24 coups de coeur d’Ecran Noir : les films que vous n’avez peut-être pas vu, à tort

Posté par redaction, le 31 décembre 2012

Plutôt qu'un Top 10 forcément frustrant et incomplet, Ecran Noir a préféré mettre en avant des films qui n'ont pas forcément trouvé leur public, ou qui ont vraiment touché le coeur des rédacteurs, pour des raisons aussi subjectives qu'irrationnelles. Une sorte de séance de rattrapage, de déclaration d'amour à des films qui n'ont pas toujours reçu l'accueil qu'ils méritaient. Un manifeste aussi tant les genres varient : du documentaire au film d'animation, d'Hollywood à l'expérimental.

Aussi ne vous inquiétez pas : il y a des films qui manquent. Des films que nous avons beaucoup aimés, qui nous ont scotchés, qui ont mérité leur succès public ou/et critique, qui ont reçu les prix les plus prestigieux. Ces films sont incontestablement dans le haut de notre liste. Mais ce n'était pas l'objectif de ce "bilan". Bien sûr qu'Amour, Argo, La chasse, César doit mourir, Les bêtes du sud sauvage, Holy Motors, Skyfall, Les enfants loups, J. Edgar, The Dark Knight Rises, Rebelle, Frankenweenie, Moonrise Kingdom, La part des anges, La Taupe ou Zarafa auraient figuré dans notre palmarès. On aurait aussi pu mentionner Barbara, Elena, Les Invisibles, La désintégration, Tabou et Touristes, tous très bons pour des raisons différentes. Tout comme Jeff who lives at home, hélas uniquement sorti en DVD.

Ou encore le grandiose (et on pèse nos mots) Final Cut, présenté à Cannes hors compétition. Le film de Gyorgy Palfi n'est hélas pas prêt de sortir en salles.

Alors on a préféré évoquer 24 souvenirs. 24 films/an comme il y a 24 images/seconde.

Par ordre alphabétique.

A perdre la raison de Joachim Lafosse

Portrait glaçant d'une femme asphyxiée, A perdre la raison révèle la part d'ombre qui existe au cœur de tout rapport humain. Le spectateur partage le sentiment d'oppression grandissant qui étreint l'héroïne et ne peut que regarder, impuissant, la folie qui la guette.

Bellflower d'Evan Glodell

Ce film est une pépite à découvrir, pas du tout un ovni bizarre, mais au contraire une belle proposition de cinéma indépendant. Une narration qui divague, et le récit fragmenté fascine même si on ne sait pas trop où ça nous emmène, on se laisse conduire avant d’être soufflé par son brio.

Cogan, la mort en douce d'Andrew Dominik

Ici, le thriller est cérébral, la mise en scène artistique. On peut tuer avec froideur ou douceur, cela reste saignant. Mais l'humour et le cynisme ne sont jamais loin. Polar malin dans une Amérique en décomposition, tout y est business, même le meurtre. Sauf le plaisir procuré par ce film noir.

Dans la maison de François Ozon

Ozon délivre un récit terriblement prenant d'un bout à l'autre et multiplie les pistes. Il parvient à nous intéresser avec ce thriller dans lequel Hitchcock n'est jamais très loin.

Elle s'appelle Ruby de Valerie Faris et Jonathan Dayton

Entre mythe et réalité, conte et dur vérité, Ruby est un petit bijou du cinéma d'auteur comme on devrait en faire. La plume de Zoe Kazan dresse avec douceur, originalité et humour la recherche de l'âme soeur, de cette moitié tant espérée et surtout de la relation amoureuse et des difficultés à apprécier l'autre. La larme au coin de l'oeil est prête à couler.

Ernest et Célestine de Benjamin Renner, Vincent Patar et Stéphane Aubier

Le meilleur film d'animation de l'année encourage chacun à aimer librement qui il veut, sans se soucier des normes et des préjugés. Et en plus c'est plein d'ironie et de morgue, appelant les plus jeunes à résister à l'autorité lorsqu'elle n'est pas justifiée. Un petit bijou, doublé d'un
pur régal.

