Cinéma du Québec à Paris : la formule doit changer selon l’organisateur

Posté par vincy, le 22 novembre 2010

La 14e édition de Cinéma du Québec à Paris (22-28 novembre, Forum des Images à Paris) est ambitieuse, avec une multiplication des rendez-vous : marché du film, rencontres de coproduction francophone, dont un panel dédié à l'adaptation littéraire, rencontres autour de films, la Leçon de musique... Pourtant, l'organisateur de la manifestation, la SODEC (Société de développement des entreprises culturelles), institution québécoise, songe à changer la formule.

Le succès de l'événement - une centaine de professionnels québécois se déplacent dans la Ville Lumière cette semaine, environ 5 000 spectateurs attendus - permet aujourd'hui de le considérer comme installé. Mais il semble aussi nécessaire pour la SODEC  d'en réévaluer les objectifs et les missions.

Aucune menace. "Il s'agit de repenser la façon de faire, mais pas la semaine en tant que telle. Elle est là pour rester, mais peut-être pas de la même manière" explique François Macerola, récent patron de l'organisme. Avec le lancement de l'application iPhone cette année, il réfléchit à de nouvelles interactions avec Internet. Ce qu'Ecran Noir leur avait proposé il y a 8 ans. Il est toujours temps..

"Au lieu de n'avoir que des projections publiques, est-ce qu'on peut imaginer une nuit du cinéma québécois sur le Web", demande-t-il.

Car le cinéma québécois peine toujours à toucher un large public français. Hormis quelques films étalés sur une décennie (les comédies de moeurs de Denys Arcand, C.R.A.Z.Y., La grande séduction), seul le jeune Xavier Dolan, par ailleurs parrain de la manifestation cette année, a réussit à se faire un nom auprès des cinéphiles. Les amours imaginaires, son dernier film, a attiré 130 000 spectateurs dans les salles en deux mois.

Cinéma du Québec à Paris va présenter 14 fictions et 4 documentaires, dont Incendies, en clôture, de Denis Villeneuve, adapté de la pièce du libano-franco-canadien Wajdi Mouawad.

Mais derrière l'écran et la volonté de combler un public acquis (canadiens expatriés, cinéphiles, amateurs de culture québécoise), la SODEC ne cache pas qu'il s'agit d'ouvrir les films à un plus large public et de trouver des financements internationaux pour alimenter une industrie qui peine à se produire elle-même, subissant la faiblesse de son marché intérieur et des restrictions budgétaires fédérales (même si le Québec continue d'investir 35 millions de $ Canadiens dans ses productions). Sans parler des sociétés de distributions locales qui ont baissé les bras pour vendre leurs films sur les territoires étrangers, faute de rentabilité. Pourtant le potentiel est là, d'autant plus avec l'explosion de la V.O.D..

Cinéma du Québec à Paris coûte aussi cher que la présence du cinéma québécois à Cannes

Or François Macerola confie ce matin au Devoir, quotidien montréalais que la stratégie est confuse actuellement. "Nous sommes en train de revoir notre participation dans les festivals et les marchés; nous sommes trop éparpillés à l'international."  "Nous allons continuer d'aller à Karlovy Vary pour le rayonnement. À Toronto, on ira pour vendre" précise-t-il.  Concernant le rendez-vous parisien, il avoue : "on veut trop en faire. Nous avons voulu, je crois, justifier notre présence, et la meilleure façon de le faire a été de multiplier les avenues. Je pense que nous devrions revenir à une approche plus puriste et minimaliste en définissant clairement nos objectifs".

Comme toujours, la vision libérale l'emporte : cela coûte 400 000 $ Canadiens aux contribuables québécois. C'est semblablement la même somme dépensée par l'institution au Festival de Cannes, avec une visibilité autrement plus importante. De quoi en effet s'interroger sur la structure et l'impact des dépenses. Une manière d'optimiser celles-ci serait de tisser des liens plus étroits et plus cohérents avec Téléfilm Canada, dont la mission est de promouvoir le cinéma canadien à l'international. Macerola ayant été DG de Téléfilm Canada durant six ans, cette piste s'avère la plus logique.

