Tabou : un film poétique, un livre théorique, une polémique politique

Posté par vincy, le 5 décembre 2012

Tabou est d'abord un film. Il sort en salles aujourd'hui. Tout comme le livre, publié par Independencia éditons, Au pied du Mont Tabou, série d'entretiens entre le cinéaste, le chef opérateur, l'ingénieur du son, le producteur et Cyril Neyrat. Trois jours à Lisbonne pour revenir en théorie sur une oeuvre véritablement originale, entre fantasme et désenchantement. Un poème en noir et blanc qui hante durablement. Réalisé par le portugais Miguel Gomes, le film a reçu deux prix à Berlin (Fipresci et prix Alfred Bauer), deux à Las Palmas (prix du public et de la mise en scène) et deux autres à Paris Cinéma (dont le coup de coeur du jury). Il est assurément l'un des événements de l'année dans le cinéma d'art et d'essai.

Tabou est pourtant l'arbre qui cache un désert. Dans une tribune éditée dans le quotidien Publico en janvier dernier, le cinéaste et son producteur, Luis Urbano, ont rappelé l'apocalypse qui menaçait le cinéma portugais. Le texte traduit est diffusé sur le site du distributeur français, Shellac. "Depuis 2006 et le film En avant jeunesse de Pedro Costa, présenté en compétition officielle au festival de Cannes, aucun film portugais n'avait figuré en section compétitive long métrage d'un des trois festivals les plus importants du monde." Rappelant que le film a été financé par l'Etat portugais dans le contexte d'une loi du cinéma qui comprend le financement des films nationaux et d'une cinémathèque, en tant que bien public et patrimoine du pays, "la nouvelle de la présence de Tabou à Berlin nous arrive au moment-même où le nouveau Secrétaire d'Etat à la Culture (SEC) annonce une coupe de 100% pour le cinéma. Cela signifie qu'en 2012, il n'y aura aucun programme d'aide de l'ICA à la production cinématographique, à la distribution et à l'exploitation. Trajectoire interrompue pour le cinéma portugais. L'austérité ne suffit pas à expliquer une coupe de 100%."

Le texte oppose logiquement la vision d'un cinéma libre et artistiquement ambitieux, sélectionné dans les grands festivals, propageant la culture lusophone (et citons ainsi Manoel de Oliveira, Fernando Lopes, Paulo Rocha, João César Monteiro, Pedro Costa, Teresa Villaverde, João Pedro Rodrigues...) à une vision politique d'un cinéma commercial, rentable, industriel, dont les commanditaires seraient les financiers et les exploitants.

Depuis, au printemps, le président de l'ICA (l'équivalent du CNC) José Pedro Ribeiro et sa directrice adjointe ont démissionné, faute de disposer des moyens nécessaires pour réaliser leur mission. La nouvelle Loi du cinéma tardait alors à être votée et l'Institut n'a plus de trésorerie. La loi a finalement été adoptée le 6 juillet. La principale modification introduite par cette loi concerne le modèle de financement du secteur. Elle vise à accroître les sources de financement, y compris par la participation directe des radiodiffuseurs télévisuels. Plus précisément, la loi a été écrite pour renflouer les caisses de l'ICA : l'Institut sera financé non seulement par la publicité à la télévision comme auparavant, mais également par de nouvelles taxes provenant d'autres opérateurs de contenus audiovisuels. Des mesures plutôt bien perçues par les professionnels du cinéma. Mais ces opérateurs rejettent cette taxe, ce qui devrait décaler à 2014 les premiers financements.

Actuellement la Culture est en crise dans un pays subissant de plein fouet l'austérité. La TVA sur les billets de cinéma a plus que doublé en passant de 6 à 13%. Une mesure violemment critiquée au moment où les portugais n'ont plus les moyens d'aller au cinéma.

Depuis le début de l'année, les subventions de l'ICA se sont brusquement arrêtées. L'institut n'a pas les fonds nécessaires pour financer les copies et l'année à venir est incertaine. De nombreux producteurs attendent les aides promises depuis deux ans et plusieurs projets sont suspendus.

Projections et idées cadeaux au premier petit salon de l’édition DVD engagée – du monde

Posté par MpM, le 5 décembre 2012

Cela n'aura échappé à personne : les fêtes de fin d'année approchent, et avec elles leur cortège de tentations/injonctions consuméristes pour aligner les cadeaux sous le sapin. Dans cette course en avant matérialiste, une initiative sort du lot pour sacrifier intelligemment aux traditions : le premier petit salon de l'édition DVD engagée du monde.

Les 8 et 9 décembre prochains, le cinéma La Clef accueillera en effet 10 éditeurs indépendants qui partagent un goût commun pour les œuvres fortes, engagées et de qualité, qu'ils font connaître de leur mieux au grand public.

Les 10 participants (Blaq out, Canal Marches, C-P productions, Doc Net Films, Doriane Films, ICTV-Solférino, K Films, Momento, Les Mutins de Pangée, Voir&Agir) ont ainsi choisi parmi leur catalogue un titre qui sera diffusé sur grand écran au cours du weekend puis suivi d'un débat avec un invité.

On pourra par exemple (re)découvrir Le soldat Dieu de Koji Wakamatsu en présence de Shoko Takahashi, amie, interprète, accompagnatrice et représentante du cinéaste décédé en octobre dernier, Cathy come home de Ken Loach présenté par le spécialiste du cinéma britannique Philippe Pilard ou encore Hollande, DSK, Etc. de Julien Brygo, Pierre Carles, Nina Faure et Aurore Van Opstal, en présence de Nina Faure.

De quoi passer un excellent moment cinéphile tout en dégottant le cadeau de Noël idéal ! En effet, les films projetés (et bien d'autres) seront ensuite disponibles sur les stands des différents éditeurs présents. Au rendez-vous : documentaires engagés (Grand puits et petites victoires d'Olivier Azam, L'affaire Clearstream de Denis Robert et Pascal Lorent, La sociologie est un sport de combat de Pierre Carles...), œuvres confidentielles d'auteurs méconnus (Claudio Pazienza, Otar Iosseliani, Eyal Sivan...), cinématographies peu diffusées (cinéma africain, Etats généraux du film documentaire...)...

En bref, un cinéma différent et indispensable qu'il est primordial de défendre et d'accompagner, mais aussi de partager. Heureusement, rien de plus facile avec ce "petit salon" qui, on en est sûr, est appelé à devenir très grand.

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Petit salon de l'édition DVD engagée - du monde
Samedi 8 décembre de 11h45 à 20h et dimanche 9 décembre de 10h45 à 19h30
Cinéma La Clef (34 rue Daubenton 75005 Paris)
Entrée libre
Programme et horaires des projections sur le site du cinéma