Le Cahier

Posté par MpM, le 31 janvier 2008, dans Critiques, Festivals, Vesoul.

Aucun doute, Hana Makhmalbaf ne renie pas son nom. Sur les traces du cinéma engagé et symbolique de son père, elle met en scène dans Le Cahier une petite fille de l'ère post-taliban lancée dans un étonnant combat pour apprendre à lire. Le film suit les différents obstacles qui se dressent devant elle (économiques, idéologiques, historiques, politiques...) et livre une vision étonnante de cette micro-société afghane recluse dans des grottes. Vécues à hauteur d'enfant, ces difficultés semblent étonnamment déformées, à la limite du supportable. L'indifférence des adultes et la cruauté des enfants se répondent dans une sorte d'écho tragique qui ne laisse aucune lueur d'espoir. Les jeunes garçons endossent avec la même facilité le rôle du Taliban lapidateur que celui de l'Américain traqueur de terroristes, et jouent inlassablement à la guerre, incapables d'imaginer un autre horizon que celui qui a baigné toute leur vie.

Il y a beaucoup de choses dans Le Cahier, et sans doute trop. Le symbolisme massif, un peu lourd, de chaque étape dans le chemin de croix de Bakhti, veut dénoncer tous les problèmes à la fois. La condition des femmes (privées d'école, pourchassées parce qu'elles sont jolies, menacées à tout bout de champ de lapidation...), la misère, l'obscurantisme, et le désordre laissé par l'union (efficace) des forces talibanes et de l'armée américaine. Les premiers pour avoir opprimé et décérébré le peuple, les seconds pour avoir achevé cette confusion des valeurs sous couvert de libération, mais en vérité par la violence et l'impérialisme. Qu'aurait-il fallu, que faut-il, pour sauver Bakhti de ses bourreaux, sinon le minimum d'éducation qu'on lui refuse ? "Qu'as-tu appris à l'école ?" lui demande son ami Abbas, le seul qui la comprenne. "On ne m'a rien appris, j'ai appris toute seule", répond-elle, étrangement visionnaire et déjà consciente de ne pouvoir compter que sur elle-même.

L'atout certain d'Hana Makhmalbaf, c'est justement Bakhti, Nikbakt Noruz, une merveilleuse petite boule d'énergie de 6 ou 7 ans qui porte le film de bout en bout, et emporte l'adhésion. On regrette alors d'autant plus plus que la réalisatrice se soit laissée aller à une mise en scène manipulatrice et lacrymale qui en rajoute des tonnes, quand il suffisait de capter l'émotion brute sur le visage de son actrice.

Le Cahier, Hana Makhmalbaf, sortie le 20 février.

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