Les « Cahiers » sont à vendre

Posté par vincy, le 10 avril 2008

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La presse écrite spécialisée dans le cinéma est toujours dans la tourmente. Première en sursis, Ciné Live qui a rejoint Studio au sein de Roularta... Entre Internet, les gratuits des salles de cinéma et le robinet à images sur la télé, le cinoche n'est plus affaire de chapelles et de fidèles. Dernier épisode en date : dans le cadre de sa restructuration, le groupe Le Monde (par ailleur propriétaire de Télérama) a décidé de vendre les éditions de l'étoile, qui possèdent les mythiques Cahiers du cinéma. Ironiquement la récente couverture du mensuel titrait en rouge "Etat d'alerte".

Selon les chiffres les plus récents de l'OJD, Les Cahiers tirent à 42 000 exemplaires. Seulement 25 600 sont diffusés mensuellement, c'est à dire achetés, en France et à l'étranger. Plus de la moitié de cette diffusion est due aux abonnements. Seulement 7 000 exemplaires sont achetés en kiosque en France!

Première reste leader avec 174 100 exemplaires vendus en France et à l'étranger, contre 94 200 pour Studio Magazine, 93 200 pour Cine Live, 43 900 pour Les années Laser et 24 800 pour Mad Movies. A l'étranger, Première est le seul mensuel de cinéma à dépasser les 8 000 exemplaires quand Les Cahiers, Studio et Cine Live sont tous autour de 4 000/ 5 000 exemplaires. Ce remarquable score dans le monde a conduit logiquement les dirigeants des Cahiers à se traduire en anglais sur le web... L'autre force des Cahiers ce sont ses 13 200 abonnés quand Les années Laser n'en ont que 11 800 et Cine Live 20 400. Première reste malgré tout le magazine le plus envoyé par la poste avec 68 300 adresses dans son fichier.

Reste que le mensuel qualifié d'élitiste va devoir trouver un modèle économique hors du groupe Le Monde, qui pouvait lui assurer une certaine pérennité. Pour le moment, aucun de ces magazines n'est parvenu à s'installer confortablement sur un autre support que le papier : ni la télé, ni le web. Surtout, le cinéma est devenu une rubrique incontournable pour tous les magazines. On aurait d'ailleurs pu rajouter Telerama (groupe Le Monde) avec ses 519 200 abonnés et ses 103 300 exemplaires vendus en kiosque tous les mercredi. Ou encore Les Inrockuptibles et ses 21 900 abonnés (soit la moitié de sa diffusion!).

C'est dans ce contexte tendu où le lecteur cinéphile se fait volage que Le Monde a décidé de se séparer de cette belle marque, sans doute pas assez rentable ni essentielle à son développement.

BIFFF 2008 this is the end…

Posté par denis, le 10 avril 2008

La fin du BIFFF approchait tandis que les fans patientaient. En effet, en cette veille de clôture le dernier film de Stuart Gordon, Stuck, était projeté en avant première. Connu pour ses délires sexe et gore du début de sa carrière, il a depuis quelques années modifié et affiné son style pour construire des films à portée sociale. Non qu’il se soit transformé en Ken Loach ou Mike Leigh, Gordon a opté pour un style visuel appauvri volontairement enfin de coller au plus près aux déliquescents modes de vie de ses concitoyens américains. Excepté Dagon, adaptation magnifique d’un récit de Lovecraft, Edmond, King of the ants et aujourd’hui Stuck sont des films utilisant les gimmicks des films d’horreur pour mettre en image l’horrible quotidien de l’individu lambda.

Ainsi Stuck est tiré d’un fait divers. Selon l’intéressé "c’est une  histoire vraie qui s’est passée il y a 7 ans , une infirmière  travaillant dans une  nursery a renversé un sans-abri,puis est rentré chez elle avec le blessé accroché à la voiture, puis a fait  l’amour avec son compagnon sans s’inquiéter de l’homme blessé. Contrairement au film, cet homme n’a pas survécu, alors que si l’infirmière l’avait amené à l’hôpital il s’en serait" sorti. A la lecture de ce fait divers Gordon fut atterré par un tel comportement. Je ne comprenais pas comment une femme qui d’habitue s’occupe des gens à pu faire une chose pareille. Rapidement il décida d’en tirer un film, modifiant seulement quelques éléments en imaginant comment cet homme aurait essayé de s’en sortir. Selon lui on doit se prendre en charge dans toutes les situations, surtout dans cette société où plus personne n’aide autrui, nous vivons dans une époque très égoïste donc nous devons survivre par tous les moyens.

A l’arrivée Stuck, malgré un début un peu lent, se met rapidement en place, ou plutôt dans le surplace, et écorche à vif l’égoïsme forcené d’une société qui n’a que faire de savoir si des cadavres s’amoncellent dans le garage du voisin. Comme le dit un des personnages, « ce ne sont pas nos affaires », même quand la vie d’un homme est en jeu. Se laissant aller à deux trois plans assez gores, le pauvre homme dans le pars brise est dans un très mauvais état et jamais Gordon ne fera un film dénué d’hémoglobine, Stuck insiste sur l’aberration de la situation jusqu’à la rendre drôle. 13 Beloved jouait aussi sur ce registre. A croire que plus l’on se penche sur les dérives du monde et plus le rire devient l’ultime bouée de sauvetage de l’individu. Ces aberrations font penser aux dramaturges scandinaves pour leur capacité à fouiller les tréfonds obscurs de l’âme humaine avec en filigrane un humour à froid. Rire du pathétique, sourire pour dédramatiser. Car en général cela se termine souvent mal. Et si Stuck rend justice à l’injustice, il n’en laisse pas moins une impression amère dans la bouche. Après le rebelle Carpenter, Joe Dante la tête brûlée et Romero l’éternel psychologue du vivant zombifié, il faudra dorénavant compter sur Gordon en tant que sociologue du pathétique horrifique.

Enfin, film de clôture censé peindre un imaginaire entre Jodorowsky et Bunuel, The Fall de Tarsem Singh échoue à emporter le spectateur loin des rivages narratifs et des histoires rationnelles malgré son postulat de départ. Dans un hôpital à Los Angeles vers 1940, une petite fille se voit racontée par un cascadeur cloué au lit une histoire de pirates et d’amour. Le film alternera entre ces deux mondes. Fort de son premier film, The Cell plongeait Jennifer Lopez dans l’esprit d’un serial killer, occasion pour le réalisateur de construire nombres de séquences dantesques dans un monde mental cauchemardesque et esthétiquement bluffant, Tarsem récidive dans un registre plus enfantin et s’abandonne dans une image léchée se voulant de véritables odes à l’imaginaire. Bien mal lui en prend, son film ne dépasse jamais le statut de pelloche boursouflée, où, se prenant pour le nouveau maître du conte-mystico-païen, tout est fait pour en mettre plein la vue à coup de paysages sortis de l’Eden et de costumes stylisés à outrance. Certes c’est très beau, mais l’histoire reste très plan-plan, tant dans l’hôpital que dans cette plate histoire d’amour (le monde imaginaire ici n’est pas très imaginatif), et surtout on ressent cette envie de la part du metteur en scène de plagier les grands maîtres psychédéliques sans avoir le discours approprié. Faire un beau film c’est bien, mais faut-il avoir encore quelques chose à dire sans que ce dit film paraisse pour un trip arty prétentieux. A aucun instant une quelconque émotion émerge de ce charabia faussement jodorowskien, et le film continue de dérouler sa logorrhée visuelle en arc-en ciel sans tenir compte de ce manque à ressentir. The Fall, oui, mais pas dans le sens où l’entendait le réalisateur.