Festival de La Rochelle, chapitre 2 : Mike Leigh, ou le théâtre du réel

Posté par Martin, le 3 juillet 2008

behappy.jpgSouvent, Mike Leigh a été considéré comme un réaliste anglais au même titre que Ken Loach et Stephen Frears première manière. C’est qu’il partage avec eux un terrain d’exploration, une certaine classe sociale pauvre et urbaine, et un système de production, la télévision – la moitié de son œuvre est télévisuelle. Son univers en porte les stigmates : des personnages « lower than life » errent dans les lieux les plus quotidiens. Pourtant, le point de vue Mike Leigh n’a rien de naturaliste : ce ne sont pas les pulsions de ses personnages qui l’intéressent, mais plutôt comment ceux-ci cherchent une place à la fois dans et en dehors de la société. A la différence des personnages de Ken Loach qui veulent un travail, de l’argent, les héros de Mike Leigh ne cherchent rien de matériel ; au contraire, ils rêvent de grandeur et d’ailleurs, fidèle en cela à une autre tradition anglaise : ce sont de vrais personnages shakespeariens.

Le Roi Leigh 

Car il y a du Shakespeare chez Mike Leigh, cinéaste dont le réalisme naît de la théâtralité. Le précoce mais déjà abouti Meantime (téléfilm de 1983) se penche sur une famille entière au chômage. Le réalisme sombre auquel on s’attend est bien là ; pourtant la scène à l’ANPE ne manque pas d’humour : le fils cadet, Colin (Tim Roth, boutonneux à lunettes déjà sensationnel) ne se souvient plus de son nom et c’est son père qui le corrige… Colin suit les pas de son grand frère, John (Alfred Molina), et s’invite dans l’appartement d’une de ses amies dans l’espoir de s’intégrer quelque part puisque ni l’école ni le monde du travail ne veulent de lui. Tout est histoire de lieu à conquérir. Il rencontre un personnage matriciel dans l’oeuvre du cinéaste : lumineux et crasseux, Coxy (Gary Oldman) offre son crâne rasé et sa parole facile à ceux qui l’entourent. Skinhead ? Pas vraiment. Dans une des scènes les plus étranges de Meantime, Colin croise dans la rue Coxy qui tourne dans un tonneau en pleine rue, tel le Fou des pièces de Shakespeare. A la fin, Colin se rase le crâne, comme marqué par la révélation de Coxy dans une société aveuglée. 

Théâtre de comédie 

En soulignant la théâtralité des lieux du réel, Mike Leigh dévoile celle de rapports humains qui reposent sur la domination sociale. Coxy, dans sa roue, ne fait que créer un mouvement absurde, seule liberté dans une société-prison. Lorsque sa tante demande à Colin de travailler en participant à la décoration de son intérieur, l’adolescent reste figé sur le canapé, incapable de monter l'escalier qui signerait le début d’un nouvel asservissement. La mise en scène de Mike Leigh se construit autour du décor – et ce jusqu’à son dernier film, Happy-go-lucky (Be Lucky), dont l’héroïne est, avant toute chose, définie par son appartement coloré. Colin fuit dans les rues plutôt que d’entrer dans un espace où il est, au sens propre, déplacé. C’est d’ailleurs dans son propre espace, la chambre qu’il partage avec son frère, qu’aura lieu la révélation finale. Si leur appartement est une autre prison, puisque les fenêtres ne s’ouvrent pas, sa chambre est un havre où, à la manière des personnages du carnaval de Beaucoup de bruit pour rien, il peut ôter son masque (la capuche de sa doudoune) et se montrer enfin tel qu’il est. 

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Biarritz accueille l’Amérique latine

Posté par MpM, le 3 juillet 2008

Festival des cinémas et cultures d’Amérique latineCet automne, si l’aller et retour Paris-Montevideo est au-dessus de vos moyens,  l’Uruguay et les cultures d’Amérique latine, en revanche, sont tout à fait à votre portée. Pour la 17e année consécutive, la ville de Biarritz accueille en effet le Festival des cinémas et cultures d’Amérique latine.

Au programme, trois sections compétitives composées de films inédits et récents (documentaires, longs et courts métrages), un panorama du cinéma uruguayen (en présence d’André Pazos, l’interprète principal de Whisky de Juan Pablo Rebella et Pablo Stoll), et un hommage à l’école de cinéma brésilienne Universidade Federal Fluminense en présence de Nelson Pereira dos Santos, son fondateur.

Mais aussi  des expositions (photos péruviennes et affiches argentines de films français), des concerts gratuits (chaque soir, avec des groupes venus de tout le continent) et des rencontres littéraires (Antonio Skarmeta, Mempo Giardinelli, Fabrizio Mejia Madrid…). Soit une occasion unique d'embrasser en un seul lieu toute la diversité et la richesse des cultures sud-américaines.

