Venise, derrière les paillettes, la crise (et l’amiante)

Posté par vincy, le 5 septembre 2010

Palais des Festivals de Venise

Oublions un temps les polémiques vénitiennes : les conflits d'intérêts de Tarantino-Président, les journaux italiens qui accusent le festival d'être trop gauchisant, ou encore l'absence de stars (même Clooney ne vient pas, c'est dire...). Finalement Berlin, Cannes, Venise souffrent de maux identiques cette année. Mais Berlin et Toronto ont deux avantages : un nouveau palais pour accueillir leurs festivaliers et un coût de la vie relativement accessible pour ceux-ci.

Le futur palais des festivals de Cannes a été reporté, hélas : le Maire de la ville semble un peu près de ses sous. Et les tarifs (hébergement, restauration), n'ont pas diminué (40 euros un plat de poisson) avec les années, dépassant souvent les prix astronomiques de Paris.

Venise n'est pas mieux loti. Cent euros pour un plat de spaghetti sur le Lido: c'est le montant de l'addition présentée au sous-secrétaire d'Etat italien à la Culture Francesco Giro, qui a aussitôt dénoncé "une ville élitiste".  "Venir à Venise et manger sur le Lido coûtent trop cher. Manger ici est une folie", s'est plaint le Ministre (qui avait par ailleurs boycotté le Festival de Cannes cette année). La facture s'est donc élevée à 300 euros pour manger à trois au restaurant du palace Excelsior, situé à deux pas du Palais du cinéma et qui loge habituellement les stars du festival.

Evidemment, tout le monde n'est pas obligé de manger dans un Palace. Et les organisateurs peuvent toujours arguer qu'on peut manger pour 20 euros dans la ville, les médias locaux, qui semblent de plus en plus hargneux contre Venise et indulgents pour son concurrent romain, ont souligné la désaffection qui toucherait le Lido en raison des tarifs pratiqués par les hôtels et restaurants.

Pour économiser, les studios de cinéma préfèreraient désormais dépêcher leurs équipes dans des festivals comme Toronto. Nombre de médias se contentent désormais de ne couvrir que l'ouverture et la clôture de la Mostra, ce qui fait que plusieurs hôtels ont encore des chambres disponibles pour le début de la semaine. Frappées par la crise, plusieurs structures hôtelières, obligées de baisser leurs prix à destination des estivants, sont accusées de vouloir se refaire sur le dos des festivaliers, qui constituent une clientèle captive.

Surtout, les grands hôtels vénitiens doivent se refaire une beauté. L'Hôtel des Bains sur la plage du Lido avec sa terrasse oùl les stars aimaient siroter leur cocktail Bellini, est fermé pour travaux. Une fois rénové, le "des Bains", comme on l'appelait, abritera des appartements de luxe où la vue sur la mer se négociera autour de 15 000 euros le mètre carré. En pleine crise, le risque est gros.

Un palais amianté, un cinéma asphyxié, le directeur du festival sur le départ

Mais la Mostra a encaissé un coup très dur cette semaine. Son nouveau palais des festivals prend du retard. Le palais est en travaux. Mais, la découverte de l'amiante sur le terrain même du chantier - la faute aux toits des anciennes cabines de bain, fabriquées en matériel de marque Eternit, entreposés pendant des années à même le sol - oblige à assainir le site ; il est fort peu probable que la date de 2011 prévue pour la fin des travaux soit tenue.

Le directeur artistique du festival, Marco Müller, avait pourtant fait de ce nouveau palais l'instrument indispensable pour garantir son standing international à la Mostra, mettant parfois sa démission dans la balance. "Il ne suffit pas d'un palais pour assurer le futur du festival, explique M. Spaziante, délégué aux travaux, un brin agacé. C'est tout le réaménagement du Lido qui doit être repensé." Ce qui peut prendre du temps. Reste que Müller a mis sa menace à exécution en signifiant publiquement qu'il ne demanderait pas un nouveau mandat l'an prochain.

Tout cela ne serait qu'un événement épisodique si le contexte en Italien n'était pas si morose : plusieurs manifestations ont eu lieu en début d'été pour protester contre les coupes budgétaires dans le fonds unique pour le spectacle (FUS), qui finance en partie de nombreuses oeuvres cinématographiques. Le cinéma italien semble asphyxié par la raréfaction des aides publiques.

