Reflets du cinéma iranien : un voyage essentiel

Posté par MpM, le 13 mars 2009, dans Festivals, Films.

IranDepuis 1997, l’association Atmosphères 53 organise pendant quinze jours un festival de cinéma disséminé dans toutes les salles du département de la Mayenne, sans le but de "faire découvrir des cinématographies étrangères et/ou différentes" se voulant le plus possible le "reflet de la cinématographie d’un pays ou de l’ensemble cinématographique choisi". Après des éditions consacrées au cinéma nordique (1998), du Maghreb (2005) ou encore aux "frontières" (2007), ces reflets du cinéma s’intéressent cette année à la cinématographie iranienne.

Jusqu’au 24 mars prochain, les Mayennais pourront ainsi découvrir dans plus d’une quinzaine de lieux des films de fiction, des documentaires et des courts métrages, mais aussi des conférences, stages de formation, soirées festives, expositions, rencontres, spectacles… en lien avec l’Iran. Ce qui est particulièrement intéressant dans le choix des films présentés, c’est la présence à égalité d’une sélection de films majeurs sortis sur nos écrans depuis 1979 (Où est la maison de mon ami d’Abbas Kiarostami, Le cercle de Jafar Panahi, Mariage à l’iranienne de Hassan Fathi…), mais aussi de longs métrages antérieurs (La Vache de Dariush Mehrjui ou Nature morte de Sohrab Shahid Saless) ou récents mais inédits en France (Le Lézard de Kamal Tabrizi).

Car, malgré les contraintes et la censure, la cinématographie iranienne garde un véritable dynamisme, avec une centaine de films produits par an. Il faut dire qu’il existe dans le pays une véritable tradition cinématographique. En effet, dès 1900, le roi Mozaferedin Chah découvre le cinéma lors de l’exposition universelle de Paris. Enthousiaste, il demande à son photographe (Akkas Bashi) de se procurer tout le matériel nécessaire pour ramener cet art merveilleux dans son pays. Trois ans plus tard ouvre à Téhéran la première salle de cinéma. Rapidement, certains religieux manifestent leur mécontentement : les films, qui montrent des femmes non voilées, sont jugés blasphématoires.

"Nous ne sommes pas opposés au cinéma"

Pourtant, une petite production locale voit le jour : films ruraux, mélodrames sociaux, comédies… entre 1930 et 1979, on répertorie ainsi environ 1100 films de fiction diffusés dans les 420 salles du pays, toujours sous le regard réprobateur des religieux. Curieusement, c’est l’ayatollah Khomeiny lui-même qui offre sa vraie légitimité au 7e art. "Nous ne sommes pas opposés au cinéma, mais contre son utilisation en faveur de la prostitution" déclare ainsi le grand leader après avoir vu La Vache de Dariush Mehrjui (l’histoire d’un paysan tombant malade quand sa vache meurt) à la télévision. Son discours donne le coup d’envoi à un cinéma respectant les "valeurs islamiques" et montrant le "bon chemin". Bien sûr, en parallèle, naît une autre sorte de cinéma, critique et engagée, qui tente de dénoncer ce qui ne va pas en Iran. Il est porté par des cinéastes comme Abbas Kiarostami, Mohsen Makhmalbaf, Bahram Beyzaie, Kiomars Pourahmad…

Le suite nous est plus familière. Au début des années 90, l’Occident découvre ce cinéma singulier dans les grands festivals et ne tarde pas à le célébrer. Cannes attribue sa Niki Karimiprestigieuse palme d’or à Kiarostami en 1997, pour Le Goût de cerise, puis distingue Bahman Ghobadi (Un Temps pour l’ivresse des chevaux) et Hassan Yektapanah (Djomeh) par une camera d’or ex-equo en 2000. La même année, Jafar Panahi, caméra d’or en 1995 avec Le ballon blanc, reçoit le lion d’or de Venise avec Le cercle. On assiste dans le même temps à l’émergence de jeunes réalisatrices bien décidées à utiliser le cinéma comme espace de liberté et d’expression, abordant notamment la question de la femme et de sa place dans la société iranienne. Dans ce mouvement, on retrouve entre autres les deux filles de Mohsen Makhmalbaf, Hana (Le cahier) et Samira (A cinq heures de l’après-midi), mais aussi son épouse Marzieh Meshkini (Le Jour où je suis devenue femme), ainsi que l’actrice Niki Karimi (Une nuit, ci-dessus), Rakhshan Bani-Etemad (Mainline) ou encore Mitra Farahani (Tabous).

Bien sûr, la censure pèse sur tous ces cinéastes qui doivent respecter la "morale islamique" en ne traitant pas certains sujets (notamment l’adultère et les relations sexuelles hors-mariage, à moins qu’ils soient explicitement condamnés) et en donnant toujours de la femme une image conforme à cette morale (un texte datant de 1996 précise par exemple les codes vestimentaires ou capillaires jugés acceptables). Certains, comme Mohsen Makhmalbaf, qui aime aborder la religion (Le cri des fourmis) et la sexualité (Sex and philosophy) dans ses films, n’ont d’ailleurs d’autre choix que de quitter l’Iran. "Je suis parmi ceux qui pensent que la censure peut aider la création : on verra si une censure à 100% permet de trouver de nouveaux moyens d’exprimer ce que l’on a à dire. Mais si l’on serre trop la gorge de quelqu’un, il finit par mourir…", expliquait le réalisateur en février dernier. Une réalité qui, certainement, assombrira quelque peu la grande fête que représentent ces indispensables "Reflets du cinéma iranien" en France.
_____________

Reflets du cinéma iranien en Mayenne
Jusqu'au 24 mars.
Liste des cinémas participants et programme sur le site de l'association Atmosphères 53.

Tags liés à cet article : , , , , , , , , , , , , , , , , .

commentaires3 commentaires
  1. Posté par Pierre, le 28 août 2009 à 13:41

    Bonjour, savez-vous si le Lézard a fait l’objet d’un DVD sous titré en français… ?

  2. Posté par vincy, le 28 août 2009 à 13:45

    pas à notre connaissance

  3. Posté par Claire, le 28 juin 2011 à 15:18

    Je découvre peu à peu des films de réalisateurs iraniens et je suis frappée par leur talent.
    Je dis: bravo!

    http://clairedanslessallesobscures.blogs.allocine.fr

>>> S'abonner aux commentaires
exprimez-vous
Exprimez-vous

Vous devez être connecté pour publier un commentaire.