2008 : Le Top 5 de Benoit

Posté par benoit, le 28 décembre 2008, dans Courts métrages, Films, L'actu de l'équipe, Prix.

Ecran Noir revient, auteur par auteur, à ses coups de coeur de l’année passée… 

benoit gautier1. Un conte de Noël de Arnaud Depleschin. Le plus beau film de Depleschin injustement oublié au palmarès du Festival de Cannes. Sa mise en scène et l’interprétation de sa troupe de comédiens qui regarde dans la même direction artistique sont absolument somptueuses, impériales. Ce scénario d’une richesse et d’un foisonnement inouïs inclut deux flash forward qui anticipent le cours du récit ponctué de split screen, fermeture à l'iris, adresse caméra, citations et références. Si vous replacez chronologiquement les flash forward, alors vous vous apercevrez que dans ce "règlement de conte" familial, ce sont les enfants qui engendrent les parents. Du vrai et du très grand cinéma !

2. The visitor de Thomas Mc Carthy. The Visitor aurait pu être une boursouflure de bons sentiments comme le faisait craindre sa bande-annonce catastrophique. La régénérescence d'un sexagénaire grâce à l'amitié, à la musique et enfin à l’amour avait de quoi faire frémir. Eh bien, non ! Cette œuvre écrite, réalisée et interprétée au cordeau évite tous les poncifs américano-humano-dégoulinants. Aussi impitoyable qu’émouvante, elle dénonce sans fard la paranoïa des Etats-Unis depuis le 11 septembre et sa politique d’expulsion galopante. The Visitor concrétise à la perfection le vœu pieux de Jean-Luc Godard : faire politiquement du cinéma plutôt que du cinéma politique.

3. The dark knight, le chevalier noir de Christopher Nolan. Ce sixième épisode de la saga Batman au cinéma s’avère le plus capé, le plus culotté, le plus épouvanté, le plus atomisé, mais aussi le plus captivant parce que le plus profond. Éreinté par sa longévité, donc par la légitimité de son propre mythe, Batman aussi lisse que las reprend du collier pour sauver Gotham City, la jumelle de New York assombrie par la tourmente du terrorisme. En Ben Laden punk et sadomaso, Heath Joker Ledger masque au sens propre comme au figuré un abîme de blessures qui le conduisent aux frontières de la folie, de la mort. Un Oscar posthume s’impose pour cet acteur poète parti rejoindre River Phoenix, son frère spirituel de cinéma.

4. Les bureaux de Dieu de Claire Simon. Les bureaux de Dieu, avec une intensité magistrale, créé un planning familial situé sous les toits de Paris. Point culminant qui contemple l’agitation de la capitale et aimante ses confidences les plus intimes. Dans une réalité documentaire et une recomposition fictionnelle, Claire Simon signe non seulement un film d’une grande beauté, mais une œuvre d’utilité publique qui devrait être remboursée par la sécurité sociale. Toutes les actrices, professionnelles ou non, veillent avec l’énergie de tous les espoirs sur ces bureaux de Dieu dont les voies toujours impénétrables cherchent la libération sexuelle à travers l’obscurantisme de l’ignorance.

5. Les sept jours de Ronit et Shlomi Elkabtez. Avec Prendre femme, le second long-métrage du frère et de la sœur Elkabtez forme l’embryon d’une filmographie vibrante, fiévreuse, noblement engagée, artistiquement impeccable. Les réalisateurs scrutent l’implosion d’une famille israélienne enfermée pendant sept jours pour cause de deuil. Ils grattent jusqu’au sang les plaies de cette communauté. Arrachent les peaux mortes d’une société malade au fil de plans fixes dignes d’un Manoel De Olivera, de portraits de groupe grouillant comme des insectes égarés. Les sept jours rassemble une brochette de comédiens exceptionnels au sommet de leur art : celui de l’écoute de l’autre jusqu’à son plus infime frémissement.

Short bonus : Next floor de Denis Villeneuve.  Lors d'un opulent et luxueux banquet, onze convives sont servis à profusion par une horde de valets stylés. Tous participent à cet étrange repas aux allures de carnage gastronomique. Ce court-métrage du montréalais Denis Villeneuve allie le naturalisme décadent d’Eric Von Stroheim à celui, grotesque, de Marco Ferreri. Dénonçant les excès de la société de consommation, Next floor plonge sa tablée dans une descente aux enfers carnassière. Un film cinglant comme un coup de cravache !

Le film le plus attendu de 2009 : La fille du RER de André Téchiné avec un casting tous azimuts dont il a le secret : Catherine Deneuve, Emilie Dequenne, Ronit Elkabetz, Michel Blanc, Nicolas Duvauchelle, Mathieu Demy…

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commentaires3 commentaires
  1. Posté par benoit, le 28 décembre 2008 à 11:12

    Les plages d’Agnès est sorti après la parution du Top 5 d’Ecran Noir. Ce film-bijou partage sans nul doute la première place avec Un conte de Noël de Arnaud Depleschin. Mieux, il décroche un prix d’excellence à part, une décoration hors norme – une palme en plastique ! – à l’image de sa créatrice.
    Du haut de ses 80 balais, la grande Agnès V. mi Lilliputienne, mi batracienne hisse l’artisanat du cinéma à l’esprit de poésie si cher à Jean Cocteau.
    Son âme de réalisatrice-photographe-plasticienne et son appétit insatiable de rencontres se mettent au service d’une « mise en plages de vie » très marabout-bout de ficelle, impressionnante de créativité, émouvante de beauté.
    Comme un boa, sa caméra avale, digère, puis régurgite beaucoup plus de souvenirs que tous les biopics assenés cette année. Plus qu’un testament : un chef-d’oeuvre.

  2. Posté par Claire, le 28 décembre 2008 à 20:40

    La fleur bleue au pays du merveilleux te remercie pour tes bons vœux . C’est original comme commentaire.

    « Idem » ,comme le dirait Demi dans « Ghost »( un film très fleur bleue ):) … Tous mes vœux pour 200neuf!
    Ton classement est si bien argumenté que cela donne envie de tout voir .Tu n’as pas mis « l’Echange »?
    Pour moi ,en priorité, deux films français (parce qu’il n’y en a pas assez dans ma sélection):
    « Un conte de Noël »(c’est de saison!)et « les bureaux de Dieu »,déjà pour son titre et pour son sujet :le planning familial.
    « No country for old men tellement supérieur à Burn after reading  » : Tu as raison!Ceci dit , on attendait peut-être beaucoup trop de « Burn after reading »…

    En espérant de beaux films pour l’année à venir,

    Claire ( hélas : pas Denis, pas Simon) F.

  3. Posté par Johnny Guittar, le 13 mars 2009 à 12:12

    « Réalisé au cordeau » : une expression si figée est un argument bien faible pour vanter les qualités de The Visitor. A mon avis, il s’agit d’un film extrêmement démonstratif, caricatural, et qui exploite son caractère indépendant pour convaincre d’une bonne foi qu’il n’a pas plus qu’un discours politique, orienté et persuasif de campagne électorale. Je suis prêt néanmoins à en débattre, et un argument tel que « réalisé et interprété au cordeau » est loin de pouvoir convaincre quiconque. Il faut faire attention aux expressions figées : elles ne disent rien, et ne s’imposent que parce qu’elles arrêtent la réflexion. La pensée se visite comme une vaste maison, pour peu que le langage n’y soit pas utilisé comme des grilles closes, dont la clé ne doit jamais être définitivement perdue.

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