage, et là c’était 6. Une petite ou une grosse prod ne change fondamentalement pas grand-chose pour moi, j’ai la même exigence. Moi j’aime travailler, j’aime essayer et explorer, on pourrait dire ‘plus j’ai de temps mieux c’est’ mais ce n’est pas vrai. Il n’y a pas de règle, cela dépend des metteurs en scène, il y a des natures de gens, on peut se rencontrer très fort ou pas en 15 jours, très fort ou pas en 6 jours.

La différence que j’aime dans le fait de tourner en peu de temps c’est qu'on n’a pas le temps de se mettre dans une loge, on n’a pas beaucoup de temps pour se maquiller et se coiffer, on n’a pas le temps de se regarder, on n’a pas le temps de s’endormir. Du coup, souvent les choses se mettent à nous échapper un peu plus et elles sont plus gracieuses forcément. Mais ça c’est quand le metteur en scène a du talent, parce qu' un metteur en scène qui a peu de temps et peu de talent ne fera pas un bon film…

EN : Tu alternes beaucoup cinéma et théâtre, est-ce que l’un ne risque pas d’empêcher l’autre ?
Marie Payen :
A chaque acteur son propre choix pour ce qui est d’aller vers le cinéma, le théâtre ou un téléfilm. Ca évolue au cours de l’existence. Moi j’ai besoin avant tout de la rencontre, c’est la rencontre avec un texte ou un auteur ou un metteur en scène qui guide mes choix. Je fais peu de concessions par rapport à ça, j’ai une soif de liberté qui est totale.Je ne suis pas prête à sacrifier un projet théâtre auquel je crois pour un tournage plus rémunérateur. J’ai des buts à très court terme. Il se trouve que l’année dernière j’ai tourné dans deux beaux films et ça m’a redonné envie de tourner, mais ça faisait environ 3 ans que je ne tournais pas ou très peu sans chercher le cinéma.

Il y a eu la réalisatrice Solveig Anspach qui est venue me chercher pour son film Lulu femme nue qui sortira en janvier prochain : j’étais très heureuse de tourner avec elle parce que c’est une femme extraordinaire,et  aussi parce que c’est avec Karin Viard dont je joue la sœur, et le scénario était beau. Et il y a eu donc François Dupeyron qui m’a téléphoné pour son film. Mais avant ça je ne faisais que du théâtre, le théâtre pour moi ce n’est pas sacrifiable, je n’ai jamais passé trop temps sans l’émotion de la scène, c’est très important pour moi.

Et j’ai vécu d’autres choses personnelles, je suis aussi passé à l’écriture il y a un an, j’écris un spectacle que je vais jouer toute seule en janvier prochain qui s’appelle ‘Je brûle’, sur le thème de l’oubli, de l’ombre, de l’inconnu que chacun garde en soi. Ce projet m’est devenu totalement nécessaire. J’essaie simplement d’être à l’écoute de la chose qui pour moi compte et de mes désirs profonds, et pas de construire quelque chose qui serait comme une carrière. Je trouve très triste de chercher à contrôler les choses, le contrôle c’est un dérivé du pouvoir, je cherche la créativité et pas le pouvoir. Ne pas avoir de pouvoir, c’est ne pas être très médiatisée ni exposée, ça veut dire qu’il n'y a que l’acte artistique qui peut rayonner et attirer le regard, une lueur qui se partage. Mais c’est plus difficile parce que on ne sait jamais de quoi demain sera fait.

Moi si on me choisi pour un projet, ce n’est pas du tout pour mon nom, je ne suis pas du tout médiatique comme certains que l’on dit "bankable" avec un pouvoir d’attirer des spectateurs. C’est l’acte artistique que l’on fera ensemble qui donnera quelque chose ou pas. Au théâtre, j’ai la chance qu’on me propose des choses magnifiques. Je vais jouer Phèdre de Sénèque, c’est un rôle immense et inouï. Pour revenir à Nos Vies Heureuses, si il y avait eu un prix d’interprétation ou une palme d’or à Cannes j’aurais été très reconnaissante et très fière mais ça ne peut pas être un curseur ni un but : la reconnaissance ne peut pas guider ma vie.

EN : Et continuer de jouer dans des courts-métrages ?
Marie Payen :
Si j’ai quelque chose qui m’intéresse à y jouer alors oui carrément. J’ai reçu l’autre fois un scénario génial d’un court-métrage et j’ai dit ‘je veux le faire absolument’. Un réalisateur qui fait un court-métrage qui est beau pourra faire ensuite quelque chose de beau en long-métrage. C’est magnifique d’être partie prenante de la naissance d’un réalisateur.

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Mon âme par toi guérie : le film est sur les écrans depuis le 25 septembre
Phèdre : du 4 novembre au 1er décembre au Théâtre Antoine Vitez à Ivry Sur Seine, puis en tournée.
Lulu femme nue : sortie du film prévue le 22 janvier 2014
Nos Vies Heureuses et Inguelsi : disponibles en dvd

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