Cannes : Almodovar, entre revisitation et résurrection

Posté par vincy, le 27 avril 2009

abrazosrotos-es.jpgVu en Espagne avec trois semaines d'avance sur le programme cannoisLes étreintes brisées, nouveau mélo plus tragique que comique de Pedro Almodovar, y est sorti le 20 mars, avec un succès relatif, (pour l'instant il a ramassé moins de 5 millions d'euros de recettes).

La signature du cinéaste est présente dès les premiers plans. Un regard singulier sur un tête à tête banal. L'histoire s'avérera pourtant complexe en trahisons, passions, meurtre et tromperies. Mais, ici, Almodovar en profite pour revisiter son oeuvre, se créant un double (Mateo Blanco / Harry Caine, interprété par Lluis Homar). Il s'autocite, en se concentrant essentiellement sur une partie de sa filmographie qui s'étend de 1988 à 1997 avec Angelina Molina (qui voit en Penelope Cruz, sa fille, ce qu'elle était dans En chair et en os), la présence d'un éditeur (La fleur de mon secret), de talons aiguilles (ici très vermillons) ou d'un caméraman obsessionnel (Kika), dérivé homo et pervers de ce qu'aurait pu être Pedro A. Le réalisateur reste ainsi dans le carcan de son scénario, qui fait des allers-retours dans le temps:  l'histoire se déroule entre la première moitié des années 90 et aujourd'hui. En puisant dans ses souvenirs, il restitue une époque qui semble bien lointaine : une Espagne arriviste, peuplée de nouveaux riches. Il s'agit surtout, et la scène finale est anthologique pour cela, d'un film miroir à Femmes au bord de la crise de nerfs, son film emblématique (qu'il pense d'ailleurs adapter pour la télévision américaine). Penelope Cruz en double de Carmen Maura nous refait le coup du lit brulé, du gaspaccio qu'il ne faut pas boire, ou de la valise prête à partir. On y croise avec jubilation les protagonistes féminines de cette comédie, et le doublage joue là aussi un rôle primordial dans l'énigme.

Mais le film n'est pas qu'une remise en question, une interrogation de son travail. Toujours sur sa voie exploratrice des nuances de la rédemption, Almodovar fouille un peu plus les chemins de la résurrection. On peut survivre, et renaître différent. On peut aussi mourir, et rester éternel grâce au cinéma. Ces étreintes brisées sont ces impossibilités d'aimer, de laisser l'autre libre, de respecter cet élan qui nous échappe, de se casser en deux parce que l'autre nous sert trop fort. Le maître de la movida espagnole signe ainsi une oeuvre noire, romantique (dans son sens littéraire), pas forcément chaleureuse, mais n'oubliant pas d'être drôle. 

Peut-être inégal, sans aucun doute précis, artistiquement fidèle, le film, tacheté du rouge sang, expose les croix (cruz) comme autant de signes intangibles mais bien visibles de ce qu'il veut révéler : l'existence d'un fantôme, comme dans Volver (où il a repris de nombreuses comédiennes), mais qui hante plutôt les souvenirs et les images. Cette croix que tout le monde porte est évidemment le destin de cette secrétaire et actrice jouée par Pénélope Cruz (croix).  Il s'amuse avec elle comme on joue à la poupée (perruquée, déshabillée, maquillée). Une star piégée dans un bal (trappe), dont la beauté étourdit d'amour le réalisateur (le faux et le vrai) les rendant ainsi aveugles, aveuglés.

Le spectateur lui est resté bien clairvoyant, aspiré par cette embrassade passionnelle. Depuis La mauvaise éducation, Almodovar n'en a pas finit avec son passé.

Soeur Sourire : pas de quoi avoir la banane !

Posté par Claire Fayau, le 27 avril 2009

soeursourire.jpgL'histoire : "Dominique, nique, nique..." Ce refrain entêtant connut un immense succès international dans les années soixante. Rares sont les Dominique à qui on ne l'a pas chantonné. Mais qui connait la vie de la créatrice, Sœur Sourire (la mal nommée), alias Jeannine Deckers?Le film raconte le destin hors du commun de cette jeune belge, de son ascension dans les charts à sa descente suicidaire aux enfers.

Notre avis: Après Piaf, Mesrine, Sagan, Chanel, voici donc la  biographie filmée de Soeur Sourire, qui avait déjà eu droit à un film sur sa vie et son oeuvre en 1965. Le film s'appelait Singing Nun (La nonne chantante) avec Debbie Singin'  in the Rain Reynolds.

A l'époque, Jeanine Deckers était en état de grâce, et ce film hollywoodien ne devait montrer que le côté plaisant de Soeur Sourire. En 2009, le point de vue est plus réaliste et la reconstitution plus simpliste. Le film 100% belge de Stijin Coninx aborde son homosexualité, ses problèmes de drogue et d 'argent, et sa fin, misérable. On est loin du rêve Hollywoodien.

S'il y a au moins une qualité dans ce film, c'est en effet de ne pas avoir canonisé Jeannine Deckers. En se concentrant sur sa personnalité fragile et ses crises identitaires, il accroche le spectateur avec des facettes cachées, qui compensent l'étirement de cette vie étrange. La  "Star Sourire", Cécile de France, qui prend le voile et la guitare avec ferveur, se sent  possédée par son personnage, aux côtés de Sandrine Blancke, formidable amoureuse - ange gardien, de Marie Kremer, jolie confidente... et la pas si sénile Tsilla Chelton , en doyenne des dominicaines.

Malheureusement, le film est un fourre-tout. Cette valise en carton ne tient pas ses promesses et s'essouffle sur la longueur. On ne vibre (pas) ô ma soeur. Cette réalisation aussi plate que le pays d'orgine ne met pas en relief kes motivations de Jeannine, tellement impulsive qu'on a du mal à la suivre. Certains passages ont recours aux grosses ficelles, effets appuyés pour arracher un sourire ou soutirer une larme. Sans parler des erreurs historiques. Film imparfait, personnage méconnu et attachant, on vous recommande d'appeler un exorciste à la fin pour vous enlever de la tête ce satané refrain Dominique , nique, nique...