Cela oblige aussi à trouver d'autres manières de filmer, à innover, à changer de modèle économique. La créativité fera le reste, essayant de résister aux aléas des conjonctures financières et politiques. Reste que le cinéma italien, comme le cinéma anglais, mal défendus par leurs élus, se marginalisent en Europe face à des puissances cinématographiques qui ont compris l'intérêt d'une industrie du 7e art solide, comme la France, l'Espagne ou encore les pays d'Europe de l'Est.

Venise 2010 : Potiche de François Ozon fait pleurer de rire le Lido

Posté par MpM, le 5 septembre 2010

Beau retour à la comédie pour François Ozon qui a reçu un accueil plus que chaleureux lors de la présentation de Potiche. Le film est d'ores et déjà vendu en Italie et au Japon, ce qui d'après l'édition vénitienne de Variety est le signe d'un succès à l'étranger... Les Etats-Unis, l'Angleterre, l'Allemagne et l'Espagne sont déjà en négociation pour le distribuer à leur tour. En France, il sortira le 10 novembre sur plus de 500 copies, preuve de la confiance de Mars, le distributeur.

Confiance méritée puisque le film s'annonce comme un beau succès public, à la fois drôle, léger et flamboyant. Adapté d'une pièce de théâtre (Potiche de Pierre Barillet et Jean-Pierre Gredy, avec Jacqueline Maillan), il se déroule à la fin des années 70 et cristallise tous les grands enjeux sociaux de l'époque. L'intrigue en elle-même (l'émancipation d'une femme que chacun perçoit comme la parfaite mère au foyer) est relativement simpliste, presque formatée, mais le réalisateur brode autour tout un faisceau de situations qui, jouant sur la connivence avec le spectateur, permettent une double lecture.

Ainsi, Ozon en profite pour définitivement désacraliser Catherine Deneuve, impeccable bourgeoise romantique qui écrit des poèmes sirupeux et court avec entrain dans un horrible survêtement, bigoudis sur la tête. La parfaite "potiche" à qui son mari interdit de penser par elle-même, enfermée dans le carcan strict de l'apparence.

Lutte des classes et satire politique

De la même manière, l'époque sert de prétexte pour parler de lutte des classes et de libération de la femme, tout en donnant à certaines situations une résonance particulièrement contemporaine. Comme ce patron ultra-capitaliste qui prône les vertus du "travailler plus pour gagner plus" et crie "casse-toi pauvre con" à qui veut lui inculquer quelques valeurs humanistes. Les syndicats en prennent eux-aussi pour leur grade, stéréotypés à l'extrême, et finalement plus heureux dans la lutte et l'opposition que dans la conciliation.

Avec ses couleurs acidulées, sa musique guillerette et ses dialogues très écrits, le film ne craint ni l'exagération, ni le maniérisme. On est bien dans la comédie bourgeoise volontairement ultra-légère, où chaque réplique fait mouche. Ce comique de situation se double d'ailleurs d'une complicité tacite avec le spectateur qui a le recul historique pour se moquer de ce que l'on pensait en 1977, voire dresser de savoureux parallèles entre les deux époques. Car à la réflexion, certains combats restent d'actualité... Et même si les rebondissements sont parfois convenus, voire simplistes, on prend plaisir à en admirer le cheminement et la mécanique.

Comme dans une symphonie, chaque acteur interprète sa partition avec virtuosité et inventivité, en harmonie avec les autres. On voit bien qu'ils éprouvent du plaisir à être ensemble et à se laisser diriger par le petit grain de folie de leur réalisateur. Deneuve, Luchini, Depardieu... tous jouent avec leur image autant qu'avec leur personnage. Car exactement comme 8 femmes, auquel il ne manquera pas d'être comparé, Potiche parvient à s'émanciper d'une trame relativement classique pour devenir un hommage au cinéma et à ses étoiles.

