Le voyage dans la lune, de Georges Méliès : le premier blockbuster de l’histoire du cinéma

Posté par Benjamin, le 14 décembre 2011, dans Critiques, Films, L'instant vintage, Personnalités, célébrités, stars.

Pour moi, tout commence en décembre 2010 lorsque je rencontre Serge Bromberg pour la première fois dans les locaux de Lobster Film à Paris. Je viens lui poser de nombreuses questions sur la restauration des tout premiers films de Chaplin qui viennent de sortir en DVD. Nous discutons un peu. Il me montre une partie de sa collection, quelques bobines de Buster Keaton que j’admire. Et en guise de cadeau, le restaurateur accepte de me montrer sur quel projet fou il travaille d’arrache-pied depuis quelques temps. Il ouvre une boîte et je découvre avec horreur des milliers de petits bouts de pellicule ! C’est Le voyage dans la lune de Georges Méliès, dans une version colorisée inédite (voir notre critique), et Serge Bromberg me dit : « vous verrez, dans quelques mois, ce projet fera du bruit. On en entendra parler partout ! ». Chose promise, chose due. Le film est aujourd’hui restauré au prix d’incroyables efforts et il ressort en salles, accompagné d’un superbe documentaire.

C’est l’histoire d’un voyage dans le temps et aux quatre coins du globe. Un voyage qui débute en 1902, qui passe par Cannes, Londres, Tokyo, New-York et qui fait même un arrêt sur la lune ! C’est une histoire incroyable. Un pari de dingues, de passionnés qui n’avaient qu’une idée en tête : ressusciter le film le plus célèbre de Georges Méliès, l’inventeur du cinéma de divertissement.

Le premier blockbuster de l’histoire du cinéma

La qualification est forcément racoleuse, et pourtant nous ne sommes pas si éloignés de la réalité. Au début du siècle dernier, le cinéma en est à ses balbutiements et c’est la production cinématographique française qui règne en maître dans le monde. Ce sont nos films qui s’exportent aux États-Unis et non l’inverse. Et LE réalisateur de films divertissants de l’époque n’est autre que Georges Méliès, magicien de profession, qui tombe amoureux du cinéma et des possibilités infinies qu’il peut offrir. Dans ses studios de Montreuil, Méliès réalise en 16 ans plus de 500 films et Le voyage dans la lune, tourné en 1902, est un de ses projets les plus ambitieux. L’artiste/artisan aime plonger le spectateur dans des univers féériques et fantastiques. Il nous embarque dans des explorations sous-marines à la rencontre de monstres impitoyables ou bien nous envoie haut dans le ciel parmi les étoiles. Cependant, Méliès, veut aller toujours plus loin ! Il aimerait surprendre toujours plus et livrer LA superproduction de l’époque.

Il décide donc d’aller sur la lune ! Le budget est colossal (10 000 francs), la longueur du film (15 minutes) totalement inédite pour l’époque, et Méliès engage un nombre important de figurants. Bref, les moyens mis en place sont ceux qu’Hollywood peut mobiliser pour un blockbuster d’aujourd’hui.

L’histoire est simple : des scientifiques décident d’être propulsés sur la lune à bord d’une sorte d’obus géant. Là-bas, ils découvrent une nature luxuriante, quoique mystérieuse et quelque peu hostile, ainsi que les « locaux », les Sélénites, qui tentent de les capturer. Heureusement, les aventuriers parviennent à regagner la terre ferme où ils sont accueillis en héros.

Dès sa sortie, le film est un énorme succès. Les forains se l’arrachent et le film est même très fortement "piraté" aux États-Unis. Des copies frauduleuses circulent sur tout le territoire, obligeant Méliès à ouvrir une succursale à New-York pour faire valoir ses droits.

Cependant, et c’est ce qui nous intéresse ici, Méliès veut que le spectacle soit total et pour cela, il veut de la couleur, ce qui coûte cher ! Certaines copies seront vendues en noir et blanc (la majorité), tandis que d’autres seront en couleur (des versions « de luxe »). Et en couleurs signifie, dans le cas du Voyage dans la lune, la dextérité de 400 jeunes filles armées d’un pinceau et peignant chaque case de pellicule une par une, chaque personne ayant en charge une couleur précise. Cela signifie une patience absolue et de longues journées de labeur.

Malgré l’époque et un art encore hésitant, Georges Méliès s’affranchit des limites du réel. Il va sur la lune et met de la couleur sur la pellicule, puisqu’il ne peut la filmer en direct. Et c’est d’ailleurs cela qui donne au Voyage dans la lune son aspect si original et atemporel. La couleur n’est pas une couleur « naturelle », elle est flagrante, voyante, et renforce l’aspect fantastique et féérique du film.

Pour le 150ème anniversaire de sa naissance, Georges Méliès peut se dire que, bien qu’il ait fini dans la pauvreté et dépouillé de ses studios, son cinéma, lui, est toujours présent, et sa féérie parfaitement intacte.

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Le voyage dans la lune est programmé dans les salles françaises à partir du 14 décembre en accompagnement du documentaire Le voyage extraordinaire, de Serge Bromberg, qui explique sa restauration.

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