Cannes 2011 : les cinéastes iraniens absents bien présents

Posté par vincy, le 21 mai 2011

Deux films iraniens arrivés à Cannes en dernière minute (clandestinement par valise pour l'un, par clef USB pour l'autre) ont été présentés en sélection officiel. Deux films de deux metteurs en scène condamnés, empêchés de sortir de leur pays. Mohammad Rasoulof, sélectionné dans Un Certain Regard avec Au Revoir et Jafar Panahi, co-réalisateur de Ceci n'est pas un film, hors-compétition, sont pourtant absents de la Croisette.

Dans Ceci n'est pas un film, Jafar Panahi ne blâme pas ses collègues iraniens qui ne peuvent pas le soutenir, dépendant du régime pour faire leurs films. Historien du cinéma perse, Mamad Haghighat explique qu'il y a trois catégories de cinéastes en Iran : "ceux qui sont proches du régime, qui en sont les enfants chéris et bénéficient d'énormes moyens, une catégorie qui fait des films sociaux qui ne gênent personne et les cinéastes plutôt intellectuels qui sont dans la critique".

Pas étonnant que certains filment sans autorisation ou dans des appartements, des lieux fermés, à l'abri des regards. Une caméra incite vite à la suspicion. Jafar Panahi a ainsi été filmé chez lui, assigné à résidence, menacé d'une peine de prison de six ans et de 20 ans d'interdiction de tourner. Lorsqu'il sort de son immeuble, caméra à la main, face à la grille le séparant de l'extérieur, le jeune homme qu'il suit lui ordonne de rentrer pour ne pas avoir de problème.

Mohammad Rasoulof est aussi condamné par la justice iranienne, sous le coup d'une peine de six ans de prison et actuellement assigné à résidence. Lorsque son film a été présenté à la première projection d'Un certain regard, son épouse, au bord des larmes, expliquait qu'il n'avait pas pu venir : "je suis très angoissée actuellement. Il y a une heure, Mohammad m'a appelé car les services de renseignements l'ont appelé pour lui signifier son verdict". Il a dédié son film à "tous les prisonniers en Iran dont on ne connaît pas le nom." Les nouvelles le concernant sont meilleures depuis quelques jours - les autorités iraniennes ont annoncé mardi qu'il était désormais autorisé à quitter l'Iran - mais il n'a finalement pas pu venir à Cannes.

Le tournage n'a pas été interdit par les autorités, mais les dialogues tournés en intérieur n'étaient pas ceux du projet déposé initialement, confie James Velaise, le distributeur du film (Pretty Pictures).

Cannes 2011 – le chiffre du jour : 130 000 spectateurs

Posté par vincy, le 21 mai 2011

130 000 entrées pour la Palme d'or de 2010, Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures. Un seul film a fait pire, Les meilleures intentions, en 1992, avec un peu plus de 90 000 spectateurs. Oncle Boonmee s'approche donc davantage du Goût de la cerise, avec ses 160 000 curieux en 1997.

Mais osons le dire : sans la Palme d'or, le film de Apitchapong Weerasethakul n'aurait sans doute pas briller ainsi. C'est un record pour ce cinéaste si confidentiel aux oeuvres souvent hermétiques. Sans doute son film le plus accessible, Oncle Boonmee a réussit un exploit en plein automne. Et ce film a déjà rapporté dans le monde plus de 1 million de $ de recettes. Aux Etats-Unis, avec 155 000 $ de recettes (il est toujours à l'affiche), il fait même mieux que L'Eternité et un jour, Sous le soleil de Satan et Papa est en voyage d'affaires. Il pourrait même battre Underground au final.

Si c'est en France qu'il a connu la plus grosse audience, il aussi touché les italiens, les espagnols et les britanniques. Dans son propre pays, où il était interdit aux moins de 15 ans, Oncle Boonmee a récolté 32 000 $, le classant au 164e rang de l'année. Mais reconnaissons qu'il est rare de voir un film thaïlandais cartonner en Occident, hormis Ong Bak. Et les films d'auteurs asiatiques font rarement de tels scores.

La prochaine Palme aura pour défi de remplir un peu les salles. Cela fait 7 ans qu'une Palme d'or n'a pas été un succès au box office américain (Fahrenheit 9/11). En France, Entre les murs en 2008 est le seul millionnaire depuis 2005.