L’instant Court : Test, réalisé par Didier Rouget, avec Vincent Elbaz et Romane Bohringer

Posté par kristofy, le 30 septembre 2011, dans Courts métrages, Films, L'instant court, Personnalités, célébrités, stars.

TestComme à Ecran Noir on aime vous faire partager nos découvertes, alors après la bande-annonce de 1976 pour La guerre des étoiles réalisé par George Lucas, voici l’instant Court n° 47.

Depuis quelques jours, Un heureux évènement vous attend dans les salles : le nouveau film de Remi Bezançon (à qui l'on doit le succès de Le premier jour de ta vie). Avant la naissance du bébé de Pio Marmaï et de Louise Bourgoin, son premier film Ma vie en l’air racontait déjà la naissance d’un couple avec Marion Cotillard et Vincent Elbaz.

Comment réagir à ce chamboulement que représente l’annonce de la possibilité d’avoir un enfant ?
Dans son court-métrage Test,  Didier Rouget répond à la question en mettant en scène un couple formé par Vincent Elbaz et Romane Bohringer, qui va aller d’une surprise inattendue vers une espérance folle à la fois souhaitée et redoutée…

A cette occasion, le réalisateur Didier Rouget nous commente l’expérience de ce tournage :

Ecran Noir : Comment des acteurs aussi connus que Vincent Elbaz et Romane Bohringer ont été convaincus de participer à ce court-métrage ?
Didier Rouget : Test est mon quatrième court-métrage. J’avais tourné les trois premiers (Vive le 1er mai, Vive le 14 juillet, Vive le Cinéma) avec Emmanuel Salinger, Mathieu Demy et Julie Gayet que j’avais tous rencontrés sur les plateaux lorsque j’étais premier assistant. Pour Test, je voulais travailler avec des acteurs de renom que je ne connaissais pas. J’ai envoyé le scénario chez Artmédia, l’agent de Vincent Elbaz, comme on jette une bouteille à la mer. Et, miracle, Vincent rappelle deux jours plus tard, la bouteille à la main ! Il avait lu le scénario, vu mes premiers films, et il était convaincu. Nous avons réfléchi tous les deux à sa partenaire « idéale » pour le film. Vincent connaissait Romane Bohringer, mais ils n’avaient jamais tourné ensemble et ils le souhaitaient tous les deux. C’était donc l’occasion rêvée de les réunir. Pas besoin de leur expliquer les conditions économiques du court métrage, ils acceptent de travailler à titre gracieux. Nous sommes ici même au-delà de la générosité, car Romane répète une pièce de théâtre dans la journée et tourne donc avec nous la nuit, ne dormant que deux heures sur le plateau avant de repartir au théâtre le matin.

EN : On remarque dans Test que le scénario équilibre subtilement humour et drame avec un passage presque fantastique (avec le cauchemar), pourquoi ce mélange des genres ?
DR : S’il fallait l’inscrire dans un genre, Test serait dans le registre de la comédie dramatique. Dès l’écriture, il y avait le désir de poser le problème du test de grossesse comme Hitchcock pose secrètement une bombe sous la table, convoque ses personnages autour de la table et attend que ça explose. Ce procédé narratif propose de l’ironie dramatique, car le spectateur connaît l’enjeu de la scène avant le protagoniste. Le personnage interprété par Vincent ne sait donc pas ce qui l’attend, alors que le spectateur, lui, le sait déjà. C’est cette ironie qui donne le ton général au film. Je me suis amusé ensuite à décliner des situations extrêmement quotidiennes et réalistes, mais qui seront toutes lues à travers le filtre de la présence du test de grossesse. Il y a donc tout à la fois : une pression dramatique et un ton de comédie. Le cauchemar est traité de la même façon réaliste, et non pas fantastique. J’avais songé à un moment un traitement « fantastique » avec des litres de sang qui se répandent partout. Mais justement, cette imagerie ne me semblait pas appartenir au genre du film. Ici, chaque image qui compose le cauchemar est issue du film. Il n’y a rien de plus qu’une orange coupée, un sac poubelle qui craque, un chat qui se débat… Ce sont des images qui appartiennent au point de vue du personnage car il les a vues, comme le spectateur. Inconsciemment, il les a imprimées. Le montage de cette séquence se rapprocherait donc davantage du travail du rêve : associer une image à une autre image et les ordonner de telle façon que la succession des plans révèle le sens qui s’y cache. Le ton de cette séquence reste donc cohérent avec l’ensemble du film : réaliste, dramatique et décalé.

