Deauville : un palmarès eclectique

Posté par kristofy, le 13 septembre 2009

Pour sa 35ème édition, le Festival de Deauville a proposé une sélection de 11 films en compétition. De la comédie à un style de film plus violent, le public et les jurys ont découvert une large palette du cinéma américain indépendant mais aussi des histoires singulières.

Le prix de la critique est allé à un premier long-métrage, The Messenger, réalisé par Oren Moverman, en permanence sur la corde raide et dans la retenue, jamais dans le pathos. "Pour la maîtrise de sa mise-en-scène, pour son montage, et pour sa direction d'acteur". il effectue un doublé prestigieux puisqu'il obtient aussi le Grand Prix du jury.

C’est Jean-Pierre Jeunet qui était le président du jury officiel, dont le prochain film Micmacs à tire-larigot va bientôt sortir avec Dany Boon, lui aussi juré tout comme Patrice Leconte (qui l’avait dirigé dans Mon meilleur ami), Jean-Loup Dabadie (scénariste du film à venir La tête en friche de Jean Becker, et pour Claude Sautet, Yves Robert, Claude Pinoteau…), le réalisateur Bruno Podalydès, les actrices Sandrine Kiberlain, Géraldine Pailhas, Hiam Abbas, Emilie Dequenne et Déborah François. Enthousiasmés par la compétition, ils ont tenu à récompenser plusieurs films. "Puisque nous avions la possibilité de remettre un prix ex-æquo, on en a profité pour le faire car on aurait voulu remettre plus de prix au vu de la qualité de la sélection qui nous a été proposée", ont-ils précisé.

Le prix du jury ex-æquo va donc aux films Precious de Lee Daniels et au film Sin nombre de Cary Joji Kukunaga.

Le jury de la révélation Cartier, qui distingue plutôt un film pour ses qualités novatrices, était présidé par Maïwenn, avec le chanteur Raphaël, l’écrivain Nicolas Fargues, et les comédienne Aïssa Maïga, Louise Monot et Romane Bohringer. "On a voulu choisir un film singulier et surtout pas formaté, un film qui se démarque des autres dans la forme et le propos", a précisé le jury. "Pour ces raisons, nous donnons ce prix au film Humpday, réalisé par Lynn Shelton".

Deauville : Andy Garcia et Steven Soderbergh jouent avec les mensonges

Posté par kristofy, le 13 septembre 2009

Andy GarciaAndy Garcia est acteur, producteur, réalisateur, musicien, père de famille... et d'autres choses encore. Que pourrait-on bien lui reprocher ? Peut-être de très mal imiter Marlon Brando... mais c’est pour nous faire rire dans son nouveau film, City Island. Alors voila, ce comédien aux multiples talents méritait bien un hommage du Festival américain de Deauville. Quand on lui demande de se souvenir de ses débuts, l'acteur se rappelle immédiatement qu’il a été d’abord un enfant émigré de Cuba vers la Floride. Cet exil l’a toujours marqué, et il a trouvé une consolation dans l’art, la musique et le cinéma. Il a eu l’aspiration de participer à ce monde merveilleux qui était une sorte d’échappatoire. C'est ainsi qu'il a commencé par jouer gratuitement au théâtre, et après pas mal de temps et d’embûches, à force d’entêtement et d’acharnement, il a fini par en faire son métier. Il était devenu acteur…

On l'a particulièrement remarqué dans Huit millions de façons de mourir de Hal Ashby, Les incorruptibles de Brian De Palma, Black Rain de Ridley Scott, Le Parrain 3 de Francis Ford Coppola, Héros malgré lui de Stephen Frears, Dernières heures à Denver de Gary Felder, L’enjeu de Barbet Schroeder, Modigliani de Mick Davis… Dans ce dernier film, il partageait d'ailleurs l’écran avec Elsa Zylberstein, et c’est la comédienne qui était sur scène avec Jean-Loup Dabadie (membre du jury) pour lui rendre cet hommage. Inès Sastre était également présente, elle qui a joué dans Adieu Cuba, la grande œuvre d'Andy Garcia puisque qu’il en est le producteur, le co-scénariste, le réalisateur, le compositeur de la bande-originale, et bien entendu aussi l’acteur.

On a découvert un nouveau visage du comédien lors de la première de City Island : il veut nous faire rire de la même manière que le personnage principal d’une pièce de boulevard. Dans ce film, toute la famille fait des mensonges et des cachotteries : le fils est attiré par les femmes obèses sur internet, la fille qui a une bourse pour ses études fait du strip-tease dans un club, le père dit qu’il va jouer au poker pour ne pas avouer qu’il suit des cours de théâtre, la mère est en manque d’étreintes fougueuses et s'intéresse à l’ex-prisonnier ramené à la maison par son mari pour une obscure raison… Cet étranger va attiser les soupçons et les dérapages en tout genre, et ça va être difficile pour toute la famille, chacun ayant honte d’assumer ce qu'il a été. Au générique de cette comédie, on retrouve Julianna Marguiles, Emily Mortimer, Alan Arkin, et une jolie actrice présente à Deauville qui est Dominik Garcia-Lorido (la fille aînée de Andy Garcia !).

"Il s’agit surtout de résoudre le problème de la forme à choisir pour raconter telle histoire"

Andy Garcia a aussi joué dans les Ocean’s 11, 12 et 13 de Steven Soderbergh. Celui-ci était déjà venu à plusieurs reprises à Deauville, et il y est revenu une nouvelle fois pour Steven Soderberghnous présenter The Informant, avec en vedette un Matt Damon méconnaissable qui a pris quinze kilos de plus. Il s’agit d’un cadre d’une multinationale de l’agroalimentaire qui après un possible sabotage va livrer aux FBI les pratiques illégales de son entreprise. Il se prend pour un espion à enregistrer des réunions pour donner des preuves aux autorités d’une entente sur les prix entre concurrents qui fausse le marché. Mais à toujours raconter une nouvelle chose à une nouvelle personne, on va se poser bien des questions sur cet informateur. La plus grande réussite du film est de nous montrer cette histoire actuelle avec un look vintage seventies du plus bel effet. Ce personnage de menteur qui dit des vérités avait en fait déjà été proposé à Matt Damon dès 2001, il est inspiré d’une histoire vraie ou presque. Steven Soderbergh s’est confié en donnant sa version des faits, vraie avec quelques mensonges ?

"Je ne raisonne pas vraiment en terme de film sérieux ou de comédies, de l’extérieur vous pouvez avoir l’avis que vous voulez, mais en fait pour moi il s’agit surtout de résoudre le problème de la forme à choisir pour raconter telle histoire. Le livre et le scénario me suffisaient, je n’ai pas rencontré la personne qui a vécu ces évènements, il ne fallait que les faits, je voulais être précis mais pas réel. Je vais vous avouer une lubie : j’adore la décennie 1966-1976, ce qui explique l’époque où j’ai placé le film. On a transformé de manière radicale Matt Damon avec 15 kilos en plus et une modification du visage, il est devenu monsieur tout le monde. On ne le reconnaît pas, donc de manière homogène il y a dans ce film que des acteurs peu ou pas connus, pour pas que le spectateur soit distrait en reconnaissant une personnalité."
Steven Soderbergh filme un homme qui se perd dans ses vérités au milieu de menteurs tandis qu'Andy Garcia interprète un homme qui se perd dans ses mensonges parmi les membres de sa familles qui cachent leurs secrets : City Island et The Informant, deux films très différents qui montrent bien que le cinéma est l'art de l'illusion.

Crédits photo : Christophe Maulavé