Venise 2010 : même pas peur avec The Child’s Eye 3D des frères Pang

Posté par kristofy, le 5 septembre 2010

Child's Eyes 3D des frères Pang

Les frères Oxide et Danny Pang ont fait rire jaune, et c'est avec un embarras certain qu'on se désole pour leur nouveau film. The Child's eye 3D arrivait comme le premier film d'horreur asiatique en 3D par des experts de l'angoisse, et malheureusement c'est plutôt raté.
Les Pang brothers avaient été révélés en occident avec Nothing to lose et surtout The Eye et Bangkok Dangerous, puis ils se sont partagés entre projets calibrés pour l'international (dont les dispensables suites à The Eye et le remake américain de Bangkok Dangerous) avec parfois des réussites efficaces comme The Messengers avec Kristen Stewart (avant qu'elle soit la star de Twilight) ou des ambitions stylistiques comme Re-cycle (sélectionné à Cannes).

The Child's eye 3D promettait certainement de nous faire sursauter dans notre fauteuil ou avoir des sueurs froides. Mais ça n'est qu'un film de fantômes, avec ses clichés habituels, à commencer par une jolie demoiselle effrayée par l'apparition surnaturelle d'une personne morte dans des circonstances mystérieuses.

Ici un groupe de 6 jeunes hongkongais en voyage se retrouvent coincés en Thaïlande alors que l'aéroport de Bangkok est fermé pour cause d'émeutes anti-gouvernementales (ce qui est vraiment arrivé ces derniers mois). Ils arrivent  dans un hôtel étrange fréquentés par des gens encore plus étranges. Bientôt ils vont s'apercevoir que non seulement un fantôme existe, mais aussi une sorte de monstre, et que certaines portes révèlent de sombres secrets...

Si certaines scènes sont visuellement étonnantes, l'ensemble souffre d'une impression de déjà vu (en moins bien). Le mystère arrive progressivement (avec une chaise qui bouge toute seule, un chien qui voit l'invisible) mais jamais l'angoisse ne monte. The Child's eye 3D repose sur une histoire sophistiquée un peu tirée par les cheveux, et malheureusement soutenue par de mauvais comédiens (le groupe des 6 jeunes semblent sortir d'une sitcom). Non seulement l'héroïne ne semble jamais avoir peur (ce qui laisse de glace le spectateur), mais en plus le fantôme a des motivations incompréhensibles (si ce n'est essayer de jouer avec nos nerfs). Il faudra attendre la fin pour comprendre le drame mortel vécu dans le passé pour réveiller notre intérêt, alors qu'on s'est désintéressé de l''histoire depuis un moment.

Les frères Pang semblent avoir voulu réunir une succession de scènes avec un élément d'angoisse sans réussir à les lier entre elles de manières convaincantes. Pour ce qui est des effets en 3D on a bien évidemment une main fantomatique qui surgit brusquement devant les yeux, mais à part une spatialisation de la profondeur des décors, la 3D n'est presque pas utilisée pour faire peur. Et quand on est amené à remarquer que ce relief rend le film encore moins bon que s'il avait été en 2D classique, on a alors envie de répéter une réplique de l'héroïne : "qu'est ce que tu veux de moi ?" Les frères Pang devront revoir leur copie, on sait qu'ils peuvent mieux faire. Quoique.

Venise 2010 (vidéo) : Maggie Cheung, une vraie star en action

Posté par kristofy, le 5 septembre 2010

Devenue rare sur les écrans, Maggie Cheung est présente à Venise pour deux courts métrages signés Isaac Julien, The leopard et Better life, présentés dans la section Orrizonti. Souriante, détendue et disponible, elle a répondu aux questions des journalistes ainsi qu'aux interminables sollicitations d'autographes et photos avec la simplicité des plus grands. Une générosité alliée à une indéniable élégance naturelle.

On peut être surpris de voir une si grande star dans des films aux formats atypiques, mais c'est justement ce qui a intéressé l'actrice lorsqu'on lui a parlé du projet. D'autant qu'elle tient un rôle complétement muet, ce qui lui plaît beaucoup. "Dans mes autres films, chaque fois que je devais jouer une scène sans dialogue, je ne sais pas pourquoi, j'étais toujours très contente. Il ne faut pas croire que l'on joue moins si l'on ne parle pas, c'est le contraire. Il faut jouer plus."

Malheureusement, l'inoubliable interprète d'In the mood for love et de Clean n'a pas d'autre projet en vue. Alors, en attendant de la retrouver à l'écran, on ne manquera pas de garder en mémoire son sourire désarmant, sa classe innée et sa gentillesse. Ce n'est pas tous les jours que l'on croise une vraie star.

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La preuve en images