Arras 2011 : rencontre autour de L’ordre et la morale de Mathieu Kassovitz

Posté par MpM, le 8 novembre 2011, dans Arras, Festivals, Films, Personnalités, célébrités, stars.

L'ordre et la morale

Parmi les nombreuses avant-premières proposées par le Arras Film festival 2011, le nouveau film de Mathieu Kassovitz, L'ordre et la morale, figurait parmi les plus attendus. Il retrace en une fresque tendue et captivante la prise d'otages qui eut lieu sur l'île d'Ouvéa (Nouvelle Calédonie) en 1988, et qui s'était soldée par le massacre des indépendantistes kanaks impliqués.

l'ordre et la moralePour présenter le film, le producteur Christophe Rossignon (à droite sur notre photo ci-dessus) et trois des acteurs kanaks du film avaient fait le déplacement : Mathias Waneux (3e en partant de la gauche), élu d'Ouvéa qui a pris part aux événements de 88, Dave Djoupa (2e en partant de la gauche) qui est le propre fils de Wenceslas Laveola, l'un des participants à la prise d'otages, et Iabe Lapacas (à gauche),  un jeune étudiant qui incarne à l'écran le chef des rebelles, Alphone Dianou.

L'occasion de revenir sur l'aventure assez exceptionnelle du film. "La genèse du projet est simple", explique Christophe Rossignon. "Il y a une dizaine d'années, à travers un intermédiaire qui s'appelle Olivier Rousset, Mathieu Kassovitz rencontrait Mathias Waneux, un grand leader indépendantiste en Nouvelle Calédonie.

Mathias a soutenu le projet depuis le début. Il a toujours pensé que ce film serait important pour le devoir de mémoire et pour la réconciliation. Puisque cette prise d'otages fait partie de l'histoire du pays, le film pouvait contribuer au chemin que la Nouvelle Calédonie prend par rapport à son autodétermination en 2014. Ca a pris du temps, parce que la parole devait accompagner ce projet. Entendre, expliquer, échanger. Et au final le film s'est fait."

En tout, vingt-cinq versions du scénario auront été nécessaires avant de pouvoir passer au tournage. La communauté kanak s'est fortement investie dans le projet, discutant et corrigeant les différentes moutures proposée par le quatuor de scénaristes Mathieu Kassovitz, Benoît Jaubert, Pierre Geller et Serge Frydman, et inspirées par le livre du capitaine du GIGN de l'époque, Philippe Legorjus. Mais sans pour autant dicter leur vision des choses.

"Cette histoire colle à la réalité qui n'est pas uniquement la réalité de nos amis kanaks, mais qui n'est pas non plus la réalité de Philippe Legorjus", souligne Christophe Rossignon. "C'est une réalité beaucoup plus large que Mathieu a essayé d'embrasser. Il s'agit d'un film qui raconte une histoire vraie. Ce n'est pas encore une ligne dominante du cinéma français, ça l'est depuis longtemps aux Etats-Unis, mais ça vient chez nous. Ce sont des films assez compliqués à mettre au point. Mais ça reste avant tout des films de cinéma. L'ordre et la morale n'est pas un documentaire."

Visiblement très émus, les trois acteurs sont revenus sur la prise d'otages de 1988 et ses suites politiques, ainsi que sur l'importance que revêt pour euxL'ordre et la morale le film. "Je l'ai dit cet après-midi à Nord-Ouest [la société de production de Christophe Rossignon et Philippe Boëffard] : si on m'avait dit à l'époque que je serais à Nord-Ouest cet après-midi, je ne l'aurais jamais cru.

Mais il a fallu toutes ces années de travail. Moi qui connaissais les tenants et les aboutissants du projet, je savais que j'allais combattre jusqu'au bout. Quels que soient les aléas, on y est arrivé. Avec le film, au lieu de toucher les grosses têtes du pays, on va toucher le peuple français. On va lui dire : "il y a un peuple là-bas qui souffre depuis tant d'années". Aujourd'hui on en a tellement marre de ceux qui nous gouvernent, qu'on est fatigué d'eux. Je pense que ce film-là peut aussi apporter une idée pour dire au peuple qui peut nous soutenir : soutenez-nous. "

La vie de Dave Djoupa a été totalement bouleversée par l'issue fatale de la prise d'otages, et il lui a fallu un certain courage pour incarner son père (décédé lors de l'assaut donné par l'armée française contre les preneurs d'otages) à l'écran. "Nous, depuis qu'on est en classe de 6e, 5e, jusqu'au lycée, on nous appelle des enfants d'assassins", se souvient-il. "Le film montre la réalité de pourquoi on s'est battu. Il nous redonne notre fierté."

l'ordre et la moraleUn sentiment partagé par le plus jeune de l'équipe, Iabe Lapacas. "Le film, c'est notre enfant", déclare-t-il. "La gestation a duré longtemps. Plus de dix ans. L'accouchement aussi ne s'est pas fait sans difficulté. Mais on a la chance d'avoir un beau bébé. On l'aime tous.

Ce film est important car c'est notre histoire à tous. Elle nous habite, nous qui sommes kanaks, et nos compatriotes aussi, qu'ils soient kanaks ou pas, qu'ils soient indépendantistes ou pas, vous aussi nos compatriotes français, mais aussi tous les peuples en lutte dans le monde, car je pense qu'ils se reconnaîtront dans la lutte du peuple kanak. Et cette histoire est universelle aussi pour les militaires qui verront le film ainsi que pour les politiques. "

L'ordre et la morale, qui sort le 16 novembre, réussit en effet le pari d'être à la fois une œuvre cinématographique aboutie et une reconstitution captivante de la manière dont une simple occupation pacifique a dégénéré en bain de sang. Mais surtout, il rend hommage à des hommes (aussi bien les kanaks que le capitaine Legorjus) dont les idéaux ont été broyés par la raison d'état. Plus de vingt ans plus tard, l'émotion est toujours aussi forte chez ceux qui ont subi ces événements, ou leurs conséquences. Il est temps qu'ils partagent symboliquement leur fardeau avec le plus grand nombre.

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