Arthur Penn tire sa révérence (1922-2010)

Posté par geoffroy, le 30 septembre 2010, dans Films, In memoriam, Personnalités, célébrités, stars.

Arthur PennArthur Penn, l’alter ego cinématographique de Sam Peckinpah, est décédé dans la nuit de mardi à mercredi à l’âge de 88 ans. Avec la disparition de cet immense cinéaste qui tournait peu (13 films en 31 ans), la nouvelle vague américaine vient de perdre l’un de ses derniers chefs de file.

Arthur Penn, au-delà de l’excellent technicien qu’il fut, réussit ce tour de force de renouveler les genres aussi codifiés qu’étaient, à l’époque, le western et le film policier. Il suffit de voir ou revoir La Poursuite Impitoyable (1965) avec Marlon Brando, Robert Redford et Jane Fonda pour s’en convaincre. Le film aborde sans détour, et dans un réalisme froid jusqu’alors inédit, des thématiques aussi complexes que l’alcoolisme, la cruauté, la lâcheté, le courage, l’adultère… L’aspect psychologique des personnages prend le dessus sur l’ «action » même si le suspense y est formidablement bien rendu. Le film fait « mouche », devient une référence instantanée à l’image, sept ans plus tôt, du Gaucher, adaptation ô combien novatrice d’un certain Billy the Kid. Outre qu’il lança la carrière de Paul Newman, le réalisateur américain modernise le personnage pour en faire un adolescent rebelle au même titre que Jim Stark dans la Fureur de Vivre (Nicholas Ray, 1955).

En deux films Arthur Penn réinvestit donc deux genres phares du cinéma Hollywoodien. Mieux, il en dépoussière les codes. Aussi bien par sa mise en scène fluide au montage cut d’école que par les thématiques qu’il osera développer. Le réalisateur-scénariste Paul Schrader, l’un des premiers à avoir réagi dans les colonnes du New-York Times, considère d’ailleurs qu’ « Arthur Penn a apporté la sensibilité du cinéma européen des années 60 au 7ème art aux Etats-Unis ». Il aura porté, au même titre que Nicholas Ray, Elia Kazan, Joseph Losey ou encore Sam Peckipah, les bases du renouveau du cinéma américain et réalisé en 1967 son chef-d’œuvre : Bonnie and Clyde.

Film de toutes les audaces (scènes de violences, émancipation criminelle face à l’ordre morale, rigueur de la mise en scène, beauté du couple Fane Dunaway / Warren Beatty ; humour noir…), Bonnie and Clyde inspirera nombre de grands cinéastes dont Norman Jewison (l’Affaire Thomas Crown, 1968), Roman Polanski (Chinatown, 1974), Terence Malick (la Balade Sauvage, 1973) ou encore l’œuvre de Michael Mann. Le cinéaste ne s’arrête pas là et conclu une décennie d’innovation cinématographique par un film somme, sorte d’anti-western courageux et satirique stigmatisant l’attitude des « blancs » vis-à-vis de la communauté indienne, Little Big Man (1970). Dernier vrai succès commercial, Little Big Man s’avère être également le dernier grand film du réalisateur. Tournant beaucoup moins à partir de cette date, il réalisera un western de bonne facture (Missouri Breaks, 1976) et Target (1985), film de commande avec Gene Hackman et Matt Dillon. Il  reçu en 2007 l’Ours d’Or à Berlin pour l’ensemble de sa carrière.

Considéré à raison comme l’un des cinéastes les plus critiques envers  son époque, Arthur Penn fait partie des faiseurs doués capables de sublimer un genre sans jamais le corrompre. Sa mise en scène aiguisée aura, toujours selon Paul Schrader, « ouvert la voie à la génération des metteurs en scène américains des années 70 ». Martin Scorsese, Francis Ford Coppola ou Michael Cimino peuvent lui dire merci.

Nous, nous lui souhaitons bon vent.

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