Faust d'Alexandre Sokourov

Parce que la mise en scène éblouit par sa grandeur. Sokourov distord ses cadres et laisse exploser son talent dans ce long-métrage qui en met définitivement plein la vue, quand bien même on peut être laissé de côté par l'histoire.

Les femmes du bus 678 de Mohamed Diab

Trois femmes qui se battent contre le harcèlement sexuel dans un pays ou on considère que s'il n'y a pas viol, il n'y a pas crime. Une véritable claque, un réveil sur les situations que peuvent rencontrer les femmes dans certains pays. Plus que du cinéma c'est un appel au secours porté par des acteurs plus talentueux les uns que les autres. Un film trop ignoré par le public et qui gagne à être vu.

Into the Abyss de Werner Herzog

Pour la pertinence du regard d'un vieux maître, aussi roublard que sincère, sur la déchéance d'une société étatsunienne  incapable d'endiguer la misère coutumière et la violence gratuite. Le propos, métaphysique, fait froid dans le dos. La récente tuerie aux States, Connecticut, sonne comme un rappel. Ce documentaire est indispensable. Implacable.

Killer Joe de William Friedkin

Pour le retour du réal de L'exorciste. Morale en branle, personnages borderline, Amérique décadente, violente, crue, parcourue par le souffle de l'écoeurement. Nihiliste en diable, imparfait mais généreux. Et puis il y a l'incroyable performance de Matthew McConaughey. Qui l'eut cru?
Démoniaque.

Main dans la main de Valérie Donzelli

Un film émouvant et gracieux à la mise en scène presque théâtrale. Valérie Lemercier et Jérémie Elkaim forme un duo magique et nous transportent dans cet univers synchrone de leur coup de foudre. De très belles musiques, et un joli clin d’œil à Pina Bausch sur la musique The Man I Love chantée par Sophie Tucker.

Monsieur Lazhar de Philippe Falardeau

Entre tension dramatique intérieure et allure légère assumée, le film touche autant le coeur que la tête. Admirablement interprété par Fellag, ce conte dramatique est réalisé sans scènes inutiles et avec une véritable fluidité. Ce récit entre allégorie et réalité, épuré, est avant tout une déclaration d'amour à la (sur)vie.

Oslo, 31 août de Joachim Trier

Rarement le spleen (implacable) et le mal-être auront aussi bien été filmés au cinéma. L'errance du personnage principal dans la capitale norvégienne est d'une sobriété radicale et d'une mélancolie communicative. Joachim Trier filme l'inexorable sens de la vie avec une lucidité de tous les instants. Il capte avec finesse la réalité d'un monde vain dans lequel son héros est incapable de trouver sa place. Aucun artifice ne vient flétrir cette pépite du nord dont les 20 premières minutes sont juste éblouissantes de justesse. Bouleversant.

Quelques heures de printemps de Stéphane Brizé

Film doublement intéressant quand on le compare avec Amour de Michael Haneke dont l'approche est totalement différente. Quelques heures de printemps est doux, plus France moyenne que bourgeoisie déchue, plus sensible et finalement, il touche au même endroit du coeur, sans effets et avec une facilité déconcertante. Il émeut avec une tendresse rare.

Rengaine de Rachid Djaïdini

Grâce à des personnages dépeints avec justesse, des dialogues précis et percutants, un rythme bien maîtrisé, Djaïdani insuffle une bouffée d'oxygène au cinéma français. Le sentiment de liberté qui s'en dégage fait respirer un grand coup. Il brise les silences et transgresse les tabous, avec pudeur et imagination. Sous tension, jusqu'au bout.

