Room 237 : un hommage gonflé à The Shining

Posté par geoffroy, le 18 juin 2013, dans Critiques, Films.

room 237 the shiningL'histoire : En 1980, Stanley Kubrick signe Shining, qui deviendra un classique du cinéma d'horreur. A la fois admiré et vilipendé, le film est considéré comme une oeuvre marquante du genre par de nombreux experts, tandis que d'autres estiment qu'il est le résultat du travail bâclé d'un cinéaste de légende se fourvoyant totalement. Entre ces deux extrêmes, on trouve cependant les théories du complot de fans acharnés du film, convaincus d'avoir décrypté les messages secrets de Shining.
Room 237 mêle les faits et la fiction à travers les interviews des fans et des experts qui adhèrent à ce type de théories, et propose sa relecture du film grâce à un montage très personnel. Room 237 ne parle pas seulement de fans d'un film mythique – il évoque les intentions de départ du réalisateur, l'analyse et la critique du film.

Notre avis : Le principe inhérent à Room 237 est remarquable mais dangereux. Unique, même, dans le monde balisé du documentaire. Car il ne s’agit pas pour Rodney Ascher, réalisateur du film, de décortiquer les raisons qui font de Shining un film culte, référence du genre (épouvante), souvent copié, presque jamais égalé. Tout part d’une trituration excessive, mais amoureuse, pour le film et son univers, ses multiples interprétations et réinterprétations, entre réalité et fantasme. Le tout au détour d’angles d’analyse variés, souvent farfelus, un brin exagérés, parfois saisissants. La forme, osée, restructure l’œuvre de Kubrick dans une suite de superposition d’images issues du film, d’autres films du cinéaste américain ou encore de quelques films étrangers à l’univers du réalisateur.

Rodney Ascher, qu’il ait raison ou pas, enchaîne dans un flot continu parfois harassant, les hypothèses sur le/les sens à donner au film quitte à le désacraliser. Mais rien, jamais, n’est tranché. Tout juste suggéré sous la forme d’une analyse proche de l’hypotético-déduction. Chaque intervenant, au nombre de cinq – et que l’on ne verra jamais –, avance une hypothèse afin d’expliquer, non pas le film lui-même, mais la démarche intellectuelle de Kubrick qui n'aurait pas hésiter à truffer son film de références autour du génocide des Indiens, de la Shoah ou encore de la mission Apollo 11… Tout y passe, et plus encore, sans hiérarchisation précise faisant de Room 237 un documentaire patchwork aussi gonflé que ridicule, aussi visionnaire que surfait, aussi dérangeant que longuet.

S’il est vrai qu’il existera toujours des thèmes sous-jacents aux grandes œuvres cinématographiques, échappant ainsi au contrôle des cinéastes eux-mêmes, les avis de nos commentateurs, que l’on soit d’accord ou pas sur ce qu’ils développent, ne traitent que d’une seule chose : la puissance implicite de l’image dans ce qu’elle révèle en dehors de ce qu’elle tend à montrer initialement. Sauf qu'ici on y "plaque" ses fantasmes et autres lubies pour peu que cela tienne.

Les différentes approches abordées, parfois de façon hasardeuse comme ces problèmes de raccords se transformant en actes conscients ou messages subliminaux, sont égales dans leur démonstration. Ce qui discrédite la démarche visant à rendre un hommage au génie visuel qu’était Kubrick dans sa véritable complexité. Si rien n’est vraiment étayé à la manière d’un journaliste d’investigation recoupant ses sources, l’exemple par l’image s’affiche devant nous au cours d’un montage original, immersif mais aussi assez répétitif, véritable soutien aux propos tenus. La hardiesse du cinéaste est notable, jamais tape à l’œil, toujours concentré sur le leitmotiv de départ et qui consiste à laisser parler quelques « spécialistes » sur les intentions d’un cinéaste trop talentueux pour s’arrêter au livre de Stephen King.

Accéléré, ralenti, superposition… Tout est réuni pour nous faire découvrir les supposés desseins d’un film qui n’en a pas besoin puisqu’il aura su redéfinir, sous la forme d’un diamant brut, l’essence même du fantastique moderne. Là réside sans doute l’inutilité d’une démarche que l'on considèrera honnête, n’hésitant pas à s’aventurer au-delà du cadre purement informatif qu’impose, normalement, le format du documentaire.

Si, en fin de compte, Room 237 n’apporte pas grand-chose à Shining, il donne indiscutablement envie de le revoir. Et d’y découvrir, on ne sait jamais, un degré d’interprétation encore insoupçonné.

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