Polanski : de Shutter Island à The Ghost-Writer

Posté par vincy, le 4 mars 2010

pompei by vincy thomasAprès le flop d'Oliver Twist en 2005 (50 millions de $ de budget, 43 millions de $ de recettes dans le monde, aucun prix), Polanski a cherché à rebondir avec un thriller, retrouvant ainsi un genre qu'il avait délaissé depuis La neuvième porte en 1999.

Il avait commencé à développer un ambitieux projet. Pompéi. Six mois de travail en 2007. Il s'agissait d'adapter le livre de Robert Harris. L'histoire d'un jeune ingénieur qui doit construire un aqueduc reliant Pompéi à la baie de Naples, avec en final, l'éruption tragique du volcan Vésuve qui détruisit la cité.

Le budget de 50 millions de $ était bouclé et déjà rentabilisé par l'acquisition des droits dans le monde entier. Le projet a avorté à cause de la grève des acteurs américains. Le tournage ne fut plus possible, les contrats avec les comédiens - Orlando Bloom et Scarlett Johansson étaient sur les rangs - furent suspendu.

La menace de grève a contraint les producteurs - les mêmes que pour The Ghost-Writer - a  a stoppé les frais avant une déroute financière, malgré les dépenses déjà engagées. Annoncé à Cannes, le film n'a jamais été au-delà du scénario, écrit par Polanski et Harris. Les droits d'acquisition s'envolèrent en fumée.

Polanski cherche alors un autre projet. Il met une option sur Shutter Island, qu'il abandonne très vite (NDLR : Wolfgang Petersen avait essayé aussi de développer une adaptation du best-seller de Dennis Lehane en le transformant un blockbuster plus "classique"). Etrangement, les deux films sortent en même temps et commencent de la même façon : une île, un bateau, le brouillard.

Pendant l'écriture du scénario de Pompéi, Robert Harris écrivait son nouveau romain, The Ghost (L'homme de l'ombre en français). Polanski trouvait ironiquement qu'une histoire de nègre, ça ne fonctionne jamais. Mais Harris lui donne un exemplaire de son ouvrage pas encore publié, par amitié. Le cinéaste franco-polonais le lit et accroche immédiatement.

Les droits sont acquis, et après l'échec de Pompéi, l'auteur du livre et le réalisateur se mettent à adapter le roman. L'action est déménagée de New York à une île américaine. Cela permet au cinéaste de ne pas avoir à tourner dans un pays où il est interdit de séjour et de tourner dans ses studios chéris de Babelsberg à Berlin et sur l'île allemande de Sylt. Il en fait un huis-clos, genre dont il est l'un des maîtres, utilisant un fond vert pour intégrer des vues extérieures lorsque les personnages sont dans la villa.

Pompéi, depuis, a été vendu en vue de devenir une série TV.

Et Polanski a obtenu un Ours d'argent pour son admirable mise en scène...

Une cérémonie des César à oublier

Posté par geoffroy, le 4 mars 2010

cesar 2010La soirée des César 2010 n’a pas conquis les foules. L’audience, en chute libre, incite l’académie à revoir sa copie au plus vite.  

Soutenir que la 35e cérémonie des César fut sage et sans surprise relève du doux euphémisme tant elle aura été soporifique comme laborieuse. Ce triste constat, n’en déplaise aux lauréats, démontre la difficulté des César à célébrer comme il se doit – c'est-à-dire au-delà de la simple récompense – l’ensemble des professionnels du cinéma français. Sans remettre en cause le cru 2010, dominé par Un Prophète de Jacques Audiard, la cérémonie tourna court en égrenant sans âme les prix les uns à la suite des autres.

Vous me rétorquerez qu’un prix se décerne, s’acclame, se siffle à l’occasion – rarement aux César je vous l’accorde – et se remercie. Difficile, en effet, de changer un modus operandi balisé depuis 35 ans. Cela veut-il dire que la manière de s’y prendre n’aurait plus aucune importance ? A entendre les « pitch » d’avant récompense, oui. Au fil des années ils deviennent de plus en plus sirupeux et « télévisuellement » très plats, à l’instar du traditionnel discours d’ouverture prononcé cette année par une Marion Cotillard sans conviction ni originalité.

Quelques mots mous et pompeux prononcés avec hésitation pour rappeler que nous avons la chance de "partager ici ce soir le même rêve de cinéma, la chance d'être dans un pays qui rend ce rêve possible, un cinéma d'une grande richesse". Une chance en effet de pouvoir "aimer, vivre, rire" puis "de nous battre, nous mettre en colère... de hurler même si ça nous chante..."

Comme de coutume, les invités discourent sans gêne à la recherche du plus bel aphorisme afin d’éviter l’errance du lieu commun. N’empêche qu’ils furent nombreux un peu à l’image d’une soirée lente, statique, verbeuse, déclarative à en perdre la tête et le fil. Pourquoi ne pas avoir lâché la bride sur la scène du Châtelet en proposant un spectacle fait de surprises et de rebondissements, de bonne humeur et de spontanéité ? Il semblerait, au grand dam des spectateurs, que cela ne soit pas le genre de la maison. Que voulez-vous, chez nous, on ne badine pas avec les César quitte à plomber sévèrement l’ambiance.

Conséquence : notre duo vedette Gad Elmaleh / Valérie Lemercier s’est laissé étouffer par le rythme de sénateur d’une cérémonie morne, sans vivacité ni liberté de ton. Trois heures à faire du surplace et à attendre que chaque lauréat termine son discours, faut quand même assumer. Dans ce registre ils ont été plutôt bons, comblant autant que faire se peut un vide artistique pour le moins troublant. La soirée, exceptés les grognements lyriques d’une Jeanne Balibar en transe n’ayant pas peur du ridicule, l’émotion vraie d’une Adjani en larmes, l’hommage « lucchinien » à l’immense Eric Rohmer et le César d’honneur rendu à la star hollywoodienne Harrison Ford fut, il faut le reconnaitre, d’une platitude rarement atteinte.

Sans forcément prendre en exemple la cérémonie des Oscars, rendons à César ce qui est aux Oscars : le souffle, le show, les paillettes, le rêve. Il suffit de voir ou revoir  la « perf » d’un Hugh Jackman survolté en président de cérémonie des Oscars 2009 pour s’en convaincre. A côté d’un tel savoir-faire scénique, notre édition 2010 fait pâle figure. Résultat des courses, le programme diffusé en clair sur Canal+ a réuni 1,7 millions de téléspectateurs (9,1% de part d'audience, divisée de moitié depuis 2005).

Si les César 2010 auront plébiscité Un Prophète, récompensé par deux fois Tahar Rahim (une première un peu étrange faisant du jeune acteur aussi bien le meilleur espoir masculin que le meilleur acteur), mis un zéro pointé au Welcome de Lioret et récompensé une comédie comme meilleur premier film (Les Beaux Gosses), un dernier point s’impose. Il est navrant de constater qu’il n’y a toujours pas de César du meilleur film d’animation. Un comble pour le pays inventeur du dessin animé (Emile Cohl a projeté sa Fantasmagorie le 17 août 1908 à Paris).

Il serait judicieux de réparer cette injustice dès la revue 2011 qui, on l’espère, sera bien plus palpitante. Le maintient de sa diffusion sur une chaîne nationale en dépend.