Vesoul : retour sur le cru 2009 des « visages d’Asie contemporain »

Posté par MpM, le 20 février 2009, dans Festivals, Films, Vesoul.

Traditionnellement, à Vesoul, la section compétitive des longs métrages de fiction est l’occasion d’appréhender les grands courants de la production asiatique contemporaine ainsi que les préoccupations récurrentes de ses auteurs. Cette année, on a ainsi pu relever une tendance à questionner les rapports entre religion et société (voir article du 14 février) et à revenir sur les traumatismes du passé (Un cadeau pour Staline, L’aube du monde). Toutefois, c’est plus généralement la volonté d’explorer la particularité de destins humains confrontés à des drames universels ou intimes qui a semblé être le fil conducteur de cette sélection.

Cinq prix pour deux films

Un cadeau pour stalineLe grand gagnant (Un cadeau pour Staline de Roustem Abdrachev qui remporte trois prix dont le prestigieux Cyclo d’or) suit ainsi une poignée de déportés vivant en bonne entente dans un petit village du Kazakhstan. Par le regard d’un petit garçon orphelin, on découvre à la fois les horreurs et les petites joies d’une existence réduite à peu de choses. Présenté en fin de festival, le film a fait une quasi unanimité auprès des festivaliers, en raison bien sûr de son sujet fort mais aussi de sa mise en scène soignée, même si l’on peut reprocher au réalisateur sa tendance à appuyer l’émotion au lieu de la laisser affleurer subtilement.

Autre cinéaste à tirer son épingle du jeu, Abbas Fahdel (L’aube du monde) s’est vu décerner le très envié prix du public, ainsi que celui du jury NETPAC. Son film à l’intrigue ténue traite des Maadans, un peuple vivant dans la région des grands marais du delta du Tigre et de l’Euphrate. La succession des guerres, l’intolérance et la pauvreté a fait d’eux des exilés qui ne pourront jamais rentrer au pays. Comme une fable, L’aube du monde rend hommage à leurs souffrances et dénonce les exactions commises à leur encontre. Un premier long métrage envoûtant, malgré d’évidentes maladresses de mise en scène.

Sensations et controverse

Le Festival a connu une autre vraie sensation avec Daytime drinking, le premier long métrage du Coréen Noh Young-seok, qui suit un jeune homme embarqué dans un périple de plus en plus catastrophique, où l’alcool joue un rôle primordial. Malgré un budget extrêmement modeste (5000 euros), le film fonctionne si bien que la descente aux enfers du héros finit par mettre le spectateur particulièrement mal à l’aise. Néanmoins, il fait preuve d’une énergie et d’un humour (noir) universels, et Noh Young-seok repart de Vesoul avec le Prix Langues’O qui vient s’ajouter à une mention spéciale et au prix NETPAC reçus au Festival de Locarno 2008.

Seul 100 de Chris Martinez n’était pas vraiment attendu au Palmarès. Malgré son manque flagrant d’inspiration, ce mélodrame philippin sur une jeune femme se sachant condamnée à mort a pourtant convaincu le jury Guimet. Certes, le film reste plutôt léger, mais passée la première heure, il peine à se renouveler. De post-it en post-it (ceux sur lesquels son héroïne écrit les choses qu’elle voudrait faire avant de mourir), l’histoire tourne en rond et ne parvient pas vraiment à acquérir profondeur ou émotion. Sur le même thème, on préfère Le temps qui reste ou Ma vie sans moi.

Les oubliés du Palmarès

Parmi les oubliés, Flowers in the sky de Prasanna Vithanage est un mélodrame classique sur la difficulté du métier d’actrice auquel la présidente du jury international, Cape n°7Fatemeh Motamed-Arya, a malgré tout souhaité offrir une "pensée particulière". A contrario, tous les jurys ont snobé Le mirage de Zhou Hongbo, qui méritait probablement mieux que cette indifférence glacée. Sur le thème de la douleur et de la culpabilité, le cinéaste chinois produit une œuvre exigeante et complexe dotée d’une véritable grâce esthétique. Pas forcément abordable au premier regard, hélas.

Enfin, Cape n°7 de Wei Te-sheng est sans surprise reparti bredouille, très certainement pénalisé par sa légèreté de comédie romantique. On le sait, les jurys ont du mal à récompenser ce type de film, surtout face à des œuvres traitant de sujets "lourds". Pour autant, Wei Te-sheng n’a pas à rougir de la comparaison : sens aigu des situations, rythme soutenu, mise en scène inventive, humour incisif… il offre un bel écrin à une intrigue gentiment banale sur fond de nationalisme taïwanais. Dans son pays, Cape n°7 a dépassé les 100 millions de dollars taïwanais de recettes et aurait fait dire à Hou Hsiao-Hsien "voilà longtemps que j’attendais de voir un tel film". Il révèle surtout au public français la pop-star Van qui interprète avec conviction le rôle principal… celui d’un chanteur colérique mais charmant. Une vraie bouffée d’air frais dans une compétition plutôt compassée.

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commentaires2 commentaires
  1. Posté par v.pialat, le 21 février 2009 à 15:16

    J’ai eu la chance de voir une quinzaine de films au festival, dont quelques vraies bonnes surprises . Coup de coeur particulier pour L’Aube du monde, film envoûtant comme vous l’écrivez à juste titre, et pour Daytime drinking, film fauché mais original par son sujet et son traitement. Par contre, j’ai été déçue par Un cadeau pour Staline, film assez conventionnel

  2. Posté par Ni Wafa, le 21 février 2009 à 18:44

    MP, je suis bien d’accord avec toi, et je pense que Cape n°7 a vraiment été victime d’un manque d’explication préalable sur l’histoire de Taiwan.

    Heureusement qu’il y avait ce film et Jodhaa Akbar pour nous donner un coup de peps.

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