Joyeux Anniversaire… Québec

Posté par vincy, le 3 juillet 2008

open-1.jpg end06-react-b.jpgshadow-quebec.jpgVous allez me dire : quel rapport entre les 400 ans de la Ville de Québec et le cinéma ? A priori aucun. Ecran Noir n’est pas né un 3 juillet mais le 12, et c’était à Montréal.

Pourtant, la Ville de Québec, toute concentrée à ses célébrations festives, a perdu son Commissariat au cinéma et à la télévision en mai dernier. 400 ans et quasiment inexistante au cinéma. C’est d’autant plus incompréhensible qu’elle est l'une des rares villes cinégéniques d’Amérique du Nord. Le Vieux Québec, comme la Nouvelle Orléans ou Boston, a un aspect européen romantique bien mieux préservé que son équivalent à Montréal. La vue sur les environs, notamment sur l’esplanade du Château Frontenac, offre un panorama somptueux qui n’a d’égal que celui de San Francisco.

shadow-confessional.jpgDans son communiqué daté du 7 mai, le Gouvernement du Québec a enterré le Commissariat, ses employés avec, après trois ans d’existence. Hélas, peu de réactions ont émergé. Le scandale provoqué par la destruction du Bureau du film (1987-2004) ne se répètera pas. Le Gouvernement estime, en se fondant sur un audit des surestimés consultants de PriceWaterHouse Coopers - leur pensée unique étant formatée comme un Powerpoint en « slides » enchaînées, ils ne se sont intéressés qu’au point de vue des producteurs -, que l’environnement multimédia aura raison dans quelques années d’une approche trop classique (des tournages audiovisuels dans des décors naturels). La priorité n’est donc plus de faire de Québec une ville de tournage mais un pôle multimédia et technologique, où la croissance serait plus forte. Montréal doit bien rigoler, elle qui investit tant pour séduire les productions hollywoodiennes… et empocher les retombées économiques qui en découlent.

movie-react-c.jpgSi vous voulez tourner à Québec, il restera le service de la culture de la Ville pour vous guider dans « ses vieilles forteresses », « ses ruelles étroites recouvertes de pavés », et aux alentours, « ses montagnes, gorges et falaises ». Eventuellement, la Ville vous accordera « une réduction substantielle quant aux coûts des services municipaux fournis lors des tournages. »

Peut-être que l’indifférence politique, la concurrence des contributeurs d’aide entre eux, l’absence de résultats sur le nombre de tournages produits dans la région, ont eu raison de cet organisme. Evidemment, les demandes transiteront ailleurs, les financements viendront d’autre part. Il n’y a pas péril en la demeure.

Reste que la vieille dame du Saint-Laurent  se voit marginalisée sur la carte des lieux de tournage, alors même que l’industrie de l’image nécessite une dynamique alliant les nouvelles technologies, le divertissement, la création et le financement.

react3-c.jpgIl est vrai aussi que Québec a échoué à attirer les créateurs et les producteurs étrangers. Il y a bien eu Taking Lives, un thriller de serial-killer avec Anjelina Jolie et Ethan Hawke ou une brève séquence d’ Arrête-moi si tu peux de Steven Spielberg. Bollywood a réalisé un de ses films comme ils vont en Corse pour s'encanailler dans des paysages exotiques.  Michel Boujenah y a tourné la conclusion de son Père et fils, ultime film de Philippe Noiret. Rien de transcendant. Québec souffre sans doute du poids d’un mythe. Qui oserait tourner dans la ville de La Loi du Silence (I Confess), film d’Alfred Hitchcock, entre foi, meurtre et culpabilité, avec Montgomery Clift et Anne Baxter. Dans l’ombre du maître, Québec est condamnée depuis 55 ans à attendre qu’un grand cinéaste la courtise de nouveau...

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AFI (8). Suspens : Hitchcock, incontournable

Posté par vincy, le 3 juillet 2008

vertigo.jpgSueurs froides (1e), Fenêtre sur cour (3e), La mort aux trousses (7e), Le crime était presque parfait (9e). Hitchcock, tel Disney dans l’animation, laisse peu de place aux autres. James Stewart et Grace Kelly s’en trouvent doublement récompensés… Le plus difficile a dû être de choisir quels films et dans quel ordre les mettre… Les enchaînés ou Psychose sont du coup injustement hors concours. Le reste du classement est sans doute le plus classe de tous : Chinatown, Laura, Le troisième homme, Le faucon maltais… On fait pire cinéma. Dans le bas du classement, le genre invite Lynch (Blue Velvet) et Synger (The Usual Suspects). La forme et le style, la malice et les références créent le film culte, et souvent hors du temps. Tout ce qui fait de Sueurs Froides, l’œuvre symbole du genre.
Notre avis : Peu importe le film pourvu qu’on ait Hitchcock, le plus habile des cinéastes à mélanger psychanalyse et peurs primaires, tout en nous faisant sursauter en un plan.

Prochain épisode : la comédie romantique, une affaire de couples