Poitiers : Bonello et Laforce mettent le son en lumière

Posté par MpM, le 10 décembre 2008

Jean-Pierre Laforce et Bertrand BonelloDans le cadre de la traditionnelle leçon de cinéma des Rencontres Henri Langlois, le mixeur Jean-Pierre Laforce (On connaît la chanson, La pianiste, Huit femmes…) a proposé aux festivaliers d’assister à une véritable séance de mixage. En compagnie du réalisateur Bertrand Bonello (dont il a mixé les derniers films) et du monteur son Nicolas Moreau, il a travaillé en direct sur l’une des séquences de De la guerreMathieu Amalric, seul dans la forêt, interagit avec les sons qui l’entourent. L’occasion de découvrir cette étape ultime et déterminante de la chaîne de réalisation d’un film, où en jouant sur le volume du son, son timbre, sa dynamique, sa spatialisation ou encore sa réverbération, le mixeur cristallise le sens et la portée d’une œuvre. Rencontre avant la bataille avec Bertrand Bonello et Jean-Pierre Laforce.

En tant que réalisateur, à quel moment commencez-vous à penser au son ?

Bertrand Bonello : Moi je pense beaucoup au son parce que je suis à l’aise avec. J’y pense de plus en plus tôt, bien avant le moment du montage. Par exemple, dans l’extrait utilisé par Jean-Pierre Laforce pour sa leçon de mixage, le son est narrativement aussi important que l’image. Mon rêve, ce serait de faire les deux montages [image et son] en même temps, que l’un interagisse sur l’autre.

Qu’est-ce que le mixage ?

Jean-Pierre Laforce : C’est un travail qui intervient à la toute fin du film, lorsque l’image est déjà montée. Le mixeur reçoit le son direct pris pendant le tournage (ça peut être les voix des acteurs ou l’ambiance des scènes) monté avec les éventuels bruitages et la musique enregistrée. Bien sûr, il a vu le film avant… et doit mixer toute cette matière.

Bertrand Bonello : Le mixage, c’est le moment où l’on brise tout pour tout reconstruire. En tout cas c’est comme ça que je le perçois. C’est aussi la fin d’une longue chaîne car lorsqu’on en arrive au mixage, ça fait deux ans que je travaille sur le film, qui est ce qu’il est à ce moment-là. Il faut l’accepter tel quel. Avant, au tournage ou au montage, on se dit que l’on pourra "arranger les choses" à l’étape suivante. Mais au mixage, on sait que le film va s’arrêter là. On doit regarder et écouter les choses sans penser que cela pourra encore se transformer. C’est difficile à accepter.

Concrètement, comment cela se passe-t-il ?

Jean-Pierre Laforce : Par petits touches. Mon rôle, c’est de questionner la mise en scène au travers du son. On ne refait pas entièrement un film au mixage, on poursuit simplement un travail de mise en scène. On mesure ce que chaque son apporte ou retranche au film, s’il fait sens. La plupart du temps, on en enlève plus qu’on en ajoute. Ce n’est pas de l’ordre de la magie...

Mais au final, la bande-son réussie n’est-elle pas celle que l’on ne remarque pas ?

Jean-Pierre Laforce : C’est sûr que si vous ressortez du cinéma avec une conscience très claire du son, c’est plutôt mauvais signe… Mais ça ne vous empêche pas de remarquer le travail effectué sur certaines séquences. Moi ça ne m’empêche pas d’aller au ciné, de me laisser prendre par le film et de me dire tout à coup, tiens, ça, ce travail sur le son, ça m’intéresse !