EN : Quel plan a été le plus difficile ou le plus amusant à tourner ?
DR : Il n’existe pas de « petits » plans, c’est-à-dire de plans moins importants que d’autres. Si on tourne un plan, c’est que l’on pense qu’il est essentiel au film. S’il est essentiel, il est à la fois amusant et difficile à tourner. Pour Test, je pourrais mettre au même niveau le plan du bouchon de champagne, le gros plan de la poubelle qui vomit les ordures, ou le plan-séquence final. Par exemple, le plan du bouchon de champagne avait fait l’objet d’une préparation particulière. On avait fait des essais chez moi avec des bouteilles de champagne à différentes températures, le bouchon entaillé d’une façon bien particulière, et on avait calculé qu’après avoir frappé le cul de la bouteille, le bouchon sautait après sept secondes. Sur le tournage, l’économie nous a obligé à tourner avec une autre marque de champagne, et rien n’a fonctionné comme prévu, évidemment. Ça c’est terminé avec un assistant qui tapait sous la table pour secouer cette foutue bouteille. Romane et Vincent s’impatientaient, ne savaient plus quand il fallait commencer à jouer. Et tout à coup. Pan ! C’est là, tout le talent de ces acteurs-là. Immédiatement, ils sont là, ils embrayent, ils jouent ! Une seule prise. Merci à tous les deux.

- EN : Certains courts-métrages sont perçus comme une carte de visite pour plus tard passer à un long-métrage, est-ce que c’était le cas pour Test ?
- DR : Le court métrage propose une grande liberté et pas seulement formelle. Ne s’inscrivant pas dans l’industrie cinématographique, il n’est pas un « produit » commercial. C’est donc un film comme un autre, mais qui a la grande chance de pouvoir se terminer lorsque son histoire se termine. Alors que les longs-métrages sont soumis aux critères de durée imposés par la distribution. C’est cette liberté qui est avant tout moteur de l’envie : faire ce film-là, sans concession sur le fond, la forme ou la durée. D’ailleurs, je n’ai pas pu m’empêcher de réaliser deux autres courts métrages depuis Test : Paris Banlieue encore avec Vincent Elbaz aux côtés de Mathieu Demy, et Intérieur Femme avec Caterina Murino et Gisèle Casadesus. Je ne sais pas si ces films sont une carte de visite, même s’ils parcourent les festivals et ramassent quelques prix. L’envie de faire un long-métrage ne m’est pas étrangère non plus. Quoi de mieux que de faire ce qu’on aime et en plus de gagner sa vie avec ? Mais je passerai au long-métrage uniquement lorsque l’histoire me dictera la durée requise par l’industrie. Cette histoire est en cours d’écriture et elle me plaît beaucoup.

EN : Le CNC va organiser une nouvelle opération pour promouvoir le format court, Le Jour le plus Court le 21 décembre, que pensez vous des différents espaces de diffusion des courts-métrages ?
DR : Internet est devenu l’espace privilégié de la diffusion du court-métrage. C’est d’ailleurs comme ça que vous avez découvert Test. Mais il est vrai que sa destination première est le grand écran. Et ça, à part les festivals, c’est terminé. Voir aujourd’hui un court métrage en salle ne relève plus de la simple curiosité. Il faut être volontaire et déterminé pour dénicher ces petits créneaux. De nouvelles manifestations comme « Le Jour le plus Court » ou « La Fête du Court Métrage »  sont donc réjouissantes. À condition que le CNC nous propose une grande variété de genres – ce qui n’est pas le forcément le cas en financement où les commissions de lecture ont tendance à formater les films. Mais je ne doute pas que les parrains Michel Gondry et Jacques Perrin de ce Jour le plus Court 2011 puissent insuffler cette diversité à la grande institution. Donc, réjouissons-nous !

Crédit photo : image modifiée, d’après un extrait du film Test.

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