Intouchables : un film « raciste », « réactionnaire », « sarkozyste » élu événement culturel de l’année

Posté par redaction, le 24 décembre 2011, dans Actualité, société, Critiques, Films, Médias.

Avec bientôt 15 millions de spectateurs, Intouchables est devenu cette semaine le 3e plus gros succès français depuis 1945, le 5e toutes nationalités confondues, battant Avatar, au passage. Un phénomène qui, logiquement, a été choisi comme l'événement culturel le plus marquant de l'année 2011 (sondage BVA/FNAC/Le Parisien/Europe 1 auprès de 1003 personnes). 52% des Français interrogés l'ont plébiscité.

Il est donc loin devant The Artist, Harry Potter, les Césars pour Des Hommes et des Dieux et Polisse. Le cinéma squatte une bonne moitié des dix premières réponses, laissant un peu de place à la musique, aux expos et reléguant les livres en queue de peloton.

Évidemment, tout phénomène amène une série d'analyses plus ou moins sérieuses, cherchant les causees de cette irrationalité qui dépasse les esprits les plus cartésiens. D'un point de vue cinématographie, on peut y voir une bonne comédie, bien écrite, bien interprétée, mise en scène avec efficacité, sans être médiocre. Intouchables est plus proche de Trois hommes et un couffin que des Visiteurs ou Bienvenue chez les Ch'tis.

Acte 1 : Marcela Iacub accuse le film d'être sarkozyste

Libération a publié deux textes voulant absolument rendre le film abject. Le raisonnement peut tenir, l'équation ne convainc pas. Ainsi Marcela Iacub (lire le texte intégral), qui a décidément un problème dès qu'elle analyse la culture après avoir attaqué prétentieusement l'exposition de Lilian Thuram au Musée du Quai Branly, qualifie le film de "propagande voilée des politiques sociales de Nicolas Sarkozy." Rien que ça. "Le succès de ce film montre à quel point la société française lui reste fidèle sur le fond et pourrait annoncer, mieux que d’autres enquêtes d’opinion, celui de l’actuel président dans les urnes de 2012. Car on sait que si jamais le chef de l’Etat était amené à faire un second mandat, son but sera de rendre chaque œuf volé au lieu d’ouvrir de grands débats afin de savoir qui devrait être considéré comme leur véritable propriétaire." Elle reproche en effet que Philippe/François Cluzet veuille récupérer l'oeuf de Fabergé que lui a volé Driss/Omar Sy. Le vol est certainement pardonnable,le personnage de Cluzet aurait pu en effet transmettre cette valeur à celui de Sy, comme une sorte de redistribution des richesses. Mais aux dernières nouvelles, l'handicapé ne porte pas plainte contre le noir, et ne fait que récupérer un objet qui lui rappelle sa défunte épouse. L'attachement sentimental n'a donc aucune valeur?

Acte 2 : Intouchables, un conte à la Cendrillon réactionnaire

Dans un autre texte (lire le texte intégral), le quotidien dit de gauche, le professeur de philosophie en classes préparatoires (c'est un métier honorable, mais à quand la tribune d'une maîtresse en cours préparatoire?) Jean-Jacques Delfour trouve Intouchables "parfaitement réactionnaire". Pour lui il s'agit de l'histoire de deux saints, "le saint crucifié par sa tétraplégie et l’autre saint qui le sert, crucifié par son milieu de naissance et sa peau, forment un couple sacré, intouchable. Leur rencontre et leur amour sont une rédemption qui les lave de tous leurs péchés : l’arrogance et la hauteur sociale pour l’un, la délinquance et la déchéance pour l’autre. Un film religieux, sans autre Dieu que la richesse qui a permis cette rencontre."

Pour lui, ce film doit son succès public, entre autres, au conte revisité de Cendrillon. "Ce conte misogyne enseigne comment changer sa vie lorsqu’on est une pauvre fillette exploitée. La beauté de cette souillon ne peut suffire : il lui faut une jolie robe, de jolies chaussures, une belle bagnole avec de beaux canassons. Mais cela ne suffit toujours pas, il lui faut de la chance : un prince riche et puissant qui daigne la trouver ravissante et ne point s’émouvoir de sa basse extraction. Le message du conte est simple : l’instruction, la culture, le désir d’émancipation, la révolte sont inutiles ; la beauté cosmétique et le hasard ont seuls quelque puissance."

Nous aurions tendance à le conforter dans son analyse, en ajoutant une donnée : si ce film est bien tel qu'il le décrit, alors il s'agit d'une comédie réaliste. Elle reflète en tous points l'Etat de notre société, la valeur de l'humain dans une civilisation consumériste et matérialiste. On peut s'en désoler, mais c'est ainsi. On taxe la culture à 7% et non pas comme un bien de première nécessité, et ça ne choque personne. On préfère le cinéma aux livres, le people à la critique, la propagande à la réflexion. Intouchables est bien un film symptomatique de notre époque, avec, en bonus, un morale basée sur la confiance en l'autre et la transgressions des barrières sociales. Mieux, Intouchables est un film sur deux minorités qui s'unissent pour retrouver une liberté, une "normalité". Il brise le tabou des handicapés, isolés, et des immigrés de deuxième génération, parqués en banlieue, sans espoir d'ascenseur social, rejetés.

