Laisse-moi entrer : la nouvelle génération vampire

Posté par kristofy, le 4 octobre 2010

Laisse-moi entrerL’histoire : Abby, une mystérieuse fille de 12 ans, vient d’emménager dans l’appartement à côté de celui où vit Owen. Lui est marginal, il vit seul avec sa mère et est constamment martyrisé par les garçons de sa classe. Dans son isolement, il s’attache à sa nouvelle voisine qu’il trouve si différente des autres personnes qu’il connaît. Alors que l’arrivée d’Abby dans le quartier coïncide avec une série de meurtres inexplicables et de disparitions mystérieuses, Owen comprend que l’innocente jeune fille est un vampire.

Notre avis : Il fut un temps que les moins de vingt ans ne connaissent pas, un temps où le vampire était une légende gothique respectable. Depuis, les suites de Twilight ont été mortelles : le vampire est devenu un adolescent palot qui fait frissonner les midinettes. Pourtant, chaque génération a été mordue sur grand-écran par cette figure immortelle, elle-même immortalisée par Friedrich Murnau, Christopher Lee, Roman Polanski, Neil Jordan, Park Chan-wook… Les années 2000 attendaient aussi leur (bon) film de vampire, et il est arrivé de Suède (deux ans après la comédie horrifique Frostbitten qui d’ailleurs aurait été un bon sujet de remake) avec le film Morse de Tomas Alfredson, d’après le roman de John Ajvide Linqvist. Additionnez un roman original vraiment excellent et un contexte de rentabilité très favorable et vous obtenez vite le remake américain de Morse : Laisse-moi entrer.

Cette histoire est devenue le film de vampire nouvelle génération en même temps qu’une nouvelle référence du film fantastique (Morse a remporté divers prix en festivals) justement parce que son récit est avant tout ancré dans la réalité de la vie quotidienne avec comme héros un petit garçon solitaire. On emménage dans l’appartement voisin et il découvre alors une fillette solitaire un peu étrange…

L’histoire se déroule en mars 1983 au Nouveau-Mexique, soit un coin isolé des Etats-Unis où on ne se préoccupe peu de la guerre froide avec les Russes mais beaucoup plus de préserver son foyer et sa famille. A la télévision, le président Ronald Reagan vante la grandeur de l’Amérique vertueuse qui doit faire face au mal (une allusion à peine déguisée au président Bush), dans la cuisine la mère se lamente car son mari l’a quittée pour divorcer, à l’école trois garçons turbulents persécutent cruellement le petit Owen. Le spectateur est happé par le climat froid de cette petite ville où surviennent des disparitions étranges, tout en découvrant en même temps les particularités vampiriques d'Abby, mais on est toujours ramené à ce petit garçon malheureux tout seul. La double force de Laisse moi entrer est d’évoquer le vampire avec la malédiction d’une fillette et aussi de s’attacher à l’amitié naissante de deux enfants qui se découvrent.

"J’ai douze ans, plus ou moins…."

Ce monstre de cinéma qu’est le vampire était connu non seulement pour mordre ses victimes mais aussi pour tout son folklore à commencer par le cercueil où il dort ou sa peur des croix et de l’ail… Maintenant le vampire n’est plus une créature monstrueuse, c’est une gamine qui subit son sort comme elle le peut. Elle évite la lumière du jour et elle a besoin de sang pour se nourrir, mais c’est toujours une petite fille en apparence comme les autres. Et c’est là que réside tout l’attrait du film : l’abomination du mal est en fait incarnée dans l’innocence d’une enfant ! Owen se rend compte qu'Abby est aussi seule que lui et qu’elle n’a pas l’air heureuse non plus. Owen va redonner le sourire à Abby, et elle va lui faire gagner plus de confiance en lui… Mais le garçon ne mesure pas encore les conséquences d’être ami avec une vampire…

"Il faut que tu saches qu’on ne peut pas être ami."

Le réalisateur Matt Reeves (qui avait secoué la caméra de Cloverfield) fait de Laisse-moi entrer un remake qui tient plus de la copie du film original que d’une adaptation américanisée. Et c’est tant mieux, d’autant plus que le roman initial n’est pas trahi, l’histoire se déroule encore dans les lieux resserrés d’un petit village enneigé. Le petit garçon Kodi Smit-McPhee (vu dans La route) est très touchant et les autres rôles sont bien choisis, en particulier Richard Jenkins. Par contre il est regrettable que la crédibilité du personnage de la fillette (jouée par Chloë Grace Moretz de Kick-Ass) soit entachée par un excès d’effets spéciaux inappropriés (dans ses ‘transformations’ elle n’est plus une fillette mais plutôt un pantin). Les plus anglophones feront attention aux chansons du film qui viennent en écho aux scènes avec des paroles comme ‘I want your sex’, ‘Do you really want to hurt me’, ‘I’m burning for you’…

Le film s’inscrit dans la lignée des récents remakes américains de succès internationaux (de Ring à Rec, de Insomnia à Infernal Affairs, de Morse à bientôt la trilogie Millenium…) qui ne parviennent pas à dépasser les films originaux déjà (re)connus. Toutefois comme Laisse-moi entrer est aussi une mise en image du livre qui est l’histoire la plus intéressante de vampire depuis longtemps, alors ne pas hésiter pour qui ne la connaît pas encore.

Simone Signoret, ou la splendide indifférence

Posté par vincy, le 4 octobre 2010

Elle fut. La vie derrière soi. L'une des plus grandes comédiennes européennes durant cinq décennies. La première française à avoir raflé un Oscar. Elle a aussi obtenu un prix d'interprétation à Cannes et un César de la meilleure actrice.

