Das Kind de Yonathan Levy, l’étonnant parcours d’un film passé du domaine intime à l’universel

Posté par MpM, le 17 avril 2013, dans Films, exploitation, salles de cinéma.

das kindL'aventure du film Das Kind commence en 2007, lors que le jeune Yonathan Levy (23 ans) croise le chemin d'André Miko.

Ce dernier tient à raconter l'histoire de sa mère, Irma, née en 1914 à Czernowitz (alors dans l'Empire austro-hongrois), et qui a subi les remous de l'histoire, de Bucarest, où elle fut militante communiste clandestine, à Paris, où elle rallia la "résistance des étrangers" pendant l'Occupation.

La rencontre entre les deux hommes est déterminante : André pensait écrire un livre sur l'incroyable destin d'Irma, et se laisse finalement convaincre d'en faire un film.

Au départ, le projet semble être destiné au cadre familial. Mais Yonathan Levy est persuadé qu'une telle histoire peut avoir une portée plus large. Pendant plus de deux ans, il suit Irma et André sur les routes d'Europe, et filme leurs conversations.

"Ce qui m'a plu", explique le réalisateur, "c'est la démarche. Qu'André veuille capter le témoignage de sa mère. Cela apporte une vraie dimension intime au film. Je l'ai donc fait passer devant la caméra et j'ai choisi de rester en retrait pour qu'Irma se sente plus libre de parler."

Il a également accentué cette notion de transmission de la mémoire d'une génération à une autre en faisant intervenir a posteriori la petite fille d'Irma, Sarah, qui interprète la voix intérieure de sa grand mère dans des intermèdes inspirés du monologue théâtral. "Il y a une vocation didactique dans ces passages" déclare Yonathan Levy. "C'est comme une voix-off à laquelle on ajoute une dimension poétique et plus intime."

On découvre ainsi par bribes das kind l'existence romanesque et surtout extrêmement engagée d'Irma, qui a traversé avec élégance et passion l'histoire troublée de l'Europe du 20e siècle : effondrement de l'empire austro-hongrois, montée de l'antisémitisme, déplacement de population, émergence du communisme, deuxième guerre mondiale...

On est particulièrement frappé par l'engagement d'Irma dans un mouvement spécifique de la résistance française qui consistait à décourager les soldats allemands basés à Paris et à les retourner contre leur camp. Ses retrouvailles avec l'un de ces soldats, Hans, qui déserta en 1944 et rejoignit la division du colonel Fabien, sont d'ailleurs l'un des moments les plus émouvants du film.

Das Kind, entièrement réalisé et produit en dehors des circuits traditionnels, a tout d'abord eu du mal à se faire connaître en France. Achevé en 2010, il a pourtant fait le tour des festivals : Mostra de San Paulo, Crossing Europe à Linz (Autriche), festival du film documentaire à Istanbul, festival du film juif à Washington... Il a même remporté le prix du meilleur film au Festival du film européen indépendant de Paris (Ecu). Mais il est extrêmement compliqué pour un film 100% indépendant de bénéficier des circuits de diffusion traditionnels et c'est seulement cette année, en 2013, que Yonathan Levy a vu les portes commencer à s'ouvrir.

das kindLe Balzac, irremplaçable cinéma indépendant parisien, propose une projection de Das Kind chaque dimanche matin depuis le 24 février, et au moins jusqu'à la fin du mois de mai. Peu à peu, d'autres salles s'y intéressent. Par exemple, le cinéma l'Odyssée à Strasbourg programmera le film une fois par jour à partir du 24 avril. D'autres devraient suivre dès l'obtention du visa d’exploitation qui est en cours.

Car malgré sa genèse atypique, Das Kind a tout ce qu'il faut pour séduire le public. Il a déjà conquis celui du Balzac dont la salle ne désemplit pas. "Le film est porté par le public", confirme Yonathan Levy. La seule qui s'étonne de ces réactions émues et enthousiastes, c'est Irma Miko elle-même. "Elle a du mal à comprendre pourquoi les gens s'intéressent autant à son histoire", souligne le réalisateur. "Pour elle, ses choix ont toujours été évidents. Elle ne s'est jamais mise en avant, alors elle est étonnée d'être le centre de l'attention."

Une situation à laquelle elle devra pourtant s'habituer... Car avec l'émotion qu'il suscite, sans parler de son indéniable intérêt historique, le film n'a probablement pas fini de bénéficier d'un formidable bouche-à-oreille, et d'être montré dans tous les cinémas d'Art et d'essai de France, voire d'Europe. C'est en général ce qui arrive lorsqu'un film transcende suffisamment le cadre intime de son sujet pour lui offrir une résonance éminemment universelle.

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