Saya Zamouraï d'Hitochi Matsumoto

Loin d'être parfait, certes. Les premières minutes bizarres et les dernières minutes mièvres se font oublier après l’heureuse surprise de l’ensemble. Ce qui est loufoque devient burlesque, ce qui est absurde devient formidable. C’est une curiosité japonaise avec une dimension universelle, le film est rythmé et inventif au point de devenir génial presque malgré lui, une réussite.

Sinister de Scott Derrickson

Une histoire sans fin qui arrive à s’affranchir des clichés du genre. Il réussi ainsi à surprendre le public dans sa manière de faire peur et de créer de l’angoisse. Une histoire qui montre le Super 8 et ses fantômes.

Le Sommeil d'or de Davy Chou

Le sommeil d’or est une véritable réussite dans le genre documentaire. Il devait exister. Il fallait le réaliser. Il évoque un fantôme, le cinéma cambodgien. Dans un pays où la télévision a envahit tous les espaces, où le 7e art a disparu sous les cadavres d'un génocide sans nom, quelques rares survivants témoignent d'un âge d'or révolu, enseveli. La magie du cinéma ressuscite quelques images.

Take Shelter de Jeff Nichols

Ce thriller paranoïaque a créé le climat le plus anxiogène de 2012, amenant le spectateur à douter  de tout, et surtout de ses sens. On avait pas tremblé au cinéma depuis au moins trois ans et le climax colossal approche de la perfection en plus de nous mettre une grosse claque. Jeff Nichols explore si brillamment la zone d'ombre entre folie et cauchemar que l'on ne sait plus ce qui serait le pire : que le personne ait raison, ou qu'il soit fou. Michael Shannon confirme son talent pour les rôles extrêmes et habités. Un film dense et fort sur la peur de l'homme face à un avenir incertain.

Two Days in New York de Julie Delpy

Delpy flirte avec les comédies loufoques et narcissiques de Woody Allen. Elle insuffle un ton qui lui est propre. Un mix entre la comédie américaine, puisqu’elle vit sur ce continent, et sa culture française. Cette confrontation entre les deux mondes créé une série de gags et de répliques qui rendent l’ensemble léger. Voire hilarant.

Tyrannosaur de Paddy Considine

Ce drame sera une référence pour comprendre comment raconter la vie de personnages. La mise en scène est subtile, le décor est authentique, l’histoire est un drame éprouvant.  Mais la manière de dévoiler la part d’ombre des personnages, de nouer des relations complexes entre eux, cette complexité psychologique et cette complicité entre les deux acteurs, dévoués à un réalisateur inspiré, font qu'il se dégage une puissance émotionnelle folle.

Une bouteille à la mer de Thierry Binisti

La Palestine aujourd'hui et Israël aussi. Le scénario est joliment écrit, les scènes sont courtes et vives. Ce portrait d’un pays fracturé se dessine par petites touches et le film n’évacue pas ses souffrances : torture, guerre, attentat… Il reste lumineux, notamment grâce à l'irrésistible duo de jeunes acteurs Agathe Bonitzer et Mahmoud Shalaby .

Week-end d'Andrew Haigh

La rencontre amoureuse au coeur du film reste l'une des plus belles de l'année. Avec simplicité et fluidité, Andrew Haigh propose une alternative intelligente et fine à la comédie romantique traditionnelle. La manière opposée qu'à chaque personnage de vivre et revendiquer son homosexualité dresse un portrait tout en nuances de ce qu'est être homosexuel dans l'Angleterre d'aujourd'hui.

Woody Allen : a documentary de Robert B. Weide

Robert Weide nous invite à revisiter la carrière de Woody Allen tout en entrant dans son intimité par le biais de témoignages et d'interviews inédites. Le spectateur néophyte est forcément par l'immense intelligence qui se dégage de l'œuvre d'Allen. Le spectateur avisé reprochera peut-être une certaine superficialité. Mais le documentaire permet de découvrir le cinéaste sous un autre angle, à travers ses multiples facettes. Et nous le faire aimer encore davantage.