Villerupt 2008 : portraits de l’Italie contemporaine

Posté par MpM, le 7 novembre 2008, dans Festivals, Films.

comencini_bianco-e-nero.jpgParfois, en festival, on se demande si l’on prend tant le pouls de la cinématographie d’un pays que de sa société. Un peu des deux probablement, tant les films présentés ont tendance à dresser un catalogue plus ou moins exhaustifs des maux d’une nation. La compétition du Festival de cinéma italien de Villerupt, ou tout au moins ce que l’on en a vu jusque là, ne semble pas faire exception. Emigration, racisme, exploitation, chômage, politique, mafia… on serait tenté de dire que les ingrédients ne varient pas beaucoup. Mais ce qui indubitablement change, c’est le ton utilisé. Ni misérabiliste, nous emmenant vers le mélodrame social, ni si alambiqué que tout devient mystérieusement allégorique et obscur. Au contraire, et comme pour contrebalancer l’énormité de leur sujet, les réalisateurs choisissent la voie de la légèreté, voire de l’humour le plus débridé, et affrontent les questions frontalement, quitte à mettre les pieds dans le plat. Au moins sont-ils conscients qu’une thématique ne suffit pas et font-ils l’effort de raconter des histoires illustrant leurs préoccupations, et ne servant pas seulement de prétexte.

Ainsi le destin de Gaetano (La terramadre de Nello La Marca) qui vit sur la côte sud de la Sicile où, chaque jour, on retrouve échoués les corps de clandestins dont les embarcations de fortune ont fait naufrage. Il observe incrédule ses compatriotes malmener les malheureux survivants et en même temps rêver à l’Allemagne, pays de cocagne où bien des hommes du village s’exilent pour échapper à la pauvreté. Curieusement, Gaetano semble être le seul à faire le lien entre ces fantômes rejetés par la mer et celui qu’il pourrait devenir en Allemagne. A tous les arguments matériels qu’on lui oppose, il ne peut que répondre, parlant des réfugiés : "et eux, qui sait ce qu’on leur avait promis ?" Mais Gaetano est face à un choix impossible : exploiter plus misérable que lui sur sa terre natale, ou devenir à son tour l’exploité sur une terre étrangère. Le film, lui, ne tranche pas, mais quoi que ce soit avec un style maniéré et un sérieux manque de subtilité, il a le mérite de poser les questions qui mettent chacun devant ses responsabilités.

SOS terriens en détresse

Question subtilité, peut-être que Cristina Comencini (photo) pourra repasser elle-aussi. Dans Bianco e nero, une fable sur le racisme qui s’ignore, ses personnages commettent en effet tous les impairs possibles avec la meilleure volonté du monde. A trop vouloir dénoncer l’hypocrisie ambiante, la cinéaste a bien dû mal à éviter les bons sentiments… Au moins pousse-t-elle la réflexion un cran plus loin que d’habitude. Sa cible n’est pas tant les racistes virulents, ceux qui ne tolèrent aucune différence et veulent "renvoyer tous les étrangers chez eux", que ceux, probablement plus insidieux et plus nombreux, qui veulent à tout prix se donner bonne conscience et ne parviennent pas à envisager simplement l’altérité.

Une scène illustre merveilleusement ce racisme inconscient : invitée à une fête d’anniversaire, une petite fille noire vole une poupée. Et les parents de la fillette spoliée de trouver à leur invité indélicate toutes les excuses du monde, et de finir par lui donner la poupée. "Vous faites seulement ça parce qu’elle est noire", s’insurge (à raison) leur fille… Le tableau que dresse Cristina Comencini de la coexistence entre Blancs et Noirs fait froid dans le dos : deux univers parallèles qui ne peuvent ni se mêler, ni se comprendre, et dont la rencontre réveille pas mal de tabous.

On est tout aussi horrifié par la vision que Tutta la vita davanti de Paolo Virzi donne du travail en centre d’appels : embrigadement, lavage de cerveau, exploitation et manipulation éhontés, le tout en musique et avec sourire réglementaire. Le réalisateur croque à merveille cet univers aseptisé et décérébrant auquel il ne fait pas de cadeau. C’est presque systématiquement hilarant, et suffisamment bien vu pour démonter intelligemment le mécanisme du travail précaire et son corolaire : la lutte sociale souvent pleine de bonnes intentions, mais incapable de prendre en compte tous les paramètres, notamment humains. Là encore, le réalisateur ne livre pas de réponses, et même son message d’espoir est ténu. Certes, la petite Lara deviendra peut-être philosophe grâce aux sacrifices consentis par sa précaire de mère… mais qui sait si, comme l’héroïne, thésarde que personne ne peut embaucher, elle ne devra pas se rabattre sur le premier boulot humiliant venu ?

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