La nostalgie n'est plus ce qu'elle était. Titre de son premier livre : prémonitoire. On célèbre bien les anniversaires de chanteurs électrocutés ou de divas suicidées, on commémore son ancien grand amour, Yves Montand. Mais pas elle. Ni d'ailleurs Gabin. Bourvil et De Funès ont reçu des célébrations discrètes. Mais les légendes du cinéma français sont des morts qui ne reçoivent plus.

Simone Signoret, puisque c'est elle dont on parle, s'est éteinte le 30 septembre 1985. Pas un film diffusé sur une chaîne de télévision. Ni Casque d'or, ni les Diaboliques, ni Dédée d'Anvers, ni La ronde, ni Thérèse Raquin, ni un de ses films américains ou Le Chat, La vie devant soi, L'étoile du nord, un Chéreau, un Costa-Gavras ou un Chris Marker. Rien.

Seule France 5  a osé programmer Elle s'appelait Simone hier dimanche 3 octobre, en plein après-midi. Le documentaire de Christian Lamet sera rediffusé à minuit le dimanche 10 octobre. On imagine le taux d'audience. Parmi les témoignages : Guy Bedos, Anne Sinclair, Fanny Cottençon et puis surtout Catherine Allégret, la fille de Signoret, et Benjamin Castaldi, le petit-fils.

Ce matin sur France Inter, dans l'émission de Pascale Clark, Catherine Allégret est revenue sur cette splendide indifférence médiatique qui entoure l'anniversaire de la mort d'une comédienne qui fut la Reine d'un 7e art français rayonnant.

Le ministère de la Culture n'enregistre que les anniversaires de naissances pour son recueil des célébrations nationales. Aussi, en l'absence de communication, d'un éventuel "buzz", ou même d'une politique de programmation artistique, l'étoile Signoret ne pouvait pas être aperçue. Allégret accuse la Cinémathèque française, pourtant présidée par Costa-Gavras qui l'a fait tourner quelques fois, d'être passée à côté d'une rétrospective d'envergure. Signoret est présente discrètement dans la nouvelle exposition de la Cinémathèque, "Brune / blonde". Elle pointe du doigt aussi Marin Karmitz, qui a pourtant bien connu la dame, de ne pas avoir organisé un quelconque événement.

On comprend la colère de la fille face à cette absence d'hommage. Lucide, elle l'a reconnu : qui connaît Simone Signoret ? Parmi les jeunes, une poignée, grâce à une éducation cinéphile singulière transmise par des parents ou acquise par passion. Mais dans un pays où 30% de la population a plus de 60 ans, l'argument tient peu d'un point de vue audience télévisée.

Allégret souligne aussi qu'une émission souvenir plus ambitieuse aurait pu être possible. Mais les montants des droits de diffusion d'extraits rendaient le projet trop coûteux. Rappelons que Benjamin Castaldi, fils de Catherine, petit-fils de Simone, est l'animateur le mieux payé de France avec 105 000 euros par mois. Il aurait peut-être pu en faire un cadeau pour sa mère.

Ironie suprême : les médias s'emballent autour du livre de Marilyn Monroe qui sort ces jours-ci. La seule femme qui avait détourné Yves Montand de Simone Signoret.

Cinespana 2010 : Trois questions à Alvaro Brechner

Posté par MpM, le 4 octobre 2010

alvaro-brechnerPrésenté en compétition, Mal dia para pescar est le premier long métrage du réalisateur uruguayen, Alvaro Brechner, aujourd'hui Madrilène. Le film, qui raconte les mésaventures d'un champion de lutte et de son impresario tentant d'organiser un ultime combat dans un petit village d'Uruguay, a également été sélectionné à la Semaine de la Critique en 2009, et devrait sortir sur nos écrans début 2011.

Ecran Noir : Comment est né le film ?

Alvaro Brechner : Il s'agit du mélange d'une histoire courte de l'écrivain uruguayen Juan Carlos Onetti [Jacob et l'autre] que j'avais envie d'adapter au cinéma et de mon intention de faire une version complétement différente, plus proche du monde du western en Amérique latine. Un western bien sûr sans chevaux ni pistolets.  Et avec à l'esprit l'idée de raconter cette histoire de deux Européens un peu apatrides qui voyagent en Amérique latine. Mais ce n'est pas un vrai western, car les westerns racontent l'histoire d'une certaine époque, en Amérique du Nord,  alors que là, l'histoire se déroule au XXe siècle et en Uruguay. Je voulais raconter l' atmosphère du western, comme de la nostalgie pour un temps passé. Pour moi, le western est un genre qui parle tout le temps de la mort. De la mort d'une manière plus symbolique.  Je trouve que c'est l'histoire de deux personnages qui sont à la fin d'un rêve, et c'est très crépusculaire.

EN :  Dans le film, vous jouez sur les contrastes...

AB : J'ai voulu mélanger les genres. Je voulais faire un western un peu atypique avec des choses du film noir, et mélanger le drame, la tragédie et la comédie. Car pour moi ce sont deux personnages dans l'esprit de Don Quichotte qui essaient de recréer leur réalité. Mais bien sûr cette réalité est très différente de celle que nous, en tant que spectateurs, on voit. Ils sont en train de lutter pour une illusion. C'est le contraste entre leur propre point de vue sur leur vie et les situations ridicules qu'ils vivent.

EN : Et finalement, de votre point de vue, de quel côté penche la balance ?

AB : Ce n'est pas qu'ils sont ridicules, c'est que je perçois la vie elle-même comme ridicule. Bien sûr, j'ai beaucoup d'empathie pour mes deux personnages. Mais pour moi, le côté le plus merveilleux de la vie, c'est qu'on peut voir tout ce qui se passe comme un drame ou une comédie. C'est une question de point de vue ! Selon d'où on regarde, la vie est à la fois merveilleuse et ridicule.