Iacub a tort en expliquant qu'il n'y a pas de redistribution des richesses : le personnage d'Omar Sy trouve un job grâce à un riche un peu illuminé. Delfour n'a pas plus raison. Le personnage d'Omar Sy se met à peindre - c'est bien de la culture, non? - et grâce à son patron, se fait un beau pactole, après avoir vendu une de ses toiles à un avocat méprisable et payant certainement l'ISF.

Acte 3 : Variety n'y voit que des stéréotypes raciaux et sociaux

Avant d'en arriver à notre conclusion, on doit aussi relever la critique du magazine professionnel américain Variety. Son auteur, Jay Weyssberg, estime que Driss  (Omar Sy) est "traité comme un singe de compagnie qui apprend au blanc coincé à s'amuser, en remplaçant Vivaldi par Boogie Wonderland, et en lui montrant comment on bouge sur la piste de danse".  Le journaliste trouve qu'il est "pénible de voir Omar Sy, un acteur joyeusement charismatique, dans un rôle qui se détache à peine de l'époque de l'esclavage, dans lequel il divertit le maître blanc, en endossant tous les stéréotypes raciaux, et de classe."

Intouchables raciste. En plus d'être sarkozyste et réactionnaire. N'en jetez plus.

Intouchables est adapté d'une autobiographie, une histoire vraie. En écoutant les témoignages des deux véritables protagonistes de cette histoire, on se dit que leur vie est incompréhensible pour ceux qui la jugent. Pas l'impression de voir Driss/Abdel Sellou/Omar Sy maltraité et malheureux, même encore aujourd'hui. La fin est d'autant plus ouverte que le personnage d'Omar Sy a la vie devant lui, de l'argent, et s'est sorti de la spirale infernale des Cités sans emploi.

Au delà de tout ce pataquès philosophico-intellectuel, le film est davantage une histoire d'amitié, certes un peu misogyne, qu'un manifeste politique.

Finalement ce n est pas Intouchables qui est raciste reactionnaire et sarkozyste mais bien la France. Le film insuffle en plus un peu d'espoir, de générosité et d'altruisme, pour nous faire croire que ce n'est pas une fatalite.

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commentaires4 commentaires
  1. Posté par Nicole Pounia-Denépoux, le 24 décembre 2011 à 15:05

    Il est quand même malheureux de devoir tout expliquer, trouver une logique, critiquer , casser…Je suis comédienne et metteur en scène d’origine métisse. Je viens d’un milieu modeste et j’ai réussi ma vie professionnelle en travaillant dur. Ce film est un cadeau pour nous tous. Il représente un énorme moment d’évasion, de détente , de joie alors qu’il s’agit d’un tétraplégique pour qui « la vie devrait s’arrêter ». Or la vie ne s’arrête pas. Elle va prendre un cours innatendu pour le personnage et pour nous tous. Le texte est remarquablement bien écrit. Le rythme est soutenu. On ne s’ennuie pas une seule seconde. Les personnages secondaires, deuxième et troisèmes couteaux y sont justes. N’ayons pas peur de voir les banlieues telles qu’elles sont, avec une baignoire à sabot pour 6 alors que dans les maisons bourgeoises chacun a souvent son intimité. J’ai envie de dire merci aux vraies personnes à qui est arrivé cette histoire et qui a permis de nous la communiquer à travers ce film. C’est une belle leçon de vie pour nous tous car tout peut arriver et le pire n’est jamais insumontable. La preuve! Que ce film soit un conte de fée, je dis: merveilleux car tous les célèbres conteurs tels que Grimm, Andersen… ont puisé certes leurs histoires dans leur imaginaire mais surtout dans un inconscient collectif, le nôtre à tous, pauvres, riches, beaux, laids, brillants ou besogneux…et surtout dans la vraie vie. A ceux qui ont le verbe haut et la critique acerbe, j’ai envie de leur dire: FAITES! Passez à l’action à votre tour. Bravo à Omar Sy et à François Cluzet pour cette grande générosité d’acteur. Merci de m’avoir fait rire pendant tout le film , merci pour ce grand moment de grâce. C’est rare. Nicole Pounia Denépoux

  2. Posté par mikael, le 25 décembre 2011 à 14:00

    mais en voila un article de merde

    intouchable est sarkozyste

    les francais ramenent tout a sarko

    c’est comme une obsession

    (ils font de la peine les francais)

  3. Posté par Christophe, le 26 décembre 2011 à 12:35

    Et si, finalement, ce n’était ni la France ni le film qui étaient raciste, sarkozyste et réactionnaire ?
    Et si finalement, la France était multiple, complexe, indéterminée bien au delà de ce que peut embrasser la chronique du blogueur moyen plus soucieux de buzz que d’honnêteté intellectuelle ?

  4. Posté par Hervé Desreumaux, le 26 décembre 2011 à 12:58

    Pourquoi faut-il toujours critiquer, rabaisser les films qui font un triomphe en France ?
    Ca ressemble à de la jalousie, du snobisme (surtout ne jamais aimer, au grand jamais, un film que le « peuple » adore) mais aussi à de la méchanceté pure et simple.
    Ces polémiques me dégoûtent d’autant plus sur ce film humaniste, qui plus est, nous permet de regarder les handicapés d’une façon plus simple et je crois, plus saine.
    Libération est-il vraiment un journal de gauche ? Au vu de cet article, on ne croirait pas tellement c’est réactionnaire.
    J’espère que les Césars 2012 feront mentir tous ces pisse-froid et qu’ils consacreront ce film ainsi qu’Omar qui le mérite amplement.

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