Mais le cinéma québécois ne résoudra pas tous ses problèmes sans améliorer ses performances locales. La part de marché n'excèdera pas 12% des entrées cette année dans la Belle Province. Certes, une vingtaine de films ont trouvé leur public. Certes, une dizaine de productions ont été primées dans des festivals internationaux. Mais cela ne suffit pas. D'ici au printemps, Macerola espère faire des propositions, après avoir consulté l'ensemble des acteurs de la profession, à Montréal comme à Paris (les coproductions sont indispensables pour la plupart des projets). Surtout que le modèle n'est pas si mauvais. Le cinéma canadien anglophone se porte bien plus mal, avec à peine de 2% du marché national.

La force du cinéma québécois tient en ses créateurs qui offrent des films variés : du polar à la comédie en passant par le cinéma d'auteur. Cinq films cette année ont dépassé le cap du million de $ canadiens de recettes : Piché : entre ciel et terre, Incendies, Filière 13, Les sept jours du talion et Le journal d'Aurélie Laflamme. Mais la plupart des projets vedettes en cours coûte plus de 6 millions de $ canadiens : une équation impossible à résoudre sans le développement à l'international.

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site internet de la manifestation

No mercy en DVD : nouvelle variation sur le thème de la vengeance

Posté par MpM, le 22 novembre 2010

Présenté dans le cadre de la carte blanche à Alejandro Jodorowsky lors de l'Etrange festival 2010, No mercy de Kim Hyoung-jun s'était vu qualifié par Jodorowsky lui-même de "tragédie adulte, démentiellement raffinée, avec un final digne de tous [ses] respects." Il est vrai que ce thriller coréen crépusculaire, sorti en DVD le 17 novembre dernier, s'inscrit dans la lignée d'un certain cinéma coréen actuel jouant avec les nerfs et l'imaginaire de son spectateur, à l'image de The chaser de  Na Hong-jin ou Memories of a murder de Bong Joon-ho.

Le créneau de No mercy est plus spécifiquement celui du film de vengeance, et il lorgne d'ailleurs assez ouvertement du côté de Park Chan-wook et plus précisément de Old boy, inoubliable grand prix cannois et en passe d'être refait sauce hollywoodienne. Trop ouvertement, probablement, car il laisse de ce fait rapidement entrevoir son jeu, à savoir la mise en place d'un piège infernal dépassant largement la simple enquête policière. On s'attend notamment trop au twist final pour ne pas être un peu déçu lorsqu'il finit par arriver.

Le scénario ménage malgré tout divers rebondissements qui génèrent une tension grandissante. Le mise en scène, elle, parait plus en retrait, très loin de l'élégance choc de Old boy. Pour compenser cette absence d'inventivité et la torpeur de l'ensemble, Kim Hyoung-jun se contente de plaquer une musique trépidante sur les séquences d'action. On peut en concevoir une certaine frustration, et même l'impression que l'intrigue n'avance pas, mais ce rythme inégal permet de renforcer l'isolement du personnage principal. Ce dernier ne cesse de parcourir la ville à la recherche de son salut. Or, plus il essaye d'agir, plus il s'englue dans une situation qui le dépasse. Comme un insecte pris dans une toile d'araignée, et que chaque geste rapproche de sa fin.

Décidément, la vengeance et ses raffinements complexes (voire pervers) sont une inépuisable source d'inspiration pour les réalisateurs de polar, et plus encore semble-t-il pour toute une veine du cinéma asiatique obsédée par la notion de faute originelle qui finit toujours par vous rattraper. Dans le plus pur esprit de la tragédie, les êtres humains deviennent de lamentables jouets entre les mains du destin. Le professeur Kang passe ainsi d'un dilemme à un autre, où il s'agit toujours de choisir entre son éthique professionnelle et son bonheur personnel. Non seulement le choix est impossible, mais en plus il est toujours mauvais. Lorsque le héros s'en rend compte, il est bien évidemment trop tard. Et le dénouement final laisse le spectateur frémissant :  qu'aurait-on fait à sa place ?

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No mercy de Kim Hyoung-jun
Avec : Sul Kyung-gu, Ryoo Seung-bum, Han Hye-jin...
En DVD depuis le 17 novembre (CTV international)